Après l'ouragan, le choléra frappe Jérémie en Haïti

La rue principale de Jérémie est toujours jonchée de débris, cinq jours après l'ouragan.
Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet
Plus de la moitié de toutes les victimes de Matthew en Haïti sont à Jérémie, une ville côtière restée inaccessible aux camions d'aide humanitaire jusqu'à samedi. L'hôpital de la ville est débordé de patients, dont de plus en plus souffrent du choléra en raison du manque d'eau potable.
Jérémie a été lessivée par l'ouragan. La mer est montée jusqu'à la cathédrale du centre-ville, pendant que la boue dévalait la colline sur les maisons. « J'ai senti une période de calme et de silence, puis nous avons frappé un mur de puissance », raconte un Casque bleu de la Minusta, les larmes aux yeux. C'est l'œil du cyclone qu'il décrit.
Une dizaine de villages de la région (le département de Grand'Anse) sont encore inaccessibles par voie terrestre. Ils sont coupés du monde, sans réseau internet ou téléphone. « Je pense que le chiffre des victimes va augmenter au fur et à mesure qu'on va prendre contact avec ces communes », dit Stéphane Derengervé, le représentant de la Croix-Rouge à Jérémie.
Déjà, les blessés affluent de toute la région vers le petit hôpital Saint-Antoine. L'établissement, qui ne comptait qu'un seul médecin lors de notre passage samedi, est débordé. « 200 personnes se présentent chaque jour », explique l'infirmière en chef, Madame Laurent.
Un père de famille nous crie sa rage : « j'ai amené mon fils à l'hôpital ce matin, et maintenant, il est mort. Il n'y avait pas de médecin, ils ne voulaient pas le soigner. Il n'y a même pas de place pour lui à la morgue de l'hôpital ».
À la sortie de la morgue, un groupe de femmes en deuil expurgent leur douleur en balançant les bras dans les airs ou en se roulant par terre. Après cinq jours de recherche, elles ont fini par retrouver leur père parmi les corps alignés sur le sol.
À l'intérieur de l'hôpital, des malades atteints du choléra sont séparés des autres. L'absence d'accès à l'eau potable a provoqué une résurgence de l'épidémie. « 15 patients avec le choléra sont arrivés hier, 15 autres aujourd'hui », raconte l'infirmière en chef. Déjà trois personnes sont mortes cette semaine.
« Il y a une épidémie qui est là depuis cinq ans, depuis le tremblement de terre. Ça s'était calmé un peu, mais là, dans les conditions actuelles de salubrité, d'accès à l'eau, et le peu d'infrastructures médicales encore debout, on a un gros problème qui s'approche », prévient le représentant de la Croix-Rouge, Stéphane Derengervé.
La région de Jérémie est considérée comme le grenier d'Haïti. Mais, comme presque tout, l'agriculture est anéantie. « Le pays sera affecté dans les six mois qui viennent par l'insécurité alimentaire », prévoit Stéphane Derengervé.
La Croix-Rouge a mis en place une citerne d'eau traitée au centre-ville de Jérémie, mais il n'y en a pas assez pour les quelque 125 000 habitants. L'organisme va aussi distribuer des « kits choléra », qui permettent de traiter l'eau à la maison.
Lueur d'espoir sur le chemin du retour : en repartant de Jérémie vers les Cayes, nous croisons un convoi de la Minusta, formé d'une vingtaine de camions, transportant des citernes et du matériel de santé, entre autres.