Même s'il n'a siégé que quatre ans comme premier ministre du Québec, il a dominé le 19e siècle, de l'avis du dramaturge Jean-Claude Germain. Brillant orateur et fin diplomate, il a su unir les forces politiques du Québec de l'époque, lancer la province sur la voie de la modernité et du développement, et resserrer les liens avec Ottawa au lendemain de la mort de Louis Riel. Jonathan Livernois, professeur d'histoire, raconte à Jacques Beauchamp comment Honoré Mercier a su s'élever au-dessus des allégeances partisanes.
Né à Sainte-Anne de Sabrevois en 1840 dans un milieu agricole, il grandit entouré de figures politiques, puisque son père était proche des patriotes de 1837 et des rouges radicaux. Dans la demeure familiale, on discute de séparation entre l’Église et l’État et d’indépendance du Canada, mais le jeune Honoré, lui, est un modéré.
Malgré ses origines, il suit des cours de droit au Collège Sainte-Marie de Montréal. Il les interrompt momentanément afin de devenir rédacteur en chef du Courrier de Saint-Hyacinthe, puis travaille comme criminaliste à partir de 1865.
Faux départ
La modération n’est pas un atout, dans ses ambitions politiques naissantes. Membre du Parti national, qui entend réunir les libéraux et les conservateurs centristes, il est élu lors du scrutin fédéral de 1872, mais n’arrive pas à se démarquer. Il ne se présente pas aux élections de 1874, puis est défait à celles de 1878.
La mort du ministre des Finances provincial, quelques mois plus tard, lui permet de faire son entrée au Parti libéral. Ses prises de parole font de lui un acteur de premier plan, et lorsque le chef Henri-Gustave Joly de Lotbinière démissionne, en 1883, il prend sa place.
La solidarité comme outil politique
Son discours prononcé six jours après l’exécution de Louis Riel, le 22 novembre 1885, est sa première allocution célèbre. En appelant à l’union des patriotes, il se présente comme la voix des Canadiens français de tout le pays, et comme menace sérieuse pour les conservateurs.
Ayant pris la tête d’une nouvelle version provinciale du Parti national, il est élu premier ministre en 1887 et assoie son pouvoir sur l’éveil de la fibre nationaliste québécoise.
Avec la loi sur les biens des Jésuites, adoptée en 1888, il fait la démonstration de sa grande diplomatie en réglant un problème en suspens depuis 1842. À un moment où l’Église catholique du Québec, l’Université Laval et la congrégation se disputent des avoirs détenus par le gouvernement depuis le 18e siècle, Honoré Mercier laisse régler au pape le litige et diviser le trésor en trois.
Avec l’aide de son sous-ministre de la Colonisation, le curé Antoine Labelle, il lance l’idée de développer les pays d’en-haut.
« On voit bien, encore une fois, comment Mercier est capable de manœuvrer et d’aller chercher les conservateurs modérés. L’idée est très simple : développons la Gatineau, la Saint-Maurice, le Lac-Saint-Jean et, évidemment, les Laurentides. C’est le chemin de fer. L’idée, au fond, c’est de créer une espèce de ciment social, de garder les Canadiens français ici, de prendre de l’expansion, aussi, [et] de s’emparer du sol. »
Honoré déshonoré
L’étoile d’Honoré Mercier pâlit toutefois très vite au début de son deuxième mandat. Éclaboussé par des pots-de-vin versés à l’organisateur libéral Ernest Pacaud, il est destitué en 1891, puis il déclare une faillite personnelle l’année suivante. Néanmoins réélu, il est affaibli, tant sur le plan politique que sur celui de la santé. En 1894, il meurt des suites du diabète.