Le Nobel de la paix au président colombien Juan Manuel Santos

Le président colombien Juan Manuel Santos
Photo : Reuters/Jose Gomez
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le prix Nobel de la paix a été décerné au président colombien Juan Manuel Santos pour son rôle dans la conclusion d'un accord de paix avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) après un conflit de plus de 50 ans.
« Le fait qu'une majorité des votants ait dit non à l'accord de paix ne signifie pas nécessairement que le processus de paix est mort », a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Kaci Kullmann Five. L'accord de paix a été rejeté de justesse par la population lors d'un référendum dimanche dernier.
Mme Kullmann Five a estimé qu'il y « avait un vrai danger pour que le processus de paix s'interrompe et que la guerre civile reprenne ». Le comité Nobel souhaite que le poids du prix Nobel contribue à remettre le processus de paix sur les rails en Colombie.
Fidèle à la tradition, le comité de sélection a refusé d'expliquer pourquoi il n'avait pas choisi de remettre le prix conjointement au président Santos et aux FARC. Mme Kullman Five a cependant souligné que M. Santos avait joué un rôle central dans le processus, qu'il a engagé après avoir pris le pouvoir.
« Le président Santos a pris la toute première et historique initiative. Il y a eu d'autres tentatives, mais cette fois il est allé jusqu'au bout [...] C'est pourquoi nous avons mis l'accent sur le président », a-t-elle déclaré.
Santos « bouleversé »
Le président Juan Manuel Santos a dédié son prix à tous les Colombiens, en particulier aux millions de victimes du conflit armé que vit son pays depuis plus de 50 ans. « Je remercie (...) de tout cœur pour cette honorable distinction », a-t-il déclaré du palais présidentiel Casa de Nariño à Bogota.
M. Santos a aussi été cité sur le compte Twitter officiel de la Fondation Nobel. « Nous sommes très, très proches de parvenir à la paix », a-t-il déclaré, en disant recevoir le prix « au nom [...] du peuple colombien qui a tant souffert de cette guerre ».
« C'est un message d'espoir pour mon pays et pour la paix en Colombie », a observé de son côté l'ambassadeur de Colombie en Norvège, Alvaro Sandoval Bernal, interrogé par la chaîne de télévision norvégienne TV2.
Le chef des FARC, Rodrigo Londoño, alias Timochenko, a réagi en indiquant sur Twitter que « le seul prix auquel nous aspirons, c'est la paix et la justice
sociale pour la Colombie », et en réaffirmant sa volonté de parvenir à une Colombie « sans paramilitarisme, sans représailles ni mensonges ».
L'ex-président colombien Alvaro Uribe, leader du camp du « non » dans le cadre du référendum, a aussi salué le travail de son successeur. « Je félicite le président Santos pour le Nobel, je souhaite qu'il amène à changer des accords nocifs pour la démocratie », a-t-il tweeté.
Le prix attribué au président Santos intervient « à un moment crucial [...], apporte espoir et encouragement nécessaires à la population colombienne », a pour sa part indiqué le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon dans un communiqué. Le processus « est allé trop loin pour reculer maintenant », a-t-il ajouté.
Les FARC auraient dû être récompensés, croit Betancourt
Dans une entrevue accordée à la chaîne française I-Télé, Ingrid Betancourt, qui a été otage des FARC de 2002 à 2008, a dit être « très heureuse » de l'attribution du prix à M. Santos.
« C'est non seulement mérité, mais c'est aussi un moment de réflexion pour la Colombie, d'espoir de paix, de joie de se dire effectivement que la paix n'a pas de retour en arrière », a-t-elle ajouté.
Il a lutté tout seul pratiquement pour obtenir ce résultat, il change l'histoire du pays, il donne à la nouvelle génération colombienne la possibilité de connaître un pays différent. C'est un immense moment pour la Colombie.
Lorsque le journaliste lui a demandé si les FARC méritaient aussi d'obtenir le prix conjointement, elle a répondu, très émue : « Écoutez...Oui. C'est très dur pour moi de dire oui, mais je crois que oui ».
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Un demi-siècle d'insurrection
Négocié pendant plus de quatre ans et signé à la fin septembre à Carthagène par MM. Santos et Londoño, l'accord de paix devait mettre un terme à l'insurrection qui ravage le pays depuis plus d'un demi-siècle.
Le peuple colombien a toutefois rejeté l'accord, le jugeant trop favorable aux guérilleros, lors d'un référendum qui a divisé la population en deux clans pratiquement égaux - 50,21% des voix contre, 49,78 % pour.
Les Colombiens refusent que les guérilleros démobilisés soient autorisés à participer à la vie politique du pays et ils souhaitent que les Farcs soient envoyés en prison plutôt que de purger des peines alternatives.
M. Santos, âgé de 65 ans, est un ancien faucon converti en colombe. À titre de ministre de la Défense, il a été à l'origine de la plus importante offensive militaire contre la guérilla marxiste. Il a cependant emprunté la voie de la négociation lors de son accession à la présidence il y a six ans.
Son prix – assorti d'un diplôme, d'une médaille et d'une bourse de 1,23 million de dollars – est le quatrième Nobel décerné après la médecine, la physique et la chimie. Les Nobel d'économie et de littérature seront remis la semaine prochaine.
Avec les informations de Reuters et Agence France-Presse