Le Québec accueillera une chaire de recherche sur la radicalisation

La conférence intitulée Internet et la radicalisation des jeunes : prévenir, agir et vivre ensemble suscite des questions.
Photo : maxsattana
À peine lancée, la Conférence de Québec sur la prévention de la radicalisation des jeunes donne déjà des fruits avec un projet de création d'une chaire internationale de recherche sur le sujet. Sous l'égide de l'UNESCO, la chaire de recherche regrouperait des experts de l'Université de Sherbrooke et de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
La ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, Christine St-Pierre, et la Directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova, ont annoncé le dépôt du projet à l'UNESCO.
« Le Québec se positionne déjà sur la scène internationale comme un précurseur reconnu et salué en matière de lutte contre la radicalisation menant à la violence », affirme Mme St-Pierre.
Selon elle, la chaire permettra de mieux comprendre les causes de la radicalisation et ce qui motive les jeunes qui empruntent cette voie, tout en mettant de l'avant l'expertise québécoise dans le monde.
Un programme d'éducation aux valeurs démocratiques et civiques sera lancé au cours de la journée. Mis sur pied par une professeure de l'UQAM, Catherine Audrain, le programme prône l'apprentissage du dialogue philosophique à l'école.
La ministre St-Pierre croit que la prévention doit passer par les mêmes canaux qu'utilisent les djihadistes pour les rejoindre, soit Internet et les réseaux sociaux, et que les fournisseurs de service ont un rôle à jouer.
« Au moyen des nouvelles technologies, les agents de radicalisation se sont affranchis des frontières physiques pour propager leur idéologie de destruction et de haine. Je pense qu'il ne faut pas être naïf, ça va être difficile de limiter [la diffusion de la propagande], mais je crois que les fournisseurs Internet doivent avoir des responsabilités. S'ils sont capables d'aller chercher que vous êtes un excellent consommateur d'un certain type de chaussures, ils sont peut-être capables d'aller chercher aussi des choses plus graves. »
« Les travaux qui débutent aujourd'hui permettront d'enrichir les connaissances pour ultimement renforcer les compétences de tous les acteurs concernés. »
La ministre St-Pierre souligne l'importance de coopérer avec des organismes disposant d'antennes dans « des pays particulièrement exposés à cette menace ». C'est pourquoi le gouvernement du Québec s'est associé à l'UNESCO et au Centre des Nations unies pour lancer un projet de prévention de l'extrémisme violent en Jordanie, en Libye, au Maroc et en Tunisie.
Court-circuiter la radicalisation
Selon la Secrétaire générale du comité interministériel français de prévention, de la délinquance et de la radicalisation, Muriel Domenach, la France a enregistré 12 000 signalements de personnes qui seraient en processus de radicalisation, en plus de celles qui font déjà l'objet de surveillance de la part des forces de sécurité.
« Internet est un amplificateur de la radicalisation, il n'en est pas la source », explique Mme Domenach en précisant que dans 90 % des cas de radicalisation, il y a un « contact physique » qui mène à la radicalisation.
Selon Mme Domenach, il est du devoir de la société de développer un discours pour contrer la propagande des agents de radicalisation.
« Le meilleur des contre-discours c'est la réalité et la réalité c'est que Daesh est une organisation meurtrière. »
« Il faut faire connaître les témoignages atroces des violences sexuelles sur le théâtre syro-irakien », poursuit Mme Domenach en ajoutant que la réalité de l'EI est également composée de reculs militaires. « Le travail effectué par nos forces militaires fonctionne et avec son recul sur le terrain, Daesh perd beaucoup de son attractivité. »
La spécialiste française souligne l'importance d'éviter les amalgames entre religions, même rigoristes, et la radicalisation. C'est le passage à l'acte qu'il faut prévenir, croit-elle, en précisant que c'est également le modèle d'intervention québécois.
La France a développé un réseau de « Maison des adolescents » où sont regroupés des services de travailleurs sociaux, d'éducateurs et de psychologues afin de venir en aide aux jeunes qui sont signalés via une ligne téléphonique confidentielle. Ces jeunes et leur famille sont pris en charge sur une base volontaire.
« L'objectif est d'empêcher le basculement vers toutes perspectives d'actions violentes », dit la spécialiste française.
La conférence de Québec réunit plus de 450 participants de 70 pays, dont des experts issus de différents ordres gouvernementaux, d'organisations internationales, du secteur privé, du milieu universitaire, mais aussi de la société civile.