Projet interconnexion Québec-New Hampshire : beaucoup de questions subsistent

Audience du BAPE à Sherbrooke relativement au projet interconnexion Québec-New Hampshire
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Impacts environnementaux, destruction du paysage, compensations financières, plusieurs questions persistent quant au projet d'Hydro-Québec de construire une ligne de haute tension reliant la station des Cantons à Val-Joli au New Hampshire.
Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) tenait sa première audience mercredi soir, à Sherbrooke. Une cinquantaine de personnes ont assisté à cette séance informative présidée par Marie-Hélène Gauthier.
Six requérants avaient fait la demande de tenir une audience sur le projet d'Hydro-Québec. Parmi eux, des citoyens touchés par le passage de la ligne, mais également l'organisme Forêt Hereford et le conseil des Innus de Pessamit.
La ligne de haute tension de près de 80 km doit suivre une ligne déjà existante sur 80 % de son tracé, puis doit bifurquer au nord de Saint-Herménégilde pour se rendre au New Hampshire. Un nouveau tracé de 15 km contournant le mont Hereford, mais traversant une partie de la forêt, devra être aménagé pour rejoindre la portion américaine du projet portée par l'entreprise Eversource, la Northern Pass, et ainsi alimenter en énergie l'état américain.

Une portion du tracé
Photo : Hydro-Québec
S'assurer de la protection de la forêt Hereford
De nombreux représentants de l'organisme Forêt Hereford étaient présents pour poser des questions aux représentants d'Hydro-Québec et aux experts sur place. Le tracé doit cheminer sur 10 km de forêt et entraînera une perte de plusieurs hectares.
Bien que l'organisme ne s'oppose pas au projet d'interconnexion et travaille de concert avec la société d'État pour atténuer les impacts du tracé, la trésorière Sylvie Harvey a souligné qu'il doit prendre tous les moyens pour s'assurer du respect de la servitude.
« Malgré plusieurs mesures d'atténuation, le projet contrevient à certaines restrictions de la donation. Même si nous sommes d'accord avec le projet, nous devons nous assurer de la conservation à perpétuité », a-t-elle expliqué.
Les questions relativement aux obligations légales entourant la servitude sont d'ailleurs revenues à plusieurs reprises au cours de la soirée. « Quels sont les engagements perpétuels [d'Hydro-Québec] puisque le tracé ne respecte pas certaines obligations de la servitude? », a demandé Mélanie Lafrance.
« Étant donné que les conclusions de la table de travail ne sont pas encore connues, on n'est pas en mesure de spécifier les engagements qu'on va prendre », a justifié la responsable du projet, Lynda Veilleux. Elle a également précisé que l'analyse des obligations de la servitude était terminée et que les conclusions seraient connues d'ici quelques mois.

Lyne Veilleux, responsable du projet d'Hydro-Québec
L'enfouissement : une question de coût
En raison de l'impact visuel de cette nouvelle ligne, et des inconvénients qu'elle suscite, plusieurs citoyens ont demandé davantage d'explications sur le choix d'un réseau aérien plutôt que sous-terrain.
« Je perds un bon 40 % de la valeur de ma maison. C'est Hydro-Québec qui me l'a dit, et un agent immobilier me l'a confirmé », déplore Carl Boivin, un citoyen d'East Hereford touché par le projet.
Pierre Paquette, qui possède une parcelle de terre à Cookshire-Eaton, a tenu à rappeler que plus de 100 km de la portion américaine du projet devraient être enfouis sous terre, et que le Québec avait annoncé en 2010 qu'il contribuerait largement au financement de la Northern Pass.

Pierre Paquette
Lynda Veilleux a d'abord rappelé le coût exorbitant de l'enfouissement (400 % plus cher qu'un réseau hors terre), avant d'expliquer le cadre législatif qui a motivé Hydro-Québec à faire ce choix. « Les projets au Canada doivent être justifiés économiquement et techniquement. Ce qui a été accepté par le Régie de l'énergie, c'est une ligne aérienne. »
Ginette Cantin, porte-parole d'Hydro-Québec, souligne que ce type de ligne doit également se faire le long d'une grande route pour que les employés de la société d'État puissent y avoir accès en toute saison. « L'espace qu'on a pour installer des infrastructures dans un espace linéaire, on la trouve aux États-Unis, et elle est moins disponible ici à moins de causer énormément de dégâts », explique-t-elle.
Une réponse qui n'a pas convaincu Pierre Paquette. « On est des citoyens de dernière classe. On paie pour les Américains et on n'est pas protégés. »
Déboisement et problèmes de plantes envahissantes
Marie-Thérèse Rodrigue possède une demeure à Cookshire-Eaton qui est située sur le tracé déjà existant. Depuis que le premier pylône a été installé, le drainage peine à se faire sur son terrain. Des arbres sont morts et elle a subi des inondations. L'idée qu'un pylône s'ajoute à celui déjà en place est loin de lui plaire.
« Cela nécessitera 53 m de large pour déboiser et installer la ligne [...] Ma préoccupation principale, c'est l'eau sur mon terrain. D'après moi, c'est dû au fait qu'on a déboisé plus haut que chez moi, il y a quelques années. »
Même si Hydro-Québec soutient qu'il fera tous les efforts nécessaires pour limiter les problèmes de plantes envahissantes, Mme Rodrigue croit que le mal est déjà fait. « Je suis rendue avec des quenouilles et du nerprun bourdaine [une plante envahissante] dans ma forêt. »

Marie-Thérèse Rodrigue
Le déboisement inquiète également André Roy, président du Syndicat des Producteurs forestiers du sud du Québec. Plus de 280 hectares de forêt seront rasés, et s'il salue les efforts de compensation pour les pertes financières engendrées par le déboisement, il souhaiterait que la société d'État procède à un reboisement dans d'autres secteurs.
Hydro-Québec a toutefois précisé que ce n'était pas dans ses intentions, mais que des mesures d'atténuation avaient été prises pour minimiser la perte de puits de carbone.
Compensations aux propriétaires : beaucoup de réponses à venir
Ginette Cantin rappelle que le processus visant à dédommager les propriétaires débute à peine et que beaucoup de réponses à ce sujet sont à venir. « On est encore très tôt. Les inventaires fonciers et forestiers sont en cours, donc, c'est difficile pour nous de suggérer un processus alors qu'il est à peine commencé. Je pense qu'il faut inviter les gens à un peu de patience. L'objectif est de s'entendre à leur satisfaction et de gré à gré. »

Ginette Cantin, porte-parole d'Hydro-Québec
L'audience doit se poursuivre au cours des prochains jours afin de répondre à toutes les questions des citoyens. Une deuxième partie aura lieu le 26 octobre pour permettre cette fois-ci aux gens d'exprimer leurs opinions et de déposer des mémoires.
Les citoyens ont jusqu'au 12 octobre pour signifier au BAPE l'intention de déposer un document et devront le faire avant le 21 octobre.
Le BAPE doit remettre ses conclusions au ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques en janvier, et ce dernier devra déposer son rapport final le 26 mars 2017.