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Les traînées de condensation sont-elles une menace?

Des traînées de condensation

Des traînées de condensation

Photo : iStock

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Les traînées de condensation, ces traces que laissent parfois derrière eux les avions de ligne, sont-elles menaçantes? Certains disent qu'elles causent de la pollution, d'autres, qu'elles augmentent le réchauffement climatique. Qu'en est-il réellement?

Ève Christian
  Un texte de Ève Christian
TwitterCourriel

J'ai consulté un expert en la matière pour avoir l'heure juste. François Garnier, professeur à l'École de technologie supérieure en génie mécanique, étudie ces nuages depuis plusieurs années.

Oui, ces « nuages », car les traînées de condensation sont des nuages. Leur processus de formation est semblable à celui des nuages naturels, particulièrement les cirrus, ceux qui peuplent l'étage supérieur de la troposphère.

Formation d'un nuage

D'ailleurs, qu'est-ce qu'un nuage? Il est la matérialisation de la vapeur d'eau présente dans l'air, dans des conditions atmosphériques précises.

À tout moment, il y a de l'évaporation à la surface de la planète. On ne voit pas cette vapeur d'eau tant qu'elle ne se condense pas, soit en gouttelettes, soit en particules de glace. Pour ce faire, la vapeur doit rencontrer des températures plus froides, mais aussi des noyaux de condensation.

Les noyaux de condensation sont de petites particules flottant dans l'atmosphère telles que des poussières, de la cendre volcanique, du sel de mer, de la suie, du sable, etc. C'est sur ces particules que la vapeur d'eau en suspension dans l'air se dépose pour devenir gouttelettes ou cristaux de glace, si le phénomène se passe en altitude à des températures très froides.

Formation d'une traînée de condensation

Dans le cas particulier des traînées de condensation, les noyaux sont les particules présentes dans le carburant des réacteurs des avions de ligne, le kérosène.
D'ailleurs, vous avez probablement remarqué qu'on ne voit ces contrails – l'autre appellation pour ces traces blanches qui origine de la contraction des mots anglais condensation et trails, qu'en hautes altitudes. C'est normal : suivant les règles de la thermodynamique de l'atmosphère, le changement de phase de l'eau, de vapeur à solide, se produit lorsque des conditions bien précises sont réunies : assez d'humidité et des températures en dessous de -40 °C. C'est pourquoi les traînées de condensation se produisent généralement entre 8 et 12 km d'altitude.

Si vous prenez place dans le dernier siège de l'avion, vous pourriez être témoin de la formation des traînées de condensation. En fait, tout juste à la sortie des réacteurs, les conditions de saturation de la vapeur d'eau ne sont pas remplies, parce que le jet du moteur est très chaud. Mais en se mélangeant avec l'air extérieur très froid, il va y avoir rapidement, en quelques mètres seulement, formation de cristaux de glace, donc de « nuages ». Au départ, il y a deux traînées de condensation, puisque l'avion a deux réacteurs; mais rapidement, elles se combinent en une seule, et c'est ce que l'on voit du sol.

Catégories de traînées de condensation

Certaines de ces traces sont très nettes et disparaissent vite, alors que d'autres sont diffuses ou semblent s'effilocher et traîner avant de disparaître. Pourquoi?

N'oublions pas que leur formation dépend de la quantité d'humidité et de la température dans la région dans laquelle vole l'avion. Leur dissipation dépend de ces mêmes conditions, dans l'environnement où le vent les aura déplacées.

On classe les traînées de condensation en trois catégories.

Traînées de condensation de courte durée
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Traînées de condensation de courte durée

Photo : Carol Clark in Oregon, USA (NASA)

1. Courte durée

Si la région est plutôt sèche, autrement dit, si la vapeur d'eau est minime, les traînées de condensation sont minces et nettes. Au fur et à mesure que l'avion avance, leur longueur reste quasi constante, courte à moyennement longue. Elles disparaîtront dès que les particules de glace seront retournées en vapeur.

