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Charles Martel ou le mythe surfait de la résistance à l’islam

Gravure du 16e siècle représentant Charles Martel.
Gravure tirée d'un livre du 16e siècle représentant Charles MartelPHOTO : Getty Images / Hulton Archive
Publié le 2 octobre 2019

En imposant une limite nordique aux raids musulmans lors de la bataille de Poitiers, en 732, le seigneur de guerre franc cherchait d'abord à étendre son influence et à lancer sa propre dynastie, et non pas à protéger la chrétienté. Pourtant, depuis le 19e siècle, le grand-père de Charlemagne a été instrumentalisé par les mouvements nationalistes et identitaires. L'historien Maxime Laprise explique à Jacques Beauchamp que la victoire de Martel a longtemps été perçue comme un événement mineur.

Né en 688 en Herstal, qui sera plus tard la Belgique, Martel est enfermé par la première femme de son père lorsque ce dernier meurt. La nouvelle de son évasion déclenche une guerre civile, après quoi Martel devient maire du palais, l’équivalent d’un premier ministre. Vers 715, il s’attribue le titre de duc des Francs et prend le pouvoir en Austrasie et en Neustrie.

Dessin représentant Charles Martel menant les Francs à la victoire contre les Sarrasins à Poitiers, en 732.

Dessin représentant Charles Martel menant les Francs à la victoire contre les Sarrasins à Poitiers, en 732

Getty Images / Three Lions

L’homme fort de l’Europe

Impérialiste débridé, il tue sans égard à la religion, incluant de nombreux chrétiens. Par souci d’assurer la sécurité des royaumes qu’il vient de conquérir, il attaque notamment la Frise, la Bavière et l’Allemanie. Il a la réputation d’homme fort de l’Europe occidentale.

C’est pour cette raison que le duché d’Aquitaine, paniqué par la progression au nord des musulmans jusque dans le sud de la France, l’appelle à l’aide.

Charles Martel affronte donc les hommes du califat de la dynastie des Omeyyades à Poitiers, en 732, et en ressort victorieux. Pour lui, c’est un cadeau du ciel : il espère ainsi prendre le contrôle de l’Aquitaine.

« Il fait de nombreux ravages, non pas dans le milieu musulman, mais dans le milieu chrétien. Il va notamment raser les villes de Nîmes et d’Agde. [Les habitants] sont des chrétiens, mais ils lui résistent par crainte […] de perdre leur autonomie locale. »

— Une citation de  Maxime Laprise
Statue de Charles Martel par Jean-Baptiste Joseph De Bay père.

Statue de Charles Martel par Jean-Baptiste Joseph De Bay père (1779-1863) se trouvant à la galerie du château de Versailles

Domaine public

Visions contraires

Au 18e siècle, la bataille de Poitiers est déterrée par des auteurs des Lumières. Pour Voltaire, Charles Martel était le barbare ayant empêché son peuple d’accéder à la sagesse que représentaient les musulmans d’alors. Ces derniers étaient en effet plus avancés que les Francs sur les plans scientifique et intellectuel.

C’est Chateaubriand qui, en 1802, promeut l’idée de Charles Martel en tant que protecteur du christianisme contre l’islam obscurantiste.

Depuis, Martel est considéré comme un héros par les nationalistes et les conservateurs. À partir des années 1980, les identitaires d’extrême droite s’en réclament eux aussi.

Anders Breivik, auteur des attentats d’Oslo et d'Utøya, en 2011, ainsi que Brenton Tarrant, auteur de la tuerie de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, de 2019, ont tous deux exprimé leur admiration pour Charles Martel.

Des panneaux commémoratifs à Poitiers, en France.

À Poitiers, le lieu où Charles Martel aurait vaincu les arabes est décoré de panneaux commémoratifs. Ceux-ci sont régulièrement vandalisés par des sympathisants d'extrême droite.

AFP/Getty Images / AFP