Alcool : une loi du Nouveau-Brunswick est inconstitutionnelle, selon un juge

Plusieurs résidents du N.-B. ont été arrêtés en 2012 pour avoir rapporté trop d'alcool du Québec.
Photo : ICI Radio-Canada/Michèle Brideau
Un juge a rendu un verdict de non-culpabilité, vendredi, dans la cause de Gérard Comeau, qui était accusé d'avoir transporté au Nouveau-Brunswick une trop grande quantité d'alcool acheté dans une autre province.
Gérard Comeau, un résident de Tracadie, a été arrêté en 2012 en possession de 344 bouteilles de bière, de 2 bouteilles de whisky et d'une bouteille de spiritueux. Il rentrait alors de Pointe-à-la-Croix, au Québec.
Une loi provinciale qui remonte à 1928 limite la quantité d'alcool qui peut être importée au Nouveau-Brunswick à une seule bouteille de vin ou de spiritueux, ou à 18 bouteilles de bière.
Le juge Ronald LeBlanc, de la Cour provinciale à Campbellton, a conclu que cette loi est anticonstitutionnelle. Il a pris sa décision après huit mois d'étude du contexte historique de la loi et de la Constitution. En expliquant sa décision, il a souligné plusieurs fois que les Pères de la Confédération, au moment de la fondation du Canada, souhaitaient la libre circulation des biens entre les provinces.

Le juge donne raison à Gérard Comeau, qui était accusé d'avoir importé illégalement de l'alcool du Québec au Nouveau-Brunswick. Karine Godin en discute avec le constitutionnaliste et professeur de droit à l'Université de Moncton, Nicolas Lambert.
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Réagissant à la décision du juge, Gérard Comeau a dit qu'il n'a pas cessé d'acheter de l'alcool au Québec et qu'il va continuer de le faire. Selon son avocat, Mikael Bernard, la décision va forcer le gouvernement à revoir sa loi. Il a ajouté qu'il ne serait pas étonnant que cette cause se rende jusqu'à la Cour suprême du Canada. Nicolas Lambert, constitutionnaliste et professeur de droit à l'Université de Moncton, est convaincu que ce sera le cas.
« Le jugement va certainement aller en appel et à la Cour suprême du Canada parce que ça affecte toutes les provinces et qu'on parle ici de milliards de dollars en droits de monopole d'alcool. Toutes les provinces auront un intérêt à participer au litige. »
Le professeur Lambert qualifie cette loi d'anomalie qui remonte à l'époque de la prohibition.
« Il faudra trouver l'équilibre entre l'objectif cherché par la province, qui est soit la santé, soit la fiscalité, etc., et la Constitution. La Constitution oblige les provinces à permettre la libre circulation des biens dans le Canada », ajoute M. Lambert.
Au cours du procès, qui s'est déroulé l'été dernier, la défense a soutenu que la loi est désuète et inconstitutionnelle. La défense a noté que son client veut rétablir son droit constitutionnel de transporter des biens d'une province à l'autre.
Un haut dirigeant d'Alcool Nouveau-Brunswick, qui a témoigné durant le procès, a expliqué que l'abolition des limites à l'importation d'alcool entraînerait des conséquences dévastatrices sur les revenus de la société de la Couronne.
Avec des informations de Serge Bouchard et de Michèle Brideau