Le jour où la controverse éclate
La commission
Warren Le président Johnson nomme,
le 29 novembre 1963, une commission présidée
par le juge en chef de la Cour suprême,
Earl J. Warren, chargée d'élucider
les circonstances de l'assassinat de Kennedy.
Six autres personnes, dont certains n'étaient
étrangement pas en bons termes avec le
clan Kennedy au cours de son mandat, l'accompagnent :
- Richard B. Russell, sénateur démocrate
de la Géorgie;
- John Sherman Cooper, sénateur républicain
libéral du Kentucky;
- Hale Boggs, sénateur démocrate
conservateur de la Louisiane;
- Gerald Ford, républicain conservateur,
futur président des États-Unis
à la suite de la démission de
Richard Nixon;
- Allen Dulles, ancien directeur de la CIA
qui a démissionné à la
suite de l'échec de l'invasion de la
baie des Cochons;
- John J. McCloy, banquier et conseiller en
désarmement du président Kennedy.
La
commission Warren remet ses conclusions le 27
septembre 1964. Sans surprise, puisque des fuites
avaient eu lieu au cours de l'année, elle
conclut aux gestes isolés et solitaires
de Lee Harvey Oswald dans l'assassinat du président
Kennedy, et de Jack Ruby dans l'assassinat d'Oswald.
Le rapport final présente de façon
étoffée les éléments
de preuve retenus parmi les 27 volumes de transcriptions
de témoignages et pièces à
conviction. La commission dit n'avoir trouvé
« aucune preuve » qui accréditerait
la thèse d'un complot, et s'emploie à
démolir les ouï-dire et les spéculations
sur les circonstances de l'attentat.
Elle écarte toutefois les éléments
et les témoignages qui n'accréditent
pas sa version dans son rapport final, sans tenter
d'explication. Au fil des ans, les plus modestes
critiques constateront que la commission Warren
a mené une enquête rapide et sommaire,
voire bâclée sous certains aspects.
Les plus farouches détracteurs considèrent
plutôt qu'elle ne servait qu'à ériger
en version officielle la théorie du tireur
fou et solitaire, et que, partant de ce dessein,
elle ne pouvait arriver à des conclusions
différentes.
Le
rapport de la commission Warren |
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Afin
de calmer la communauté internationale en pleine guerre
froide, le nouveau président, Lyndon B. Johnson, avait
adressé à Moscou, trois jours après l'assassinat,
un message disant qu'il n'y avait pas eu de conspiration,
qu'un seul assassin était responsable, lequel venait
lui-même d'être tué. Il faut se replacer
dans le contexte de l'époque : un an plus tôt,
le monde était passé à un cheveu d'une
confrontation nucléaire lors de la crise des missiles
à Cuba. À la lumière de l'assassinat
de Kennedy, le nouveau président devait rassurer le
monde, quitte à ce que la hâte et la précipitation
fassent fi de certains faits et laissent de la place pour
le doute.
Diverses théories, étayées dans des
films, des documentaires ou des essais, ont rejeté
d'emblée les conclusions de la commission Warren sur
un tireur fou et solitaire. On accuse la mafia, le KGB, le
complexe militaro-industriel américain, les anticastristes,
les procastristes, la CIA, le FBI, les services secrets américains,
voire le vice-président Lyndon Johnson lui-même.
Des théories les plus farfelues aux plus plausibles,
toutes partent d'un constat commun : la version avancée
par la commission Warren pour déterminer les circonstances
de l'assassinat comporte des zones grises, des éléments
de preuve pour le moins discutables et des documents restés
secrets. Assez, en tout cas, pour mener une commission du
Congrès à conclure, le 29 mars 1979, que « le
président Kennedy a probablement été
assassiné à la suite d'un complot ».
Sans identifier les coupables, le comité de 1979 exclut
toutefois la CIA, le FBI et les services secrets, et conclut
que le gouvernement cubain, tout comme les groupes anticastristes
aux États-Unis, ne sont pas impliqués jusqu'à
preuve du contraire. Le rapport soutient toutefois que des
aspects de l'affaire ont été volontairement
occultés parce qu'ils auraient pu être gênants.
