Le 13 avril 1945, ce tireur d'élite québécois a libéré à lui seul la ville de Zwolle, aux Pays-Bas, quelques semaines après avoir perdu l'usage d'un œil. Lors du débarquement de Normandie, il a torpillé un bunker et pris six prisonniers. La guerre de Corée a également été le théâtre de ses exploits. Luc Lépine, historien militaire, explique à Jacques Beauchamp que Léo Major avait un sens aigu de l'éthique, mais aussi un gros problème avec l'autorité.
Né aux États-Unis en 1921, Léo a une relation tendue avec son père durant sa jeunesse. Contraint de quitter le domicile familial tôt, il suit des cours de boxe et développe un tempérament rebelle, un goût pour la bouteille ainsi que pour les femmes, si bien qu’il est banni de plus d’une taverne.
En 1940, à l’approche de la conscription, alors qu’il n’a que 19 ans, l’armée lui paraît comme un bon moyen de gagner sa vie. Il devient tireur d’élite.
Le fort appel du devoir
Le 6 juin 1944, il se démarque une première fois en faisant exploser un repaire ennemi et en prenant six hommes. À un autre soldat qui veut les exécuter, il affirme sa détermination à ne tuer que les hommes présentant une véritable menace.
Lors d’une patrouille, il est attaqué par quatre Allemands. Il en élimine trois, mais un quatrième lance une grenade incendiaire qui le rend borgne. Alors qu'il est également blessé aux chevilles et au dos, on lui ordonne de rentrer au pays, mais il refuse et retourne au front après un mois de convalescence.
Quelques semaines après, toutefois, il tente l’une de ses nombreuses désertions.
Un pour tous
Dans la nuit du 13 avril 1945, il réalise son principal fait d’armes à Zwolle. Chargé de surveiller la ville et de prendre contact avec la Résistance, il est pris de court par une patrouille allemande, qui tue son partenaire. Saisissant les armes des morts, il capture l’officier d’une caserne SS et, lui faisant croire à une attaque imminente des Forces armées canadiennes, convainc ce dernier d’évacuer la ville.
« Léo prend une arme, la met sur la tempe de l’officier allemand, prend un Jeep et se promène dans la ville en lançant des grenades et en demandant à l’officier de dire [à ses] hommes [de] quitter la ville. Imaginez : Zwolle est un peu comme Québec; c’est une ville fortifiée. […] Au petit matin, il prend contact avec la Résistance et envoie un message à son commandant : "La ville de Zwolle est libérée." »
Deuxième acte
Après un dur retour à la vie civile, il est invité à retourner au front lors de la guerre de Corée, en 1950. Lors d’un siège de 72 heures, il tient les troupes chinoises en respect grâce à un contact radio soutenu avec un obusier, à qui il donne des instructions minutieuses.
« Léo était quelqu’un qui n’avait pas peur. S’il disait : "On avance", tout le monde le suivait, parce qu’il était le premier en avant. Il pensait à ses hommes avant tout. Il les protégeait tout en [passant] à l’action. C’était un leader né. »
Au terme de cet ultime conflit, Léo Major peine à nouveau à s’intégrer à la vie civile et continue de travailler dans l’armée, notamment en devenant parachutiste.