Ces 30 ans d'affrontements entre les familles York et Lancastre ont permis l'émergence d'une nouvelle dynastie royale, les Tudor; la centralisation du pouvoir monarchique anglais à Londres; le changement des mœurs politiques britanniques; et le passage du royaume du Moyen Âge à la Renaissance. L'historienne Catherine Tourangeau raconte à Jacques Beauchamp quelques-uns des nombreux revirements de cette sanglante saga qui a notamment inspiré Shakespeare de même que la série Le trône de fer.
À la fin du 15e siècle, l’Angleterre connaît une période d’instabilité politique et militaire en raison de sa défaite à la guerre de Cent Ans. Le royaume a besoin d’un dirigeant fort, mais c’est plutôt Henri VI, couronné à 9 ans seulement et en proie à des symptômes de folie, qui est sur le trône. Alors que des régents aux intentions floues règnent à sa place jusqu’à sa majorité, le féodalisme est en pleine désintégration, ce qui permet l’émergence de plusieurs petits leaders politiques et militaires. Le pouvoir est dangereusement fractionné.
Henri VI fait partie de la maison Lancastre. L’un de ses régents est Richard Plantagenêt, duc de York. Les familles Lancastre et York sont toutes deux issues de la dynastie des Plantagenêt, qui règne sur l’Angleterre depuis des siècles, mais elles sont désormais rivales.
Un roi en otage
Les hostilités débutent le 22 mai 1455 à Saint-Alban, lorsqu’une armée de 3000 hommes à la solde des York s’en prend à l’armée royale. Les York passent bien près d’échouer, mais ont finalement le dessus. Blessé, le roi doit se réfugier chez un tanneur, mais il est ensuite fait prisonnier. C’est le duc d’York qui rend au roi sa liberté, mais en échange du titre de lord- protecteur, qui lui donne un ascendant sur le roi.
Marguerite d’Anjou, l’épouse du roi, parvient à chasser provisoirement le duc d’York en convoquant un Parlement spécial, mais les Lancastre subissent un nouveau revers à la bataille de Northampton, en 1460. Pour dénouer la crise, le Parlement offre au duc d’York de donner la couronne à ses héritiers après sa mort.
L’ère York
Quand le duc meurt finalement à la bataille de Wakefield, toujours en 1460, son fils Édouard devient le roi Édouard IV. Ce dernier poursuit la campagne de son père contre les Lancastre, qui sont défaits pour de bon à la bataille de Towton, en 1461.
Un mariage secret entre Édouard IV et Élisabeth Woodville redonne brièvement l’avantage aux Lancastre à partir de 1469. Élisabeth Woodville est une partisane notoire des Lancastre, et de nombreux fidèles des York se rangent du côté de la dynastie déchue lorsqu’ils ont vent de l’union.
Avec le soutien d'aristocrates français, Richard Neville, comte de Warwick, et Marguerite d’Anjou mènent une campagne militaire contre les York qui passe bien près de réussir, mais Édouard IV l’étouffe lors de la bataille de Barnet, en 1471. Peu de temps après, Henri VI meurt à la tour de Londres, où il était détenu.
Les Tudor à la rescousse
Les affrontements reprennent en 1483, lorsqu’Édouard IV meurt dans des circonstances mystérieuses. Même s’il a des héritiers, c’est son frère Richard, duc de Gloucester, qui prend le trône. Ce dernier fait enfermer les deux jeunes fils d’Édouard IV à la tour de Londres, où ils meurent eux aussi dans d’étranges circonstances. Les Lancastre reprennent les armes, cette fois sous la gouverne d’Henri Tudor, un lointain parent par alliance, appelé en renfort en raison de la disparition des derniers leaders Lancastre.
C’est lui qui mène l’assaut final contre les York à la bataille de Bosworth, en 1485. Richard III y est tué, mettant fin à la dynastie des York et à son règne. Henri Tudor prend le trône, devient Henri VII et épouse Élisabeth d’York, dernière grande représentante de la dynastie, afin d’annoncer la paix.
Selon Catherine Tourangeau, la couronne britannique est devenue plus anglaise que jamais au cours du long conflit. Richard III a été le premier roi à prêter serment en anglais, après des siècles de prédominance française à la cour depuis Guillaume le Conquérant.
Dans le vide créé par la disparition de nombreux dirigeants militaires et politiques, le royaume a fait un bond dans la modernité, même si le Parlement s’est un temps trouvé affaibli devant le pouvoir royal.