Québec mise sur le secteur manufacturier « innovant » pour relancer l'économie

Dominique Anglade, ministre de l'Économie du Québec et Pierre Gabriel Côté, PDG d'Investissement Québec
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les entreprises manufacturières qui obtiendront davantage de soutien financier de l'État québécois seront celles qui feront une large part à l'innovation; tel est ce qui ressort du plan d'action stratégique 2016-2019 du gouvernement de Philippe Couillard présenté jeudi.
Ce plan très attendu cible ce que la ministre de l'Économie du Québec, Dominique Anglade, appelle le « manufacturier innovant », c'est-à-dire les entreprises qui accordent une place de choix à la robotisation, l'automatisation et l'essor des technologies.
Québec va consacrer dans les trois années à venir 500 millions de dollars à l'innovation dans le secteur manufacturier, à travers les fonds propres d'Investissement Québec et ceux du Fonds de développement économique.
Ces trois dernières années, 200 millions avaient été investis dans ce secteur précis.
Investissement Québec dispose d'un peu plus d'un milliard de dollars chaque année à « déployer » pour stimuler l'économie, avec du capital de risque injecté souvent dans des projets qui, autrement, « ne verraient pas le jour », résume son PDG, Pierre Gabriel Côté.
Une stratégie en trois volets
Plus précisément, voici ce qui a été déposé jeudi :
- plan stratégique d'Investissement Québec;
- plan stratégique du ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation;
- plan de développement du Centre de recherche industrielle du Québec.
Les [manufacturiers] traditionnels qui viennent nous voir, qui sont toujours venus nous voir avec des partenaires financiers, on va les encourager et les motiver, avec des capitaux plus dédiés, de nous présenter des projets plus audacieux, plus innovants. [...] Donc, ce qui était du traditionnel avant sera converti en innovant.
Selon Dominique Anglade, cette conversion à l'innovation, par de la machinerie plus performante, des nouvelles technologies et des processus manufacturiers plus poussés, ne va pas réduire le nombre d'emplois. Au contraire, dit-elle, on assistera à de la création d'emplois du fait que les entreprises, plus productives, auront réussi à accroître leurs parts de marché.
Toutefois la ministre Anglade est demeurée vague sur les résultats escomptés et les cibles visées par cette stratégie. Elle n'a pu donner aucun objectif chiffré, en termes de création d'emplois reliée à l'application du nouveau plan stratégique. « On n'a pas de chiffres spécifiques » pour l'emploi, a-t-elle convenu.
Un contexte d'essoufflement économique
Ce plan économique est déposé deux ans après l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Philippe Couillard qui se doit de renverser la vapeur dans le contexte économique suivant : la croissance économique du produit intérieur brut (PIB) du Québec oscille autour de 1 % depuis 2014, alors qu'au même moment elle était de 2,5 % en Ontario et de 2,8 % en Colombie-Britannique.
Du côté des emplois, les libéraux avaient promis d'en créer 50 000 par année; dans les faits, le nombre d'emplois générés est en-deçà de 30 000.
En axant ses efforts sur l'innovation manufacturière, Québec dit s'atteler à une tâche importante, car le secteur manufacturier compte 10 000 entreprises et emploie 450 000 personnes dans la province. L'activité manufacturière représente 14 % du produit intérieur brut (PIB) du Québec. En 2000, c'était 21 %. Le recul est donc important.
Dominique Anglade affirme que le plan qui est présenté vient concrétiser différentes initiatives entreprises par le gouvernement, notamment celles de la stratégie maritime et du Plan Nord.
Un virage client chez Investissement Québec
La ministre Anglade affirme en outre que ce plan est destiné à accroître les transformations chez Investissement Québec afin qu'on y soit plus « proactif sur le terrain, afin de démarcher de nouveaux projets ».
Pierre Gabriel Côté, un industriel au passé d'homme d'affaires, affirme avoir commencé à changer « la culture et le style » d'Investissement Québec, qu'il dirige depuis un an. « Ce sont les besoins de nos clients qui nous ont fait agir dans ce sens-là », explique-t-il.
M. Côté explique qu'il est dans la nature d'Investissement Québec d'avoir du « capital patient ». « On prend plus de risques », dit-il. Mais à lui seul, Investissement Québec ne peut relancer l'économie et, à ce chapitre, « là où le bât blesse, c'est dans les investissements privés, affirme Pierre Gabriel Côté. Il y a beaucoup de retenue à sortir les capitaux des entreprises pour investir ».
Des louanges et des critiques
Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) approuve la stratégie élaborée par Québec. « Nous attendons maintenant le dévoilement des différentes initiatives, qui seront communiquées par le gouvernement au cours des prochains mois, notamment en matière d'exportations et de stratégie numérique », a déclaré Yves-Thomas Dorval, PDG du CPQ.
Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, y va aussi d'une réaction favorable tout en soulignant que « les indicateurs continuent de révéler que nos entreprises sous-investissent, et cela se traduit par un retard structurel en matière de productivité ». M. Leblanc affirme que le secteur manufacturier doit accroître sa productivité en se modernisant, mais aussi en développant de nouveaux modèles d'affaires.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) accueille favorablement la nouvelle approche préconisée par Investissement Québec.
« Il est important de donner un coup de pouce à nos manufacturiers pour qu'ils puissent profiter pleinement du contexte économique favorable lié notamment au rythme de croissance de l'économie américaine, à la faiblesse du dollar canadien, aux prix avantageux de l'énergie et au potentiel des nouveaux accords de libre-échange », a commenté Martine Hébert, vice-présidente principale de la FCEI.
Du côté de l'opposition, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, dit avoir lu le document à deux reprises et a déploré n'y avoir trouvé « aucun objectif, aucune cible ».
Avec les informations de Gérald Fillion
Avec les informations de La Presse canadienne