Trisomie 21 : lorsque des parents doivent se défendre contre l'avortement

Marc, Stéphanie et leur fille, Lily Rose
Interrompre ou non la grossesse quand le foetus est atteint de la trisomie 21 : c'est le dilemme pénible auquel doivent faire face certains parents. Si 90 % d'entre eux optent pour l'avortement, ceux qui choisissent de poursuivre la grossesse dénoncent le manque de soutien et les préjugés au sein du système de santé.
Le choix déchirant de Julie et Nathan
« Perdre mon enfant ou ça, pour moi, c'était la même chose. »
Julie Faucher s'est effondrée quand elle a appris que la petite fille qu'elle portait était atteinte de la trisomie. La jeune maman et son mari, Nathan, n'avaient jamais envisagé un tel scénario.
« Pour moi, c'était clair qu'on ne pouvait pas être heureux avec un enfant trisomique, et pour moi, c'était clair que je ne le gardais pas, et là, mon mari m'a dit : "Eh bien, pour moi, ce n'est pas si clair que ça!'' »
Le couple a reporté plusieurs fois ses rendez-vous pour l'avortement, incapable de prendre une décision et de l'assumer. Julie Faucher dénonce l'absence de soutien et d'informations pertinentes au sein du système de santé pour aider les couples à trancher de façon éclairée.
« Ce n'est pas le médecin qui va offrir ce soutien-là, note Mme Faucher, et malheureusement, il n'y a pas ne serait-ce qu'un dépliant. » Elle ajoute que le personnel médical précise qu'il est difficile pour les parents d'enfants atteints de la trisomie d'avoir des services. « Ce n'est pas encourageant, c'est certain », résume Julie Faucher.
C'est finalement avec l'aide d'une psychologue que Julie et Nathan ont pris la décision de poursuivre la grossesse. Leur fille Sofia, atteinte d'une trisomie en mosaïque, a aujourd'hui 7 ans, et elle est la cadette de trois enfants.
Se battre contre l'avortement : témoignages de Marc et Stéphanie
« C'est comme si, pour eux, c'était une aberration qu'on décide de garder l'enfant. »
Regarder les témoignages de Marc et Stéphanie :

Marc, Stéphanie et leur fille, Lily Rose
Encore aujourd'hui, Marc a les larmes aux yeux et la colère dans la voix quand il raconte les semaines qui ont suivi l'annonce du diagnostic de trisomie 21. Stéphanie était enceinte de leur troisième enfant, hantée par des questions pour lesquelles elle ne trouvait aucune réponse.
Le couple reproche au personnel de la santé d'avoir un parti pris pour l'avortement, dans le cadre d'un programme public qui se doit de bien informer les parents en toute neutralité.
Lutter contre les préjugés
« Plusieurs couples doivent se défendre contre l'avortement. »
Selon le médecin Antoine Payot, directeur de l'Unité d'éthique clinique au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, à Montréal, le système « pousse inévitablement [les parents] vers l'interruption de grossesse ». Il ajoute que des études sur cette question sont en cours.
Trisomie 21, le programme québécois en chiffres
- La trisomie 21 touche un 1 bébé sur 800 à la naissance;
- Le programme québécois de dépistage est offert depuis 2012 à toutes les femmes enceintes;
- Environ 60 % optent pour le test;
- Près de 90 % choisissent l'avortement quand l'amniocentèse confirme que le bébé est atteint de la trisomie.
Le dépistage en pleine évolution
« Je prends tout ça au sérieux, le contraire serait irresponsable de ma part », affirme le médecin Jean-Claude Forest, président du comité de coordination du Programme de dépistage québécois de la trisomie.
Dans le cadre du projet de recherche PEGASE, financé par le gouvernement du Canada, le Dr Forest participe à la mise au point d'un test d'ADN foetal, un test non invasif, qui pourrait réduire le nombre d'amniocentèses.
Ces recherches ont aussi le mandat d'élaborer des outils d'aide à la décision pour mieux épauler les professionnels de la santé et les parents qui participent au programme de dépistage.
Le reportage de Tamara Altéresco est présenté lundi au Téléjournal, à 21 h sur ICI RDI et à 22 h sur ICI Radio-Canada Télé.