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Les ravages méconnus de la bataille en mer de Chine méridionale

Un pêcheur philippin

Des pêcheurs philippins on cessé leurs activités depuis que Pékin a envoyé des navires militaires en mer de Chine, rapporte Yvan Côté

Photo : Radio-Canada

Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La vie de milliers de pêcheurs aux Philippines est en suspens depuis que Pékin a dépêché une véritable armada de navires militaires en mer de Chine méridionale. Le conflit qui ne cesse de prendre de l'ampleur a forcé la plupart des chalutiers à rester au port, mais une décision de la Cour internationale de justice de La Haye pourrait tout changer au cours des prochaines semaines.

Yavn Côté
  Un texte d'Yvan Côté
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Sur le quai du petit village de Masinloc, dans le nord des Philippines, Mario Forones regarde le large avec envie. Des pêcheurs s'apprêtent à partir pour un voyage de quelques semaines en mer. Une routine qu'il connaît bien. Le marin a passé les 15 dernières années de sa vie à naviguer.

« J'avais deux bateaux de pêche et six chaloupes, dit avec fierté Mario. J'étais prospère et je pêchais dans l'une des meilleures régions au monde, les îles Spratley. »

Mais son rêve a pris fin abruptement en 2014. Des navires de la Marine chinoise ont commencé à occuper la région des Spratley et à pourchasser tous les pêcheurs philippins qui s'y trouvaient. Les affrontements étaient violents, se rappelle Mario. « Les soldats chinois utilisaient des mitraillettes et des canons à eaux pour s'assurer que l'on quitte les lieux. C'était terrifiant. »

Un navire de la garde côtière chinoise envoie un jet d'eau sur un bateau de pêcheurs philippins.
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Photo : La Presse canadienne / AP/Renato Etac

Au coeur de ce litige, l'avenir de l'immense territoire au beau milieu de la mer de Chine méridionale. Pékin revendique la souveraineté de la quasi-totalité de la région en se basant sur des considérations historiques. Une menace pour l'intégrité territoriale du Vietnam, de la Malaisie, du Brunei, de Taiwan, et tout particulièrement celle de l'archipel des Philippines, où les pertes pourraient être gigantesques.

« On risque de perdre 80 % de notre zone économique exclusive, explique Charles Jose, porte-parole du ministère des Affaires étrangères des Philippines. C'est un véritable vol pour notre nation et nos pêcheurs. »

La cause entendue à La Haye

À défaut de pouvoir tenir tête militairement à la puissante Chine, Manille s'est donc tournée vers la Cour internationale de justice de La Haye. L'arbitrage a pour objectif de trancher deux questions essentielles dans le dossier : la validité des revendications de la Chine et le statut des minuscules parcelles de terre en mer.

« C'est crucial, assure Chitto Santo Romana, un analyste politique spécialisé sur la Chine. En plus des prétentions de Pékin, la cour va clarifier si un rocher en mer n'est qu'un rocher. Si ce n'est pas une île, alors des pays comme la Chine ne pourront pas réclamer la souveraineté sur 200 milles nautiques tout autour. Ça fera une différence énorme pour les pêcheurs. »

Des milliards de dollars en jeu

Selon certaines évaluations chinoises, la valeur des prises de pêche et des réserves de pétrole dans cette région s'élèverait à plus de 1000 milliards de dollars. Mais les enjeux pour les différents pays impliqués vont bien au-delà des ressources en mer. La zone est aussi le passage maritime le plus fréquenté au monde. Entre 40 % et 60 % de tout le trafic maritime commercial sur la planète y transite.

Un facteur crucial qui pourrait expliquer la décision de la Chine de boycotter la procédure à La Haye.

« C'est de la politique interne, assure Wang Dong, professeur en études internationales à l'Université de Pékin. La Chine n'a pas à se plier à cet exercice. »

La réponse de la Chine à la suite de la poursuite des Philippines a d'ailleurs été de construire des îles artificielles en pompant des millions de tonnes de sable au fond de la mer.

Pékin a même installé sept bases militaires au cours des derniers mois sur ces fausses îles. Washington y voit une menace pour le reste de la planète, et les forces américaines ont recommencé à patrouiller dans la région. Ce qui crée encore plus de tensions.

« La cause des Philippines est secondaire, soutient l'analyste Chitto Santo Romana. L'enjeu ici n'est rien de moins que le contrôle de la région. Qui des deux superpuissances, entre la Chine et les États-Unis, aura le plus d'influence? »

En attendant, ce sont les pêcheurs qui écopent. Sans revenu, Mario a dû se résigner à se départir de ses bateaux pour payer ses factures. Sa femme, elle, est maintenant forcée de vendre les poissons des autres pour survivre.

La décision du tribunal de La Haye devrait être connue au cours des prochaines semaines. Même si Mario sait qu'elle ne réglera pas le conflit, il espère au moins qu'elle enverra un message clair à la Chine, soit que le fait d'imposer ses revendications aux autres pays par la force ne sera pas toléré par la communauté internationale.

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