Enfants adoptés : faire la paix avec son identité

Pascale Genest et ses parents
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dans les années 1990, près de 1000 enfants de différents pays ont été adoptés chaque année au Québec. Ces enfants ont dû, souvent avec difficulté, réconcilier leurs origines passées avec celles du pays d'adoption. C'est le cas de Pascale Genest, qui, depuis toute jeune, s'acharne à recoudre les morceaux de son histoire.

La Lavalloise de 28 ans fait partie de la première grande vague d'adoptions internationales au Québec. Elle a consacré la majeure partie de sa vie à faire la paix avec son identité.
Une vie à se libérer de cette boule d'émotion au fond d'elle-même. « Je me disais tout le temps que ma mère biologique m'a abandonnée. J'ai dit, je ne vois vraiment pas pourquoi ma mère adoptive ne pourrait pas le faire elle aussi », raconte-t-elle.
Pascale a été adoptée à l'âge de 21 mois. Ses parents adoptifs sont allés la chercher aux Philippines dans la région de Manille, la capitale.
Une fois à l'école, des moqueries répétées sont venues assombrir la vie de Pascale. « On m'a dit : "tête de riz, bol de riz, retourne dans ton pays" », se souvient-elle.
Au milieu des années 1990, à Laval, les jeunes asiatiques ne couraient pas les rues. Confrontée au regard des autres, Pascale se sentait souvent comme « un phénomène de foire ». Elle était rejetée à l'école. Mais au-delà des railleries, elle souffrait déjà d'un malaise profond.
La crise identitaire
La travailleuse sociale Johanne Lemieux, auteure du livre La normalité adoptive, parle d'une crise identitaire. « Cette crise-là ne vient pas d'une difficulté en soi d'être adopté. C'est les morceaux qui manquent qui font que c'est difficile de se construire une identité claire », explique-t-elle.
Pascale a souhaité en savoir plus sur ses origines. Ce désir légitime a éveillé en elle un sentiment connu des adoptés : le conflit de loyauté envers leurs parents adoptifs.
Ce repli sur soi, typique du cheminement des adoptés, s'explique. « Un enfant adopté n'aura pas la même sorte de langage d'attachement, de comportement d'attachement qu'un enfant non adopté », affirme Johanne Lemieux.

Pascale Genest à l'adolescence
Photo : Courtoisie de la famille
À l'adolescence, Pascale a quitté la maison familiale. Elle avait alors 16 ans et elle était enceinte. Cela a marqué le début d'une longue période où les relations avec ses parents étaient tendues.
« J'ai énormément détesté mes parents justement du fait qu'ils m'avaient adoptée. Je leur disais : "pourquoi tu m'as adoptée, ramène-moi donc aux Philippines, il semble que je me sentirais mieux là-bas. Je n'ai pas d'affaire ici, je n'ai pas ma place ici, parmi vous" », raconte Pascale.
Le tournant
Malgré la grande joie d'être maman, elle a traîné le fardeau de son passé, même à l'âge adulte, jusqu'à tout récemment.
Sa vie a commencé à changer quand elle a rencontré le Regroupement des adoptés à l'international sans frontière (RAIS). Cet organisme a été créé récemment pour rassembler les personnes adoptées et répondre à leurs besoins. On en compte 21 000 au Québec.
Cela a été « une méga-révélation » pour Pascale, une expérience qui lui a donné un sentiment d'appartenance.
N'empêche, le contact avec d'autres personnes adoptées ayant retrouvé leur famille biologique est venu raviver la grande question : chercher à connaître ou non ses origines. Pascale, elle, ne se sent pas prête.
Aujourd'hui, Pascale a fait la paix avec ses parents adoptifs. Le sentiment d'appartenance comblé, Pascale a résolu des éléments importants de son casse-tête identitaire.
« Au mois de janvier, j'ai entamé une nouvelle année pour la première fois de ma vie, sans une boule. Sans boule d'émotion, sans boule de rage, en acceptant mes parents. Mes parents ont accepté le fait que j'étais différente aussi », dit-elle.