La société secrète l'Ordre de Jacques-Cartier, ou La Patente, reste entourée de mystère pour de nombreux historiens. Une mallette remplie de documents datant de 1956 à 1965 vient d'être retrouvée à Grand-Sault, dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, et jette un nouvel éclairage sur ce groupe secret qui se vouait à l'avancement des francophones dans les sphères politique et économique au Canada.
Luc Doucet n'en revenait tout simplement pas. Le président du club Richelieu International s'est fait remettre en novembre dernier une vieille mallette poussiéreuse remplie de documents officiels de la commanderie de Grand-Sault de l'Ordre de Jacques-Cartier.
« La mallette a été enfermée dans un grenier de février 1965 jusqu'au mois de novembre dernier », raconte M. Doucet.
C'est un ancien membre de l'Ordre qui a remis les documents à Luc Doucet. Ce dernier rappelle que les clubs Richelieu sont nés en 1944 à l'initiative de membres de l'Ordre de Jacques-Cartier qui cherchaient à établir un canal officiel pour transmettre certaines de leurs revendications.
L'Ordre de Jacques-Cartier a été dissous en 1964 à la suite des révélations d'un ancien membre, Roger Cyr, qui a publié un livre sur l'existence de La Patente. Le côté secret et élitiste de l'Ordre a aussi contribué à la fin de son existence, tout comme les changements sociaux et culturels du milieu des années 1960.
Luc Doucet raconte que les commanderies ont reçu l'ordre en février 1965 de détruire tous les documents liés à l'Ordre de Jacques-Cartier.
« Mais ce monsieur-là n'a pas été capable, dit-il, en parlant du membre à Grand-Sault. Il n'a pas pu se résoudre à tout brûler et il a rangé ça dans son grenier », explique Luc Doucet.
« Quand il m'a dit ça, je me suis dit : "on ne peut pas laisser ça passer, ça fait partie de notre histoire!" »
La mallette et tous les documents qu'elle contient seront remis cette semaine au Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton.
Des détails méconnus
Les dossiers contenus dans la mallette renferment des informations inédites sur le fonctionnement de l'Ordre de Jacques-Cartier et sur ses membres.
« On a les noms de certains membres, leurs numéros de téléphone, leurs professions et même leurs numéros matricules », évoque M. Doucet.
Dans un procès verbal retrouvé, on découvre la stratégie des membres pour faire élire des conseillers municipaux à Grand-Sault. On apprend aussi que le groupe a fait des représentations pour que le catalogue Simpsons-Sears soit distribué en français dans la région.
Luc Doucet estime que l'Ordre a été essentiel au développement du fait français au Canada.
« Ces gens-là on fait changer les choses. Si nos billets de banque et timbres de poste sont bilingues, c'est grâce à l'Ordre de Jacques-Cartier », souligne M. Doucet.
Luc Doucet ignore si d'autres anciens membres ont gardé des documents. L'appartenance à La Patente était secrète et les familles ignoraient souvent qu'un des leurs en était membre. Plusieurs ont même emporté leur secret dans la tombe, mais les documents découverts à Grand-Sault permettent de lever le voile un peu plus sur l'organisation.