La pharmaceutique Valeant tente de refaire son image

De gauche à droite : Michael Pearson, Howard Schiller et William Ackman comparaissent devant un comité spécial du Sénat américain au sujet du modèle d'affaires de Valeant.
Photo : AP/Manuel Balce Ceneta
Changements imminents au sein du conseil d'administration, baisses éventuelles du prix de médicaments : la pharmaceutique Valeant met les bouchées doubles pour reconquérir la faveur des marchés, des investisseurs et des législateurs.
Après la comparution mercredi, à Washington, de trois de ses dirigeants devant un comité spécial du Sénat américain - qui n'a pas manqué de les malmener - Valeant serait sur le point de nommer de nouveaux administrateurs.
Selon le Wall Street Journal, cinq des administrateurs de Valeant ont consenti à remettre leur démission. À part Joseph Papa, qui deviendra le président du conseil d'administration en plus de prendre la tête de l'entreprise la semaine prochaine, les noms des quatre nouveaux membres ne sont pas encore connus.
Devant le comité spécial du Sénat mercredi, l'investisseur milliardaire William Ackman a promis qu'« une bonne partie du C. A. sera renouvelée ».
M. Ackman siège audit C. A. et le fonds d'investissement spéculatif qu'il dirige a perdu des milliards de dollars en raison des déboires de Valeant.
Des médicaments aux prix exorbitants
William Ackman s'est par ailleurs dit prêt à presser le C. A. de Valeant de réduire les prix de quatre médicaments permettant de sauver des vies.
Car c'est là toute la controverse : Valeant fait l'objet de plusieurs enquêtes au sujet des prix de ses médicaments et de sa relation avec la pharmacie américaine Philidor, spécialisée dans les commandes postales. Valeant a depuis cessé de faire affaire avec Philidor.
Le modèle d'affaires de Valeant consistait à acquérir d'autres entreprises pharmaceutiques, à réduire les dépenses en recherche et en développement et à hausser les prix de certains produits. Durant l'audience, mercredi, les membres du comité spécial du Sénat ont accusé l'entreprise d'avoir abusé des patients dans le but de satisfaire l'appétit des investisseurs de Wall Street.
« Le modèle monopolistique de Valeant se fait aux dépens du vrai monde. »
Le mea culpa de Michael Pearson
Le PDG sortant de Valeant, Michael Pearson, a reconnu que sous sa gouverne l'entreprise s'était montrée « trop agressive » en haussant les prix de certains médicaments.
M. Pearson comparaissait aux côtés de William Ackman et de l'ancien chef de la direction de Valeant, Howard Shiller, qui a été blâmé par Valeant pour « conduite inappropriée », mais qui a refusé de démissionner du conseil d'administration.
Dans son témoignage, Michael Pearson a déclaré que la compagnie avait commis des erreurs.
« Laissez-moi dire simplement que c'était une erreur d'effectuer – et avec le recul je regrette de les avoir effectuées - des transactions pour lesquelles le principe de base était de planifier l'augmentation des prix des médicaments. »
Des versions génériques s'en venaient...
Le PDG de Valeant a expliqué que la compagnie avait décidé d'accroître rapidement les prix de vente de deux médicaments pour le coeur, le Nitropress et l'Isuprel, sitôt après en avoir fait l'acquisition, parce qu'elle avait appris que des versions génériques de ces produits étaient sur le point d'être lancées sur le marché.
« En rétrospective, a poursuivi M. Pearson, Valeant a fort fortement eu recours à cette pratique de l'industrie pharmaceutique qui consiste à augmenter le prix de vente d'un médicament de marque dans les mois précédant la sortie d'une version générique. »
Dans les cas du Nitropress et de l'Isuprel, les prix avaient respectivement été haussés de 212 % et de 525 %, et ce, seulement un an après que ces médicaments soient passés dans le giron de Valeant. Les prix d'autres médicaments avaient bondi, eux de 800 %.
Une nouvelle ère sous Papa
Début mai, Valeant passera entre les mains de Joseph Papa, qui a dirigé pendant une décennie la pharmaceutique irlandaise Perrigo. M. Papa aura fort à faire : jadis la coqueluche des investisseurs, Valeant a vu la valeur de son action chuter de 90 % depuis l'été dernier et la compagnie a cumulé des dettes de 30 milliards de dollars. Si la pharmaceutique ne publie pas d'ici un mois son rapport annuel, elle pourrait se retrouver en défaut de paiement.
Après ce qui est arrivé à Valeant, c'est désormais toute l'industrie pharmaceutique, et particulièrement la manière dont elle fixe les prix de ses produits, qui est sous la loupe des autorités américaines.
Le comité spécial du Sénat, qui a jusqu'ici tenu trois séries d'audiences sur le prix des médicaments, a convoqué les représentants de trois autres compagnies pharmaceutiques.
Le dossier Valeant a aussi rebondi dans la campagne des candidats à la présidence des États-Unis. Ainsi, dans une publicité de campagne partagée sur sa page YouTube, la candidate démocrate Hillary Clinton a promis de demander des comptes à l'entreprise de Laval.
Avec les informations de Philippe-Antoine Saulnier