Traînées de condensation « persistantes »
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Traînées de condensation « persistantes »

Photo : Radio-Canada/Eve Christian

2. Persistante

Si l'air est un peu plus humide, le trait aura un peu perdu de sa précision, mais ne sera pas beaucoup plus large que le précédent; la largeur d'un doigt, bras tendu, devrait le cacher. Il persistera après la disparition de l'avion, mais pas très longtemps.

Traînées de condensation des 3 catégories : courte durée (mince), persistante (un peu floue) et persistante-répandue (floue). Avec un demi-halo en prime (à gauche de la photo)
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Traînées de condensation des 3 catégories : courte durée (mince), persistante (un peu floue) et persistante-répandue (floue). Avec un demi-halo en prime (à gauche de la photo)

Photo : Radio-Canada/Eve Christian

3. Persistante et répandue

Les traînées de condensation qui s'élargissent (plus épaisses que la largeur d'un doigt, bras tendu) et s'étirent se forment dans une région de forte humidité. Elles s'étendront ainsi jusqu'à ce que disparaissent les conditions permettant à d'autres cristaux de glace de se développer. Elles peuvent persister plusieurs heures et finir par couvrir des milliers de kilomètres carrés. Elles ressemblent alors aux cirrus, ces nuages qui font penser à des cheveux d'ange; d'ailleurs, ces traînées sont parfois difficilement discernables des cirrus naturels.

Menace pour l'humanité ou non?

Séparons la réponse en deux : la pollution et le réchauffement climatique.

Bien sûr que les avions envoient dans l'atmosphère de la pollution à une altitude relativement propre. Mais les études indiquent que la pollution aérienne compte pour 3 à 5 % de toute la pollution faite par les moyens de transport et les usines.

De ce point de vue, ce n'est donc pas paniquant. Mais il reste que les traînées de condensation font l'objet d'études et de recherches, car comme m'expliquait le professeur François Garnier, le nombre d'avions pourrait tripler d'ici 2030-2050. Ce qui veut dire qu'avec une augmentation annuelle d'avions de 5 %, dans une trentaine d'années, la contribution de l'aviation finira par atteindre 15 % à 20 % des émissions totales de pollution dans ce domaine. L'aviation ne sera donc plus un contributeur marginal. Il faudra alors trouver des solutions.

Actuellement, les études ne portent pas sur la recherche d'une technologie qui empêcherait la formation de traînées de condensation, mais plutôt sur la façon de contourner les zones aériennes saturées de contrails. Une des solutions serait de voler à des altitudes inférieures. Mais la dépense de kérosène serait alors à la hausse et les émissions de CO2 aussi. Est-ce une meilleure solution?

De toute façon, qu'un avion laisse ou non derrière lui des traînées de condensation, la pollution est tout de même rejetée. On en est simplement plus conscient quand on remarque les traces blanches, mais ce n'est pas plus dangereux.

Un ciel de nuages variés dont des cirrus de l'étage supérieur souvent confondus avec les traînées de condensation.
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Un ciel de nuages variés dont des cirrus de l'étage supérieur souvent confondus avec les traînées de condensation.

Photo : Radio-Canada/Eve Christian

Là où le bât blesse, c'est du côté de l'augmentation de la couverture nuageuse. Dans un monde où la circulation aérienne est loin de diminuer, l'augmentation des traînées de condensation, surtout celles qui sont persistantes et répandues, revient à dire plus de nuages. Ça signifie plus de chaleur retenue au sol qui ne peut s'échapper, et ça, ça augmente le réchauffement climatique.

Dernier point : ces traces blanches peuvent servir à indiquer la météo. Quand elles sont de courte durée, le temps est au beau fixe; quand elles s'étirent et s'étendent, un système dépressionnaire approche. En fait, leur rôle est à l'instar des cirrus; et comme eux, ils ne causent pas directement de précipitations.

C'est fou tout ce qui peut se cacher sous ces traits blancs dessinés très haut dans le ciel...

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