Voici votre cerveau sous l’effet du cannabis
Plus de 4 millions de Canadiens ont affirmé consommer du cannabis. Pourtant, on comprend peu ses effets sur le cerveau et pourquoi il fait planer.
Voici comment cette drogue joue avec vos neurones.
Dans le cerveau, ce sont des cellules appelées neurones qui transmettent les signaux nerveux qui se transforment en pensées, en souvenirs, en émotions, et nous permettent de réagir au monde qui nous entoure.
Un signal est transmis lorsqu’une charge électrique traverse un neurone et libère des substances chimiques appelées neurotransmetteurs.
Ces neurotransmetteurs voyagent à partir des synapses, ce qui mène le neurone voisin à réagir et à envoyer un message à son tour ou à rester inactif.
Un changement affectant les neurotransmetteurs peut influer sur notre pensée, nos humeurs, nos sensations et même l'accès à notre mémoire.
Consommer du cannabis peut causer ce type de changements.
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Comment le cerveau réagit-il au cannabis?
Le principal ingrédient actif du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC), ressemble aux substances chimiques produites naturellement dans le cerveau, appelées endocannabinoïdes.
L'anandamide est l’un des neurotransmetteurs cannabinoïdes produits par le corps.
Il influe sur notre énergie, notre appétit, notre humeur et notre perception du temps.
Comme le THC ressemble à l'anandamide, il perturbe le fonctionnement normal du cerveau.
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Pourquoi l'anandamide est-il si important ?
L'anandamide aide à maintenir l'équilibre et à réguler les fonctions cérébrales.
À la suite de l’envoi d’un signal par un premier neurone, le deuxième neurone renvoie de l'anandamide aux récepteurs du premier.
Cette réponse crée une période de repos entre les neurones.
Si une autre impulsion électrique survient à ce moment, moins de neurotransmetteurs seront libérés.
Le deuxième neurone n’émet pas d’impulsion.
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Comment le cannabis modifie-t-il le fonctionnement du cerveau?
Le THC prend le relais de la régulation habituellement assurée par l'anandamide. Voici comment ça se passe.
Une fois le travail terminé, l'anandamide se décompose rapidement.
Lorsqu’une personne fume ou mange du cannabis, le THC se connecte aux mêmes récepteurs neuronaux que l'anandamide.
Mais le THC entre dans le système en plus grandes quantités et son effet se prolonge beaucoup plus longtemps.
Le THC sursature temporairement notre système d'autorégulation.
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Comment le cannabis nous intoxique-t-il?
L’impression de planer qui accompagne l'ingestion de THC provient d’une substance chimique appelée dopamine. Celle-ci est libérée par le cerveau pour nous récompenser d'un comportement qui, historiquement, a amélioré nos chances de survie.
Par exemple, à travers les âges, la nourriture a très souvent été rare. Notre cerveau nous récompensait par une poussée de dopamine quand nous mangions des aliments riches en calories.
Ce système de récompense utilise l'anandamide pour libérer de petites quantités de dopamine.
L'ingestion de THC amène le cerveau à en libérer encore davantage, et l'effet du THC dure plus longtemps que l'anandamide.
Une réalité qui conduit notre système de survie ancestral à créer un sentiment de bien-être.
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Alors, comment le THC produit-il plus de dopamine?
Des études sur des animaux suggèrent que les neurones producteurs de dopamine sont contrôlés par des neurotransmetteurs, le glutamate et l’acide γ-aminobutyrique (GABA).
Imaginez que ces neurotransmetteurs prennent la forme de feux de circulation.
Le glutamate correspondrait à la lumière verte et le GABA à la lumière rouge.
Ces deux produits chimiques travaillent ensemble pour réguler la production de dopamine, à l’image des feux qui contrôlent le flux de la circulation.
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Et quel est le lien avec le THC?
Comme nous l'avons vu précédemment, le THC prend la place des produits chimiques comme l'anandamide qui régule habituellement la dopamine.
Le THC inhibe la production de GABA, ce qui signifie que moins de « feux rouges » sont transmis aux neurones qui produisent de la dopamine.
Finalement, plus de glutamate s'accumule, ce qui amplifie les « feux verts ».
Les neurones dopaminergiques peuvent alors fonctionner librement, produisant plus de dopamine menant à un sensation de plaisir.
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Donc, plus de THC signifie plus de dopamine?
Seulement jusqu'à un certain point. Le cerveau est un organe qui recherche l’équilibre en s’autorégulant.
Si des niveaux excessifs de dopamine persistent, ses récepteurs dans le cerveau peuvent temporairement se fermer.
Cela peut expliquer pourquoi de grands consommateurs de cannabis vivent une expérience moins gratifiante lors d’activités agréables lorsqu’ils ne sont pas sous l’emprise du cannabis.
Ils peuvent se mettre à en consommer plus pour retrouver cet effet d'euphorie, ce qui fait qu'ils s'amusent encore moins lorsqu'ils sont sobres.
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Quels sont les autres effets du THC?
Le THC interfère également avec notre horloge interne.
Une étude utilisant l'imagerie par résonance magnétique (IRM) a révélé que chez les participants qui avaient consommé du THC, le flux sanguin était différent dans le cervelet, qui joue un rôle dans notre gestion du temps.
