Pierre Lalonde, idole devant l'éternel

Pierre Lalonde à « Jeunesse oblige » en 1965.
Photo : Radio-Canada/André Le Coz
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La nouvelle de sa mort m'a attristé. Pourtant je ne le connaissais pas, à part peut-être quelques rencontres professionnelles, et ce, même s'il ne vivait plus au Québec depuis longtemps. Toutefois, il a fait partie d'un pan de ma vie et de celle des gens de ma génération. Il a été celui qui nous entraînait dans le vent.
Je n'en ratais pas une. Quel âge pouvais-je bien avoir? 9? 10? 11? 12 ans? Plus encore... Ce n'était pas le crooner qui me fascinait, c'était Pierre Lalonde l'animateur de cette émission, Jeunesse d'aujourd'hui, qui était diffusée, si je me souviens bien, le samedi à 19 heures.
Je m'assoyais par terre, devant la vieille télévision en noir et blanc qui souffrait à l'occasion de ratés, mais qui reprenait vie à l'aide de bon coup de poing bien administré. À cette époque, la vie, finalement, était simple.
J'étais là et j'attendais 19 heures. Je n'étais pas seul. Toute la famille regardait Jeunesse d'aujourd'hui. C'était en quelque sorte, avec Music-Hall quelques années plus tôt, la seule émission de variétés qu'on nous proposait. Le seul show où on pouvait entendre des chansons, voir nos vedettes, rêver aussi un peu.
Il y avait donc Lalonde et il y avait Joël Denis. Les deux faisaient la paire, se complétaient. Les filles s'égosillaient dès que ce beau gosse apparaissait. Tout juste si elles ne déchiraient pas leur vêtement. Encore que... C'était les Beatles, mais version Chéri j'ai réduit les enfants. Un phénomène local qui n'avait rien d'international. Toutefois, c'était le début d'un star-système dans un Québec qui écoutait les chansonniers et qui vibrait encore au rythme des boîtes à chansons.
C'était un Québec qui tranquillement devenait « Maître chez lui ». Un Québec sur la voie de l'affirmation. Un Québec qui levait le poing avec l'avènement de partis tel que le RIN de Bourgault. Le Québec en pleine effervescence d'un René Lévesque qui, dès 1967, créait le MSA (Mouvement souveraineté-association). Le Québec qui avait décidé de défendre sa langue. Le Québec du FLQ avec ses bombes dans les boîtes aux lettres de Westmount.

René Lévesque à la conclusion du congrès de fondation du Parti québécois en 1968
Photo : Archives de Radio-Canada
Et dans ce magma social, il y avait Pierre Lalonde et Jeunesse d'aujourd'hui où défilaient semaine après semaine, les vedettes d'une chanson souvent empruntée au monde anglo-saxon, traduite, adaptée. Il suffit de penser aux Sinners et à Penny Lane, aux Baronets qui ont tenu la route un bon moment en reprenant les succès du célèbre groupe de Liverpool. Ça recommence, C'est fou, mais c'est tout, Laisse-moi me reposer, Un p'tit sous-marin jaune...
Mais ça n'avait pas d'importance. On écoutait aussi Ticket to Ride et Yes It Is, on portait des casquettes Beatles, et on regardait Pierre Lalonde et ses invités. C'était le début déjà d'une certaine mondialisation par la musique.

L'animateur Pierre Lalonde devant le public de « Jeunesse oblige » en 1964.
Photo : Radio-Canada/André Le Coz
Certains de ces artistes qui occupaient régulièrement le plateau de Jeunesse d'aujourd'hui ont traversé le temps : Ginette Reno, Michèle Richard, Michel Louvain... D'autres n'ont fait que passer et leur couleur s'est délavée : les Classels de blanc vêtus, les roses Excentriques, Les Habits Jaunes, César et les Romains qui ont perdu leurs jupettes...

Michel Louvain en 1968.
Photo : Radio-Canada/Francis J. Menten
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Et Lalonde dans tout ça était l'hôte, le seigneur des lieux, le gentleman qui n'avait rien d'un cambrioleur. Il chantait aussi, pas mal même, voire plutôt bien. Il était le lien entre les goûts de nos parents et les nôtres. Il était le bon gars. Un garçon propre, diraient certains. L'œil langoureux, playboy, élégant, les cheveux bien coiffés, pas trop longs, même si avec le temps la mode l'a rattrapé. Il a été en quelque sorte la référence, la voix de notre génération, celle des baby-boomers.

L'animateur Pierre Lalonde tient le micro devant les chanteuses Petula Clark et Michèle Richard, en 1966.
Photo : ?Radio-Canada/André Le Coz
Et il a été présent longtemps au petit écran, a animé longtemps, a chanté longtemps. C'est pour ça qu'il est resté dans nos mémoires. Important, il a ouvert la porte au Québec musical. Celui qui allait se transformer au fil des années.
La dernière fois que je l'ai vu sur scène, c'était à la Place des Arts, dans les années 80. Avec Lautrec et Louvain, ils avaient monté un spectacle intitulé Les 3 L. Une sorte de Rat Pack, un party d'anciens. Après, outre quelques jeux télévisés, Lautrec et lui ont pour ainsi dire disparu.
Il chantait donc, Lalonde! Et comment? Il a vendu plus de 2 millions de ce qu'on appelait alors des 45 tours, plus de 600 000 albums. Des succès, il en a eu. Louise et Caroline ont eu droit à sa langueur. Il leur a demandé leur bouche, il a rêvé d'amour, de soleil et de plage. Il nous a fait sourire avec le Petit Gonzales. Avec lui, c'était le temps des vacances. Avec lui, on était dans le vent.