Rapport accablant d'experts de l'ONU sur les dirigeants érythréens

Le président Issayas Afewerki règne sans partage sur l'Érythrée depuis que le pays a déclaré son indépendance, en 1993.
Photo : Getty Images / PETER BUSOMOKE
La Commission d'enquête des Nations unies sur l'Érythrée a accusé mercredi les dirigeants de ce pays de crimes contre l'humanité, dont ceux de tortures, de viols et de meurtres, et a demandé au Conseil de sécurité d'imposer des sanctions et de saisir la Cour pénale internationale (CPI).
Des atrocités - au nombre desquelles un service militaire sans limites de durée, qui équivaut à de l'esclavage de masse - ont été commises dans le pays depuis son accession à l'indépendance en 1991, et elles se poursuivent toujours, a déclaré la commission d'enquête mandatée par l'ONU pour enquêter sur ces faits.
« Des personnes, au nombre desquelles des responsables au plus haut niveau de l'État et du parti au pouvoir - le Front populaire pour la démocratie et la justice - et des officiers supérieurs portent la responsabilité de crimes contre l'humanité et autres violations flagrantes des droits de l'homme », lit-on dans le rapport de la commission d'enquête.
Selon le président de la commission d'enquête, ce sont 300 000 à 400 000 personnes qui ont été réduites en esclavage en Érythrée ces vingt-cinq dernières années du fait du « service national ».
« Nous évaluons entre 300 000 et 400 000 le nombre de personnes qui ont sans doute été réduites en esclavage », a dit Mike Smith, le diplomate australien qui dirige la commission.
Façade de calme
Mike Smith a ajouté lors d'une conférence de presse que les forces de sécurité déployées aux frontières continuaient sans doute de tirer à vue sur les Érythréens tentant de fuir le pays.
Le gouvernement érythréen a parlé d'accusations sans fondement et estimé que les experts de l'ONU étaient animés par des considérations politiques.
« L'Érythrée rejette les accusations à caractère politique et sans fondement, ainsi que les recommandations destructrices de la commission d'enquête », a déclaré un conseiller de la présidence à Asmara, Yemane Ghebreab. « Elle (l'Érythrée) estime qu'il s'agit là d'une attaque injustifiée qui vise non seulement l'Érythrée, mais aussi l'Afrique et les pays en développement ».
Le conseiller présidentiel a ajouté que le rapport, qui s'appuie selon lui sur de fausses informations, ne prenait pas en compte la « poursuite de l'état de guerre » avec l'Éthiopie voisine. À l'en croire, l'accusation centrale, celle de crimes contre l'humanité, est ni plus ni moins « risible ».
« De façon générale, les crimes sont très rares en Éthiopie. Ceux qui se sont rendus en Érythrée vous diront que c'est bien le cas », a continué le conseiller.
Les auteurs du rapport avertissent cependant que les visiteurs ne doivent pas être trompés par « l'impression générale de calme et d'ordre » qui règne dans la capitale, Asmara, car les atrocités sont commises dans des camps d'entraînement de l'armée et dans les centres de détention.
« La façade de calme et de normalité que voit le visiteur occasionnel dans le pays (...) occulte la pratique permanente de graves violations des droits de l'homme », lit-on dans le rapport.