Une école primaire de Trois-Rivières délaisse devoirs et leçons

Des élèves de l'école Vision à Trois-Rivières.
Photo : RADIO-CANADA/MARIE-PIER BOUCHARD
Éliminer les devoirs et les leçons au primaire est une idée de plus en plus discutée dans le monde de l'éducation. Mais alors que certains y réfléchissent encore, d'autres passent à l'action. C'est le cas de l'école primaire privée Vision de Trois-Rivières, qui a pris le pari de suivre cette tendance encore marginale.
Depuis trois ans, les élèves de tous les niveaux ne rapportent plus de travail à la maison.
« Le soir, on peut jouer et quand on a des sports à faire, c'est moins stressant », lance d'emblée Mia Diamond.
« Quand j'avais des leçons, je passais tout mon temps là-dedans, on faisait tout le temps des sorties, mais il fallait que j'aie fini avant », raconte Philippe Roussel, qui a connu les devoirs et leçons dans une autre école auparavant.
De la lecture, et encore de la lecture
La direction de l'école incite plutôt les parents à jouer avec leurs enfants et à lire avec eux.
« Prenez du temps avec eux pour faire la lecture, autant leur faire la lecture que lire avec eux. Si les enfants découvrent le plaisir de lire, les capacités académiques vont suivre », assure la directrice de l'école, Caroline Melançon.
Cette dernière a fondé l'école il y a 14 ans. Au cours des années, elle s'est aperçue que la pression était forte pour les parents et pour les enfants quand il était question de devoirs et leçons.
« On envoyait des devoirs pour plaire aux parents. Pour que le parent puisse voir des choses. »
« Et là, il y avait une difficulté, le parent revenait, il y avait eu de la chicane. Des fois, les parents nous disaient : "Finalement, c'est moi qui l'ai fait. Il [l'enfant] n'a pas eu le temps" », témoigne Mme Melançon.
Pas d'effet sur la réussite scolaire
Le professeur en adaptation scolaire à l'Université Laval, Égide Royer, abonde dans le même sens. Il suggère également de miser sur la lecture.
« Donner des devoirs et des leçons obligatoires quatre soirs par semaine, est-ce que c'est nécessaire pour la réussite scolaire? La réponse est clairement non, mais c'est autre chose pour le secondaire », nuance-t-il.
« La recommandation la plus simple que l'on peut faire, au primaire, c'est de se garder un temps privilégié de lecture, 15 à 20 minutes de lecture. »
M. Royer souligne également une possible discrimination.
« Imaginez que je suis analphabète et que la réussite scolaire de mon enfant relève de la qualité des devoirs et des leçons. On va se retrouver dans des situations où des jeunes déjà en difficulté vont se retrouver encore plus en difficulté », explique M. Royer.
Certains enseignants n'en démordent toutefois pas et tiennent à conserver les devoirs et leçons.
« Ça responsabilise le parent, ça lui apprend beaucoup de choses sur son enfant. C'est l'un des principaux acteurs dans son évolution. »
Des avis partagés
L'idée d'abandonner les devoirs et les leçons est encore émergente en Mauricie et les points de vue sur la question sont divisés.
Certains enseignants des commissions scolaires de la région ne donnent plus de devoirs et leçons, mais n'acceptent pas d'en parler publiquement. La crainte de créer des conflits entre les collègues est palpable.
« Je ne pense pas qu'on va vraiment arriver à un consensus. »
Rollande Deslandes, professeure au Département des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Trois-Rivières, accompagne des écoles de la province dans leur réflexion sur le sujet.
Elle s'y intéresse depuis une dizaine d'années et souligne qu'il s'agit d'une préoccupation internationale.
Selon elle, il y a plusieurs facteurs à considérer quant à la forme que devraient prendre les devoirs et les leçons.
« Le contexte et les réalités familiales : est-ce qu'on est en milieu défavorisé? Est-ce qu'on a beaucoup d'étudiants en difficulté? Mais la démarche de réflexion est très pertinente », explique-t-elle.
Elle invite à la réflexion collective tous les acteurs concernés par les devoirs et les leçons, que ce soit les directions d'écoles, les enseignants, les élèves et, bien sûr, les parents.