Il recommande de pousser plus avant l'enquête sur l'assassinat
du président Kennedy, recommandation qui restera sans
réponse.
Le
rapport du comité du Congrès en 1979
L'arme
Selon la commission Warren, l'arme qu'Oswald a utilisée
pour assassiner le président Kennedy est une carabine
italienne de marque Mannlicher-Carcano 7,65, de calibre 30,
considérée comme une arme de piètre qualité.
Il aurait acheté la carabine par la poste avec le nom
d'emprunt d'A. Hidell.
Trois
photos d'Oswald tenant l'arme ainsi qu'un journal marxiste,
qui auraient été prises par sa femme Marina
à l'été 1963, ont été retrouvées.
Des doutes persistent toutefois sur leur véracité :
l'ombre sous le nez semble ne pas correspondre aux ombres
sur le sol, et deux des photos présentent une tête
absolument identique d'Oswald sur des corps de grandeur différente.
Oswald lui-même, qui avait travaillé dans le
domaine de la photographie, avait indiqué aux enquêteurs
de Dallas qu'il s'agissait d'une photo truquée.
La veille de l'assassinat, Oswald s'était rendu à
sa maison de banlieue, déplacement qu'il faisait rarement
la semaine. Le matin du 22 novembre, il a apporté au
travail un paquet de papier brun qu'il tenait sous le bras,
coincé entre l'aisselle et la main. Oswald a dit à
un collègue qu'il s'agissait de tringles à rideau;
selon la commission Warren, il s'agissait de l'arme. Toutefois,
il a été démontré que, même
démontée, l'arme ne pouvait être tenue
de la façon dont Oswald tenait son paquet.
Lors de son arrestation, Oswald portait un revolver de calibre
38 qui aurait servi à abattre le policier J. D. Tippit.
Les tests à la paraffine auxquels Oswald s'est soumis
après son arrestation n'ont toutefois révélé
aucune trace de poudre, selon les policiers de Dallas, tendant
à démontrer qu'il ne s'était pas servi
d'une arme ce jour-là. Il a fallu deux jours aux policiers
de Dallas pour découvrir, après la mort d'Oswald,
une empreinte de sa paume sur la carabine.
Le film de Zapruder
Abraham
Zapruder est un tailleur de Dallas qui utilise sa nouvelle
caméra 8 mm pour filmer le passage du président
Kennedy. Il est juché sur un promontoire, et sa secrétaire
l'aide à se tenir debout. Son film de 22 secondes,
qui ne sera accessible au public américain qu'en 1975,
reste l'un des documents les plus précieux de l'histoire.
La version officielle de la commission Warren accrédite
la thèse selon laquelle Lee Harvey Oswald aurait tiré
trois coups de feu. Mais le film de Zapruder n'offre qu'une
fenêtre de 4,8 à 7 secondes, selon l'analyse
de la commission, entre le premier et le troisième
coup de feu. La carabine Manlicher-Carcano, l'une des moins
fiables sur le marché, prend 2,3 secondes à
recharger. L'arme montrait par ailleurs une lunette télescopique
défectueuse.
Oswald aurait ainsi tiré 3 coups de feu sur la limousine,
une cible mouvante à 80 m de distance, malgré
les branches et le feuillage d'un chêne, en 5,6 secondes.
Le premier tir, en théorie le mieux préparé,
a raté la voiture, alors que les deux autres ont atteint
la cible, le troisième touchant mortellement Kennedy
à la tête.
