Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, les chars de l'armée chinoise sont entrés dans Pékin et ont tué des centaines de manifestants réunis sur la place Tiananmen. Dans le sang, ils ont éteint un mouvement réclamant une Chine plus démocratique. L'événement marque un point de rupture dans la conception que l'Occident a de la Chine, explique l'historienne Olga Alexeeva.
Les espoirs brisés de la réforme
En 1978, la Chine de Deng Xiaoping lance sa réforme économique. Progressive, celle-ci commence par libéraliser les prix, auparavant fixés par l’État, dans les campagnes puis dans les villes. Les prix grimpent de 30 à 60 % en raison de l’inflation, et « un chauffeur de taxi gagne plus qu’un professeur », explique Olga Alexeeva. Les inégalités se creusent, et la corruption fait rage.
Le 15 avril 1989, la disparition de l’une des voix les plus progressistes du pouvoir chinois, Hu Yaobang, déclenche des manifestations d’envergure. Symboliquement, sa mort signe le deuil de la réforme souhaitée par une partie de la Chine. Pour rendre hommage à cette figure marquante, la veille de ses funérailles nationales, 100 000 étudiants sont rassemblés sur la place Tiananmen. Le mouvement grandit alors. Aux revendications étudiantes s’ajoutent, à la fin du mois d’avril, celles des citadins excédés par la hausse des prix.
Au départ, le pouvoir chinois laisse le mouvement vivre. Mais le 26 avril, un éditorial publié dans Le quotidien du peuple accuse les étudiants d’être une poignée de contre-révolutionnaires qui veulent faire sombrer le pays dans le chaos.
Un massacre éclair
Après avoir tenté de négocier avec les étudiants, le 3 juin, l’armée chinoise investit les rues pour se rendre à la place Tiananmen. Sans arme, les manifestants tentent d’intervenir pour empêcher leur progression. « L’opération dure quelques heures […], plus de 1 million d’habitants sont descendus dans la rue pour essayer d’arrêter les militaires qui se rendaient vers la place », raconte Olga Alexeeva. Les chars écrasent les tentes installées sur la place, et les soldats tirent à la mitraillette sur les manifestants. Le bilan que le pouvoir chinois fait de cette opération est de 241 morts, mais les organisations non gouvernementales tendent plutôt vers un millier.
La Chine tait l’événement
En Chine, avec le massacre de la place Tiananmen, une génération de citoyens a perdu ses illusions. L’expression « mouvement du 4 juin » est toujours taboue, et les manuels scolaires parlent seulement des « troubles de 1989 ».
Ces événements marquent aussi profondément les Occidentaux. Deng Xiaoping, considéré comme un libéral, montre au monde entier que la Chine n’entend pas démocratiser son système politique.