Dans l'histoire du sport automobile, c'est le plus gros combat de titans jamais vu; une lutte d'image, d'argent et d'egos que Ford a, contre toute attente, gagnée haut la main contre une mythique écurie italienne qui comptait déjà six victoires à la même épreuve. Avec sa GT40, une nouvelle voiture développée sur trois ans au coût de 500 millions de dollars, Ford a dominé les 24 Heures du Mans pendant 23 heures. Philippe Laguë, chroniqueur automobile, explique à Jacques Beauchamp que l'écurie américaine a tiré profit de la fatigue de sa flamboyante rivale.
En 1963, Ferrari n’existe que depuis 16 ans et, pourtant, elle est a déjà été sacrée cinq fois championne du monde en formule 1. Le constructeur éprouve cependant de sérieux problèmes d’argent et d’effectifs.
Ford, de son côté, est un géant de l’industrie automobile, mais sa gamme de voitures est vieillissante et son image pâtit. L’entreprise souhaite s’imposer sur le marché européen, et faire rêver à nouveau.
Déclaration de guerre
Des négociations avortées déclenchent la rivalité entre les deux constructeurs. Apprenant que Ferrari est en vente, Ford lui propose un échange commercial, mais apprend plus tard que les pourparlers n’étaient qu’un moyen pour faire monter les enchères en vue d’un rachat par l’Italienne Fiat. Piqué au vif par l’attitude condescendante d’Enzo Ferrari, Henry Ford II, petit-fils du fondateur de Ford, jure alors de faire pâlir, sur la piste, les voitures de luxe avec l’une des siennes.
Débuts cahoteux
Grâce au constructeur britannique Lola, qui utilise ses moteurs, Ford dispose d’un canevas pour sa future GT40, nommée ainsi à cause de sa hauteur de 40 pouces. Les premiers essais, en 1964, sont toutefois catastrophiques, et l’on doit retourner à la table à dessin.
Avec le concours de Carroll Shelby, pilote de course converti à la préparation de véhicules, et du pilote Ken Miles, Ford gagne quelques épreuves avec la GT40 en 1965, mais n’arrive toujours pas à compléter les 24 Heures du Mans en raison de problèmes mécaniques.
Quand le vent tourne
En 1966, Ford se montre soudain confiante quant à ses chances lors de la fameuse course d’endurance. Henry Ford II joue gros : la haute direction, les actionnaires et le conseil d’administration de son entreprise attendent des résultats. Le dirigeant distribue à toute son équipe des cartes sur lesquelles on peut simplement lire : « Vous feriez mieux de gagner ».
Le miracle se produit enfin. Cette fois, Ferrari ne domine la course que pendant une seule des vingt-quatre heures de l’épreuve, et doit abandonner en raison de bris mécaniques. Pour Ford, c’est la victoire que personne n’attendait. Pour Ferrari, c’est l’humiliation. Si bien que l’Italienne se retirera des courses de ce genre quelques années plus tard.
Ford, elle, interrompt le développement de la GT40 et la vend à des écuries privées.