Père du réseau français de Radio-Canada, ce pédagogue né a aussi donné à l'École polytechnique de Montréal ses lettres de noblesse, et a généralement cherché à accroître la place des francophones dans le Québec d'avant la Révolution tranquille. Robert Gagnon, professeur d'histoire, explique à Jacques Beauchamp qu'Augustin Frigon voyait la radio comme un outil d'éducation, et l'éducation comme un moyen de développement d'une société.
Diplômé de Polytechnique en 1909, il se fait offrir dès lors un poste de professeur dans l’établissement, mais choisit plutôt de poursuivre son éducation au Massachusetts Institute of Technology (MIT), un choix peu courant pour un Canadien français de l’époque. En 1914, il souhaite s’inscrire à l’École supérieure d’électricité de Paris, mais la guerre retarde la concrétisation de son projet jusqu’en 1920. Dès 1922, il complète un doctorat en sciences à la Sorbonne.
Pour l’amour de la science
Il rentre à Montréal avec une formation sans égale. En 1923, il devient le premier Canadien français à être nommé directeur de Polytechnique. Il y fait construire de nouveaux bâtiments et engage à temps plein un noyau de professeurs.
L’année suivante, il devient directeur général de l’enseignement technique du Québec. Il fait passer le nombre d’années d’études de trois à quatre. Il siège ensuite au Comité catholique d’instruction publique, où il instaure, pour les élèves du primaire, des cours de travaux manuels et, pour les étudiants du collège classique, davantage de cours de science. Il souhaite que les Canadiens français s’intéressent davantage à la science.
La construction d’une antenne
Nommé ensuite au Conseil national de recherches Canada, il est invité à siéger à la commission Aird, une commission royale d’enquête sur la radiodiffusion qui mène à la création, en 1936, de Radio-Canada.
« Il faut un Canadien français qui va venir dire : "On va s’occuper de vous." Il ne veut pas y aller, au début, mais on lui tord le bras. […] Ça s’appelle [alors] Canadian Broadcasting Corporation. Frigon dit : "Non, non, vous allez appeler ça Radio-Canada, parce que ce sont deux mots internationaux." On lui fait la concession. On dit : "Jamais les Canadiens anglais ne voudront ça, mais en français, ça ne s’appellera pas la Corporation canadienne de radiodiffusion. »
Nommé directeur général adjoint, il fait de la portion francophone du radiodiffuseur public le plus grand producteur d’émissions originales de l’époque au Canada. Presque 80 % du contenu de CBC/Radio-Canada provient alors du réseau français.
La politique malgré tout
Lorsque Gladstone Murray, le directeur général, est pris par divers scandales, c’est Augustin Frigon qui dirige réellement l’entreprise en coulisses. Pourtant, le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion refuse de lui accorder le poste de directeur général par crainte qu’une telle nomination exacerbe le sentiment antifrancophone dans l’Ouest. Il obtient néanmoins le poste en 1944, à la suite de pressions du comité spécial de la radiodiffusion.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, il est pris à parti par le journaliste André Laurendeau, qui lui reproche de ne pas permettre aux opposants à la conscription de s’exprimer sur les ondes du diffuseur. Il reconnaîtra plus tard que cette ligne de conduite était une erreur.
Selon Robert Gagnon, Augustin Frigon s’est donné pour mission de faire la promotion des Canadiens français dans un secteur qui leur échappait alors, soit celui de l’industrie et de l’économie.