La route de la soie, le vertigineux mégaprojet de la Chine

Le président Xi Jinping souhaite ressusciter la Route de la soie et ainsi relancer son économie.
Photo : Radio-Canada/Yvan Côté
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il y a trois ans, le président chinois, Xi Jinping, annonçait qu'il voulait ressusciter la légendaire route de la soie. Un projet titanesque qui consiste à construire des centaines de routes, de ponts et de chemins de fer pour relier la Chine à l'Europe. Un nouveau modèle économique qui vise aussi à maintenir la position de la Chine comme superpuissance économique.
C'est l'une des routes les plus mythiques de l'histoire de l'humanité. Voie de prédilection des caravanes de marchands d'épices, de pierres précieuses et de tissus de toutes sortes, la route de la soie a contribué à la richesse et à la puissance de la Chine il y a plus de 2000 ans.
Pas étonnant que les autorités chinoises veuillent maintenant la faire revivre. Confronté à une économie léthargique qui en inquiète plus d'un, Pékin croit que la renaissance de la route de la soie pourra relancer son économie et consolider sa position comme première puissance économique mondiale. Un projet qui fait déjà saliver les commerçants sur le trajet.

Le paysage aride se métamorphose avec la construction de viaducs et de tunnels.
Photo : Radio-Canada/Yvan Côté
« La Chine est notre deuxième domicile, soutient Syed Fatja, un bijoutier pakistanais qui s'est installé à la frontière avec la Chine. On aime, que dis-je, on adore la Chine, et nous sommes heureux d'être un partenaire. Tout le monde pourra profiter des retombées. »
La nouvelle route de la soie, ou plutôt les nouvelles routes de la soie, puisqu'il y en aura plusieurs, parcourront plus de 6500 kilomètres pour atteindre la Méditerranée. En Chine, le gouvernement parle aussi d'« une ceinture, une route » (One Belt, One Road) pour décrire le projet qui s'échelonnera sur plus de 10 ans.

La nouvelle route de la soie laisse présager un avenir prospère pour les commerçants.
Photo : Radio-Canada/Yvan Côté
Des travaux titanesques
Les travaux ont déjà commencé à la frontière entre le Pakistan, l'Afghanistan et la Chine. Les camions se succèdent depuis des mois sur la seule route de la région, et les projets se multiplient alors que les quelques habitants du Xinjiang cultivent leurs champs, ébahis.
Et pas question de se laisser abattre par les obstacles de la nature pour arriver à destination. Le gouvernement chinois construit de gigantesques viaducs pour relier des montagnes, des tunnels et des barrages hydroélectriques.
Un territoire aride qui est dorénavant en pleine mutation. Des voies ferrées devraient aussi faire leur apparition sous peu dans la région.
« Les barrages hydroélectriques aideront au développement de l'industrie agricole, assure Bo Zhai, un ingénieur. Les fermiers ont besoin d'eau, et on profite de l'occasion pour détourner les rivières. On compte aussi exporter l'électricité vers le Pakistan. »

Des travailleurs regardent une route en construction en Chine.
Photo : Radio-Canada/Yvan Côté
Des investissements estimés à 8000 milliards de dollars
Ces routes de la soie sont le plus important projet du président Xi Jinping et marquent un changement radical dans la politique étrangère de la Chine. Pour la première fois de son histoire, le gouvernement communiste cherche à exporter son modèle de développement.
Comme à son habitude, le régime mise sur des investissements massifs dans les infrastructures, les routes, les ports et les chemins de fer, à domicile et à l'étranger, pour accélérer le développement industriel dans toute la région.

Les travaux s'échelonneront sur plus de 10 ans.
Photo : Radio-Canada/Yvan Côté
L'objectif pour la Chine est d'asseoir son pouvoir économique dans les pays que traversera cette route, et d'ouvrir une voie plus rapide que la maritime pour ses échanges commerciaux.
« Nous avons signé plus de 50 ententes de libre-échange avec autant de pays, dit avec fierté le ministre du Commerce chinois, Shen Danyang. Nous sommes sur la bonne voie. »
Et comme tout le reste, les montants en jeu donnent le vertige. L'État chinois a doté son projet de route de la soie d'un budget initial de 40 milliards de dollars. À cela, il faut ajouter 100 milliards en investissements pour les infrastructures de la part de la Banque asiatique, mise sur pied et contrôlée par Pékin, ainsi qu'une somme de 300 milliards que sont prêtes à investir les banques chinoises.
Des montants astronomiques, mais qui sont loin des 8000 milliards de dollars qui, selon au moins une étude, seraient requis pour une mise à niveau des infrastructures sur l'immense territoire couvert par le projet.

Des hommes discutent, entourés de chameaux.
Photo : Radio-Canada/Yvan Côté
La crédibilité de Xi Jinping
Plusieurs autres facteurs invitent à se demander si ce projet de nouvelles routes de la soie est viable. Jusqu'à présent, la croissance basée sur les infrastructures a bien fonctionné en Chine parce que les autorités étaient en mesure de maîtriser l'environnement politique.
Cela ne sera pas le cas à l'étranger, où l'instabilité, les conflits et la corruption interféreront avec les objectifs.
Qu'importe, le gouvernement chinois y met tout son poids, et Xi Jinping y consent une bonne partie de son prestige. Le projet est bel et bien lancé sans que personne ne puisse prédire s'il sera couronné de succès ou s'il se transformera en un énorme éléphant blanc.