La respiration des crevettes pour mieux comprendre les changements climatiques

La respiration des crevettes pour mieux comprendre les changements climatiques
Presque immobiles, 10 crevettes se la coulent douce dans un bassin de l'Institut Maurice-Lamontagne de Mont-Joli. Elles n'ont qu'à respirer pour fournir une foule d'informations aux chercheurs, qui souhaitent documenter les effets des changements climatiques sur les espèces commerciales dans le Saint-Laurent.
Le chercheur en écophysiologie Denis Chabot veut connaître le niveau minimal d'oxygène dissous dont ces crevettes ont besoin pour survivre. Pour ce faire, il injecte de l'eau de moins en moins oxygénée dans le respiromètre et mesure la réaction des crevettes.
Il s'agit d'une donnée-clé, parce que les changements climatiques font en sorte que l'oxygène se raréfie et que l'eau est de plus en plus acide dans les profondeurs du Saint-Laurent.
« Alors qu'on sait que les teneurs en oxygène dissous vont continuer de baisser, et que le pH va continuer de baisser, ça va devenir critique dans certains environnements pour les espèces commerciales. »
Respirométrie, mode d'emploi
Chaque crevette est placée dans un petit respiromètre, un appareil qui ressemble à une bouteille. De l'eau entre par une extrémité toutes les 20 minutes environ. À l'intérieur, une sonde mesure le niveau d'oxygène dissous dans l'eau.
Les crevettes poussées « à leur limite »
Les recherches montrent que la situation sera moins grave dans le Golfe, mais particulièrement critique dans l'estuaire. « Les crevettes peuvent encore tenir le coup dans l'estuaire, croit M. Chabot. C'est d'ailleurs démontré par le fait qu'on a encore une pêche commerciale. Mais elles sont à la limite. »
« Ça ne prendrait pas une grosse détérioration des conditions d'oxygène, ou ça ne prendrait pas un très gros réchauffement, pour que les eaux profondes de l'estuaire ne soient plus profitables à cette espèce. »
Des changements déjà observés par les pêcheurs
Les pêcheurs remarquent déjà des changements au fond de l'eau. « Bien sûr que ça nous inquiète!, s'exclame Réginald Cotton. Le réchauffement climatique, l'oxygène dans l'eau, ce sont des choses sur lesquelles on n'a aucun contrôle. »
« Tous les pêcheurs qui vont en mer depuis plusieurs années observent des changements. »
M. Cotton remarque que la répartition des crevettes dans le golfe a changé. « Il n'y a pas de crevette là où on a toujours pêché la crevette, explique-t-il. On dirait qu'elle change de place, et il n'y en a pas beaucoup. »
Les travaux de Denis Chabot sur la crevette doivent se terminer au printemps 2017. Il étudie aussi les conséquences de faibles concentrations d'oxygène dans l'eau sur d'autres espèces commerciales, dont le turbot et la morue.