Rapport : la fracturation hydraulique cause presque tous les séismes en Alberta et en C.-B.

La fracturation hydraulique
Photo : Brennan Linsley/The Associated Press
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Entre 90 et 95 % des tremblements de terre de magnitude 3 ou plus survenus ces 5 dernières années dans le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien sont causés par les activités entourant la fracturation hydraulique, selon un rapport publié dans le journal scientifique Seismological Research Letters (Nouvelle fenêtre)(en anglais).
L'équipe de scientifiques composée de 13 chercheurs a étudié les activités sismiques du bassin entre 1985 et 2015 sur une zone de 454 000 kilomètres carrés recouvrant 12 289 puits de fracturation hydraulique ainsi que 236 puits d'évacuation des eaux usées générées par la fracturation hydraulique.
Plus de 60 % des tremblements de terre sont directement liés à la fracturation et 30 à 35 % aux puits d'évacuation des eaux usées, selon Gail M. Atkinson, chercheuse principale de l'étude et professeure à l'Université de Western Ontario. Les 5 à 10 % restants ont été attribués à la tectonique naturelle des plaques.
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« Avec cette étude, on ne peut plus nier le lien entre séismes et fracturation hydraulique », commente Honn Kao, coauteur et scientifique établi en Colombie-Britannique pour l'agence fédérale Ressources naturelles Canada.
« On en sait beaucoup plus sur les activités sismiques provoquées qu'il y a quatre ans lorsque l'on a lancé notre projet de recherche. Mais il reste encore beaucoup à faire pour comprendre tout le phénomène », ajoute-t-il.
Qu'est-ce que la fracturation hydraulique? Il s'agit d'une technique d'extraction du gaz et du pétrole de schiste par injection d'eau (mélangée à des produits) à haute pression sous terre, au-delà des nappes phréatiques, afin de libérer le gaz et le pétrole enfermés dans les roches. Selon une étude de la Bibliothèque du Parlement (Nouvelle fenêtre) datant de 2015, 50 à 80 % des fluides de fracturation retournent à la surface en passant par les puits d'évacuation des eaux usées.
Gail M. Atkinson souligne que la plupart des séismes provoqués par les activités de fracturation hydraulique surviennent à quelques kilomètres des sites de forage, la plupart du temps dans des zones reculées, ce qui ne pose pas de risque pour les Albertains et les Britanno-Colombiens vivant dans les villes.
Aux États-Unis, 7 millions de résidents menacés
Au sud de la frontière, en revanche, près de sept millions d'Américains vivent sous la menace de tremblements de terre à cause de la fracturation hydraulique, révèle un rapport publié simultanément du United States Geological Survey (USGS) (Nouvelle fenêtre), l'institut américain de géophysique.
Les résidents de l'Oklahoma, du Kansas, du Texas, du Colorado, du Nouveau-Mexique et de l'Arkansas sont les plus exposés, a précisé l'organisme qui publie pour la première fois une carte des risques sismiques résultant de l'activité humaine. Auparavant, seuls les séismes naturels étaient concernés par les prévisions.

La fracturation hydraulique a rendu l'Oklahoma aussi vulnérable que la Californie située sur une importante faille sismique.
Photo : USGS
Contrairement au Canada où c'est la fracturation de la roche qui est surtout montrée du doigt, aux États-Unis, les géologues estiment que c'est la gestion des eaux polluées qui est en cause. Les déchets toxiques injectés en profondeur dans le sous-sol augmentent la pression sur des failles souterraines déjà existantes et provoquent ces secousses sismiques, affirment les chercheurs du USGS.
Une théorie tout à fait plausible pour Gail M. Atkinson, qui explique que les Américains utilisent « des quantités d'eau bien plus importantes » qu'au Canada pour extraire pétrole et gaz de schiste, conduisant ainsi à plus d'eaux usées et plus de puits d'évacuation.
Des risques pour les ponts et barrages
La scientifique et son équipe souhaitent à présent affiner leur rapport en incluant des informations sur les procédures d'extraction et les conditions géologiques précises de chaque site de forage pour comprendre « pourquoi certaines zones sont plus enclines à subir des tremblements de terre que d'autres ».
En attendant, elle espère que ses conclusions permettront de recalculer le risque sismique dans le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien, ce qui pourrait conduire les autorités à revoir les normes de construction ou encore les codes de sécurité pour certaines infrastructures critiques comme les ponts ou les barrages.
Des milliers de puits sont forés chaque année dans le bassin, rappelle Gail M. Atkinson. « Nous n'avons pas encore eu de séisme majeur à proximité d'une infrastructure vulnérable, mais c'est juste une question de temps », conclut-elle.