Au terme de la Première Guerre mondiale et de la révolution russe, il a donné une première reconnaissance juridique à un demi-million de réfugiés et d'apatrides. Créé en 1922 par la Société des Nations, le passeport Nansen permettait en théorie aux ressortissants de recouvrer une identité et une dignité. Carl Bouchard, professeur d'histoire, parle à Jacques Beauchamp des remous politiques occasionnés par l'effondrement de quatre empires et l'émergence de la Russie bolchévique.
En 1921, le Norvégien Fridtjof Nansen est nommé haut-commissaire pour les réfugiés à la Société des Nations. Ancien athlète et explorateur devenu scientifique, héros dans son pays, Nansen doit créer des normes internationales qui permettront aux réfugiés de faire valoir leur identité afin d’avoir accès aux services dans leur pays d’accueil.
Trafic sur le continent
Les réfugiés viennent des empires russe, allemand, austro-hongrois et ottoman, dissous lors de la redéfinition des frontières qui a suivi la Première Guerre mondiale. Ils comptent aussi, notamment, ces Russes qui ont émigré après la révolution de 1917 et dont la nationalité a été révoquée par un décret du nouveau gouvernement bolchévique, en 1921. Les minorités chrétiennes et les Arméniens, persécutés sous l’Empire ottoman, garnissent également leurs rangs.
« Les nations ont très peu d’intérêt, dans un premier temps, pour cette question [des réfugiés], parce qu’elles sont trop préoccupées par leurs propres ressortissants dans un contexte de reconstruction d’après-guerre. Donc, il y a un peu, dans ce cas-ci, une concurrence des victimes : qui est le plus en état d’urgence? »
Précieux papier
Le passeport Nansen est créé officiellement en 1922. Il est rédigé en français, la langue diplomatique d’usage, de même que dans la langue du pays qui l’émet. Pour l’obtenir, un candidat doit passer devant une commission d’examen composée de fonctionnaires et de ressortissants du même pays que lui.
S’il est en principe censé empêcher l’expulsion des pays hôtes, le document est toutefois fréquemment rejeté par des intervenants, comme des agents d’immigration.
Au cours de cette émission, Carl Bouchard raconte comment le passeport a été délivré à un demi-million de personnes jusqu’à la fin de l’entre-deux-guerres, et comment de grandes figures comme le photographe Robert Capa et l’armateur Aristote Onassis en ont bénéficié.