Dans un cerveau équilibré, lorsqu'une sensation ou une impulsion est reçue, une fois sa transmission terminée, le cerveau passe à une autre tâche.
Il est possible que le THC perturbe cette autorégulation; les événements semblent se dérouler différemment parce que notre horloge interne tourne plus vite et que le temps externe semble ralentir ou s'arrêter.
Plutôt que de ressentir le plaisir de la musique, des idées et des sensations comme d'habitude, la personne intoxiquée les ressent plus intensément.
Une boucle de rétroaction se produit parce qu'il n'y a pas d'autorégulation qui incite le cerveau à passer à une autre tâche.
Plus tard, lorsque les effets du THC s'estompent, ce qui semblait être une idée ou une chanson extraordinaire redevient normale.
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Est-ce pour cela que le cannabis donne faim?
Les distorsions dans la perception du temps ne sont pas les seules raisons pour lesquelles un sac de croustilles devient soudainement irrésistible, même si vous en avez mangé une heure plus tôt.
Le noyau accumbens et l'hypothalamus sont deux régions du cerveau qui contrôlent nos besoins alimentaires et le moment où l'on mange.
Elles sont sensibles à l'anandamide. Ce n'est donc pas surprenant que l'ajout du THC détourne leur fonctionnement habituel.
Peu importe le moment du repas le plus récent, ils se mettent au travail, ce qui rend l'idée de la nourriture beaucoup plus attrayante.
Ce que la personne intoxiquée ressent n'est pas la faim comme on l'entend généralement.
Elle anticipe plutôt un plaisir accru de manger.
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Qu'en est-il des mauvaises expériences?
D'intenses sensations peuvent naître de la consommation de n'importe quelle drogue et elles peuvent mener à des effets désagréables si l'utilisateur ne se trouve pas dans un environnement confortable et contrôlé.
Pour la plupart des gens, le THC crée une sensation de bien-être et de douce euphorie.
Toutefois, si vous n'êtes pas dans un bon état d'esprit avant de consommer une drogue psychotrope, ce sentiment négatif peut aussi être amplifié.
Par exemple, le THC peut faire paraître extraordinaire un solo de guitare pourtant banal, mais il peut aussi faire en sorte qu'un bruit dans la pièce voisine déclenche la peur d'un cambriolage.
Le fait qu'une personne éprouve de l'anxiété ou du plaisir après avoir ingéré du THC peut dépendre de la posologie, mais aussi de sa sensibilité, laquelle peut être influencée par la distribution des récepteurs cannabinoïdes dans son cerveau.
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Pourquoi différentes doses de THC donnent-elles des résultats différents?
Comme vous l'avez peut-être deviné, il existe dans le cerveau une région qui règle l'anxiété. L'amygdale régule la peur, mais aussi toutes les autres réactions émotionnelles.
Vous avez toujours en tête le glutamate et le GABA, les feux rouges et verts de notre activité neuronale?
Selon la théorie actuelle, une faible dose de THC va inhiber la libération de glutamate dans l'amygdale. Le GABA s'accumule, calmant l'activité de l'amygdale.
Une dose élevée de THC va inhiber les neurones GABA. Le glutamate s'accumule, activant l'amygdale.
L'équilibre glutamate-GABA est considéré comme le commutateur vers une expérience agréable ou une expérience désagréable.
Mais cette théorie est basée sur un modèle animal. L'étude sur des humains pourrait mener à de nouvelles théories.
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Le THC affecte-t-il la fonction mentale?
Pendant longtemps, les consommateurs de cannabis étaient considérés comme ayant des capacités mentales réduites. Lorsque le cannabis était illégal, il était difficile d'étudier les effets du THC sur un grand nombre d'humains, mais certains effets ont quand même été prouvés.
La coordination, le temps de réaction, la concentration et les capacités à prendre des décisions sont tous touchés par le THC.
Les drogues psychotropes peuvent être dangereuses pour les personnes ayant des antécédents personnels ou familiaux de schizophrénie ou de trouble bipolaire.
Des études sur des humains montrent que l'intoxication au THC provoque une difficulté quantifiable d'accès à la mémoire verbale.
Il n’est pas rare que les consommateurs de cannabis soient incapables de trouver le mot qu'ils souhaitent pour exprimer une pensée.
Des études établissent un lien entre ce type de trou de mémoire et la présence de THC dans le cerveau. Une fois que le THC s’estompe cependant, ce problème de l’expression disparaît.
La grande question est de savoir si l'utilisation du THC entraîne une altération des capacités cognitives après la fin de l'intoxication.
Le cannabis étant maintenant légal, des études approfondies seront menées pour répondre à cette question.
D'ici là, plusieurs associations canadiennes de la santé ont collaboré à l'élaboration d'une liste dressant 10 façons de le consommer de manière plus sûre.
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Montage : Christine Birak, Andre Mayer | Design et développement : Richard Grasley, Dwight Friesen, CBC News Labs | Traduction : Alain Labelle | Consultants: Dr. Andra Smith, Dr. Romina Mizrahi, Dr. Rebecca Haines-Saah et Dr. Matthew N. Hill