Lorsqu'un organisme d'aide est au bord du précipice

Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Face à la diminution ou à la stagnation de leurs budgets, certains groupes sont forcés de faire des choix déchirants, comme de suspendre les services qu'ils offrent à la population. C'est le cas du Centre Accalmie, en Gaspésie, qui accueille des personnes souffrant de dépendances et de troubles de santé mentale.
Mario Boulay venait d'avoir 47 ans. Le printemps commençait à s'installer; le temps était chaud. Il se souvient d'être allé acheter de l'alcool plusieurs fois cette journée-là. « Je me suis acheté quatre ou cinq grosses bouteilles de bière », se remémore-t-il.
Il a commencé à boire au volant avant de garer son véhicule sur un chemin de gravier désaffecté. Puis, le trou noir. Lorsqu'il a repris ses esprits quelques heures plus tard, un fusil de chasse était à la portée de sa main.
Tout ce [dont] je me souviens, c'est que je me suis réveillé dans mon auto le 16 mai au matin avec la photo de mes enfants, puis une arme chargée à mes côtés.
« En un moment de panique, j'aurais pu l'utiliser contre moi, mais ça m'a fait prendre conscience : "T'as vraiment un gros problème Mario, va chercher de l'aide, fais de quoi..." » se rappelle-t-il.
Un répit nécessaire
Cette aide, c'est au Centre Accalmie que Mario Boulay l'a trouvée. Établi depuis 28 ans à Pointe-à-la-Croix, dans la baie des Chaleurs, le Centre peut héberger jusqu'à 7 résidents.

Dominique Bouchard, directrice du centre Accalmie
Notre clientèle, ce sont majoritairement des hommes. Ce sont souvent des gens qui ont des problèmes de consommation, de santé mentale et d'itinérance.
Chaque matin, les résidents du Centre se réunissent pour une discussion de groupe obligatoire. Chacun est aussi suivi individuellement par une intervenante et doit contribuer au bon fonctionnement de la maison.
Même lorsqu'ils quittent le Centre, les résidents continuent d'être suivis et peuvent même participer à certaines activités. Mario Boulay ne s'en prive pas : il veut prévenir les rechutes.

Ça fait deux ou trois fois que je viens au Centre Accalmie en prévention, juste pour me "grounder", m'assurer que je ne prends pas un coup. Je pourrais rester chez nous, mais je suis certain à 100 % que j'aurais bu.
Un organisme menacé
Faute de budget suffisant, le Centre Accalmie devra toutefois fermer ses portes pendant trois à quatre mois cet automne. Il y a quelques années, le Centre avait annoncé une fermeture semblable, mais avait finalement réussi à rouvrir rapidement grâce à un don anonyme. Cette fois, la directrice générale du Centre craint de ne pas pouvoir éviter la fermeture temporaire.
« Je risque d'entendre parler de gens qui se sont suicidés parce qu'ils ne veulent pas aller à l'hôpital », avance Dominique Bouchard. « [Il pourrait y avoir] même des incarcérations, des gens qui vont aller jusqu'à faire des vols pour se faire incarcérer [en se disant] : "au moins, [...] je suis nourri, logé" », se désole-t-elle.
Bien des habitués du Centre, comme Mario Boulay, s'inquiètent. Si l'organisme ferme temporairement, ses usagers devront poursuivre la bataille contre les dépendances par eux-mêmes, ce qui ne s'annonce pas évident.
Le centre Accalmie, on en a besoin en région. C'est un service essentiel... pour moi en tout cas.