Abolition des visas pour les Mexicains : entre inquiétude et soulagement

Des Mexicains attendent devant l'ambassade du Canada à Mexico, quelques jours après que le gouvernement canadien ait décidé d'imposer un visa, en 2009.
Photo : ? Eliana Aponte / Reuters
Alors que la communauté mexicaine au pays se réjouit, la fin prochaine de l'imposition de visas pour les citoyens mexicains qui visitent le Canada suscite des craintes chez certains fonctionnaires fédéraux. Des informations internes du ministère de l'Immigration révèlent des préoccupations sur le plan de la fraude liée aux documents et aux demandes d'asile.
La semaine prochaine, le premier ministre Trudeau et le président du Mexique Enrique Peña Nieto doivent annoncer la suppression de l'imposition de visa, à l'occasion de la visite officielle de ce dernier au pays. Selon nos informations, la mesure serait en vigueur dès le 1er décembre.
La promesse était majeure pour les libéraux. En janvier, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, réitérait les intentions du gouvernement. « Kaput », disait-il en évoquant l'avenir de l'exigence consulaire.
Lundi, le ministre de l'Immigration John McCallum reconnaissait toutefois que les choses étaient plus compliquées.
« Il y a toujours des questions de détail, des choses à considérer. »
Il faut dire que des fonctionnaires au sein de son ministère ont levé des drapeaux rouges ces derniers mois. Les fraudes liées aux passeports mexicains seraient difficiles à détecter.
Puis, à l'intérieur du ministère de l'Immigration, certains ont soulevé le fait que la fin des visas pourrait inquiéter les États-Unis et créer des tensions avec des pays européens dont les citoyens doivent toujours obtenir des visas pour entrer au Canada, notamment la Roumanie et la Bulgarie.
Le Canada impose ses conditions
Ottawa aurait approuvé sous conditions la fin de l'exigence de visa. Une imposition partielle pourrait être décrétée de nouveau, par exemple si 3500 Mexicains faisaient une demande d'asile au Canada dans une période de 12 mois.
Les citoyens mexicains qui ont obtenu un visa canadien au cours des 10 dernières années ou ceux qui ont un visa américain pourraient simplement faire une demande pour le visa électronique que le Canada exige depuis peu à des dizaines de pays.
Contrôler les demandes d'asile
En 2009, le gouvernement Harper avait imposé l'obligation d'obtenir un visa pour les citoyens mexicains entrant au Canada. Ottawa avait adopté cette mesure en réaction à l'augmentation importante du nombre de demandes d'asile effectuées par des Mexicains à leur entrée au pays.
Les conservateurs dénoncent aujourd'hui la décision « arbitraire » du gouvernement Trudeau.
« En enlevant les visas, on va probablement avoir un flot de gens qui vont venir ici au Canada et qui vont demander l'asile. À ce moment-là, c'est le Canada qui doit payer pour renvoyer ces gens-là au Mexique et ça coûte des millions aux Canadiens. »
Selon l'Agence des services frontaliers du Canada, « toutes les personnes visées par une mesure de renvoi sont responsables de se procurer leur propre billet d'avion ». Mais si une de ces personnes n'est pas en mesure de débourser le prix du billet, c'est le gouvernement canadien qui le fera.
Les effets collatéraux pour la communauté mexicaine
Plusieurs ressortissants mexicains au Canada ont de grandes attentes par rapport à la promesse électorale des libéraux d'annuler le visa. Pour certains, la simple organisation d'une visite touristique de membres de la famille était devenue une tâche très complexe.
C'est le cas de membres du groupe de ballet folklorique Aztlàn que nous avons rencontrés à Gatineau.
Les membres de la famille du directeur artistique, Josué Nieto, qui est citoyen canadien, ont eu de la difficulté à venir le visiter au Canada, notamment pour la naissance d'un de ses fils.
« J'aurais aimé ça avoir mes parents, mes frères et mes sœurs ici à ce moment-là, pour la naissance de mon fils. J'étais tout seul avec ma femme. J'aurais aimé ça. »
Exigences pour l'obtention d'un visa canadien pour les Mexicains:
- Frais de 100 $ CA
- Copies de passeports antérieurs
- Relevés bancaires des trois derniers mois
L'une des membres de sa troupe, Béatrice Alcocer Ceballos, explique que la mesure a aussi dissuadé ses proches de venir lui rendre visite au Canada.
« C'était assez cher. Là-bas, ils n'ont pas nécessairement les moyens de payer [...] C'est pas tout le monde qui peut l'avoir à cause des moyens. »
Béatrice Alcocer Ceballos et Josué Nieto espèrent que la fin de l'imposition de visas permettra à leurs proches de venir les visiter et les voir danser.