De 1943 à 1985, le Parti progressiste-conservateur de l'Ontario a régné sans partage sur la province. Cette dynastie politique a profité d'une organisation très bien huilée qu'on a appelée « The Big Blue Machine » (la grande machine bleue) et qui était portée par des hommes qui possédaient de 10 à 15 ans d'avance sur leurs rivaux. Voilà un exploit qu'on aurait peine à renouveler aujourd'hui, selon Xavier Gélinas, conservateur en histoire politique.
Les circonstances de l’époque de l’après-guerre ont grandement profité aux conservateurs. Dès le début des années 1950, la province a profité d’un boom démographique sans précédent. Les industries ont connu un important développement. Les ménages ont eu droit à de meilleures conditions salariales. Les coffres du gouvernement étaient pleins à craquer.
Les différents premiers ministres en ont profité pour développer les infrastructures et améliorer le filet social et les services offerts à tous les citoyens. Le parti savait se positionner au centre, penchant parfois à droite, ou à gauche, au gré de ses mesures politiques.
« C’était un parti de consensus qui évoluait au fil des vœux de la société. »
Rien à voir avec les conservateurs ontariens d’aujourd’hui, qui sont campés bien à droite.
De pugnaces politiciens
Selon les observateurs de l’époque, lorsque l’organisation perdait un siège aux élections, elle se retroussait aussitôt les manches et se mettait au travail pour regagner ce poste.
Durant toutes ces années, la Big Blue Machine a profité du travail acharné de ses organisateurs qui travaillaient dans l’ombre. Parmi eux, Norm Atkins, Hugh Segal (stratège derrière l’élection des conservateurs de Stephen Harper, au fédéral), Alan Eagleson, John Tory (le maire actuel de Toronto) et Eddie Goodman, qui étaient d’anciens journalistes ou avocats.
Ils faisaient de la politique à l’américaine, en utilisant extensivement les sondages. Ils étaient sans égal pour amasser des fonds pour leur parti.
Le premier chef de cette dynastie a été George Drew. En 1943, il a profité de la division chez les partis adverses pour prendre le pouvoir. Homme droit, dur, intègre, c’était un vétéran de la Première Guerre mondiale.
« Old Man Ontario »
Leslie Frost a pris la relève en 1949 pour ne quitter la scène qu’en 1961. Homme sage, il était de cette lignée de dirigeants qui inspiraient la confiance, comme Eisenhower aux États-Unis, de Gaulle en France et Saint-Laurent au Canada.
On l’a vite surnommé « Old man Ontario ». Malgré son image un peu démodée, il a modernisé sa province. Les grandes autoroutes qui traversent la province sont nées sous son règne.
Quand la population a élu John Robarts et son parti, en 1961, elle a choisi l’homme de l’unité canadienne, fier défenseur de sa province.
La fin après 42 ans de règne
Ce long cycle conservateur s’est essoufflé avec Bill Davis, à la tête de Queen’s Park de 1971 à 1985, qu’on a qualifié d’homme des compromis. De nature soporifique, c’était un modéré, l’homme des très petits pas, comme l’indique Xavier Gélinas, qui travaille au Musée canadien de l’histoire de Gatineau.
L’effondrement conservateur s’est concrétisé en juin 1985, quand le gouvernement minoritaire de Frank Miller a été défait après trois mois de règne.