Du sixième
étage de l'entrepôt de livres de
Dallas où Lee Harvey Oswald travaillait,
la vue est imprenable sur Houston Street, qui
mène vers Dealey Plaza. Il aurait été
facile de tirer alors que la limousine arrivait
de face, sans la présence gênante
d'un chêne. Toutefois, la commission Warren
a conclu qu'Oswald avait attendu que le cortège
présidentiel effectue son virage sur Elm
Street avant de tirer sur la cible qui s'éloignait. |
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Attention : Images graphiques
Théorie de la balle magique
Les conclusions de la commission Warren ne font état
que de trois balles tirées, dont la première
a raté la cible pour choir sur le pont ferroviaire
situé plus loin au-dessus de la route. Un spectateur,
James Tague, a aussi été légèrement
blessé par un éclat de balle.
Il
ne reste donc que deux balles, dont l'une a porté la
blessure mortelle à la tête du président
Kennedy. Les sept autres blessures infligées à
Kennedy et au gouverneur Connally doivent ainsi être
expliquées par le même projectile. Le jeune conseiller
Arlen Spector, qui deviendra plus tard sénateur républicain
de Pennsylvanie, avance alors la théorie qui sera rendue
célèbre sous le nom de la « théorie
de la balle magique ».
Selon cette thèse, la balle pénètre
dans le dos du président Kennedy alors que celui-ci
est penché selon un angle de 17 degrés. En frappant
des muscles, sa trajectoire est déviée légèrement
pour la faire ressortir de sa gorge. Puis, tout en ralentissant,
elle change sensiblement de trajectoire pour frapper le dos
du gouverneur Connally, assis à l'avant de Kennedy.
Elle descend et fêle la cinquième côte
du gouverneur, avant de ressortir par l'abdomen, puis entre
dans son poignet droit pour lui fracasser le radius. Elle
ressort du poignet et va se loger dans la cuisse gauche de
Connally. Elle en tombe peu après pour être retrouvée
pratiquement intacte sur sa civière à l'hôpital.
Après divers tests destinés à valider
cette théorie, la commission Warren en est arrivée
à conclusion « probable » que
les blessures de Kennedy et de Connally avaient été
causées par la même balle. Conclure le contraire,
disent les sceptiques, aurait obligé la commission
à endosser la théorie d'une troisième
balle, d'un second tireur, et donc d'un complot. John Connally
a quant à lui toujours soutenu qu'il n'avait pas été
atteint par la même balle que le président Kennedy.
Dealey Plaza : les témoins
et le tertre gazonné
Une
bonne dizaine de personnes ont affirmé avoir vu des
tireurs ou de la fumée provenant du tertre gazonné
de Dealey Plaza, situé à l'avant droite de la
limousine présidentielle. Une théorie qui semble
mieux coller avec le film de Zapruder, où la balle
qui atteint le président Kennedy à la tête
le fait reculer vers l'arrière et sur sa gauche.
Les partisans de la commission Warren considèrent
au contraire que la réaction de Kennedy colle avec
le fait qu'il portait un corset. Le tir de l'arrière
aurait ainsi provoqué un mouvement de recul. Quant
à la fumée du tertre, le journaliste Gerald
Posner, auteur de Case closed : Lee Harvey Oswald
and the assassination of JFK, affirme que déjà
en 1963, les carabines ne produisaient pas ou peu de fumée.
Aussitôt l'assassinat perpétré, un nombre
impressionnant de personnes se réclamant des services
secrets se promenaient sur Dealey Plaza. Ils ont arrêté
des dizaines de personnes et confisqué nombre de films,
dont on n'a jamais retrouvé la trace. Certaines personnes
interpellées, dont Mary Moorman, ont même accusé
les services secrets de leur avoir dicté la bonne version
de l'attentat : trois coups de feu.
Plusieurs témoins de Dealey Plaza ont vu dans cette
omniprésence des services secrets la preuve que tout
avait été soigneusement planifié. Les
détracteurs de la théorie du complot avancent
au contraire que les autorités ont réagi rapidement
et efficacement.
Enfin, plusieurs soulignent les morts anormalement nombreuses
de personnes dont le témoignage mettait en doute les
conclusions de la commission Warren.
suite...
De commissions en théories
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