Air Canada pourra délocaliser une partie de sa maintenance

Un avion d'Air Canada
Photo : PC/Andrew Vaughan
Le gouvernement fédéral a déposé jeudi un projet de loi pour modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, qui permettra au transporteur aérien de changer comme il le souhaite toutes ses obligations en matière d'entretien.
La loi, qui est en vigueur depuis 1988, oblige Air Canada à effectuer l'entretien de ses avions au Québec, en Ontario et au Manitoba.
Le projet de loi prévoit le maintien des activités d'entretien au pays, mais donne à Air Canada la possibilité de modifier le type d'entretien et le volume de ses activités dans chaque province, ce qui permet à l'entreprise de délocaliser la majorité de ses activités d'entretien.
Le ministre des Transports Marc Garneau affirme que les modifications proposées doivent permettre à l'entreprise de rester concurrentielle. « Les modifications déposées [jeudi] sont fondées sur une démarche équilibrée qui appuiera la création d'emplois en aérospatiale partout au pays », affirme le ministre.
« Il est important d'offrir aux transporteurs aériens des chances égales de se faire concurrence dans un secteur aérien en évolution. »
Projet de loi contesté
Le projet de loi a provoqué le mécontentement dans les milieux syndical et politique.
L'ancien représentant du syndicat de la compagnie Aveos, Jean Poirier, refuse d'abandonner la cause des travailleurs qui ont perdu leur emploi et entend poursuivre ses démarches contre Air Canada.
Pour lui, cet amendement à la loi équivaut à tout simplement à la suppression de la protection des emplois au Canada. « Tant qu'à sortir quelque chose comme ça, on est aussi bien ne rien sortir. On ne donne aucune obligation à Air Canada. [...] On leur donne vraiment carte blanche », dit M. Poirier.
« On a 2300 travailleurs qui travaillent toujours chez Air Canada pour la maintenance. [...] Air Canada pourrait dire demain matin : ''on va sous-traiter nos services de maintenance pour se débarrasser de ces employés-là. '' »
Jean Poirier, qui dit travailler avec toute une équipe d'avocats, souhaite avoir des réponses de l'entreprise sur les services d'entretien hors Canada, notamment en matière de sécurité aérienne. « Moi, ça me prend huit ans avant d'être certifié sur un avion », rappelle-t-il.
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, affirme que le gouvernement modifie le projet de loi pour permettre à Air Canada de s'en tirer, malgré le fait qu'elle n'ait pas respecté ses obligations en matière d'entretien.
« La loi n'a pas à être clarifiée, elle doit être appliquée et respectée. »
Thomas Mulcair reste catégorique. « Ils ont enfreint la loi et détruit des milliers de bons emplois. Ils ont jeté des familles à la rue. Comment peuvent-ils dormir en laissant les riches et les puissants impunis? », dit-il.
Le chef intérimaire du Bloc québécois, Rhéal Fortin, s'inquiète aussi pour des emplois qui pourraient être perdus au Québec. « De ce que j'en ai compris [...] il pourrait y avoir des entretiens qui se font en Chine dans la mesure où il y a deux ou trois avions par année qui se font [entretenir au Canada]. On fait le changement d'huile à Montréal, on fait le plein à Winnipeg. Voilà, nos obligations sont satisfaites », dit-il.
La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) accuse pour sa part le gouvernement de céder devant Air Canada. Le syndicat affirme que le transporteur aérien veut exporter ces emplois québécois à l'étranger.
Le premier ministre Justin Trudeau a quant à lui minimisé l'impact de ce projet de loi.
« On continue de défendre la loi Air Canada en spécifiant que le travail se doit d'être fait au Manitoba, en Ontario et au Québec, on est en train de protéger des emplois pour les Canadiens. »
La ministre québécoise de l'Économie, Dominique Anglade, affirme de son côté que l'amendement présenté ne change rien aux plans du Québec. « Nous, ce qu'on a dit, c'est qu'on souhaitait qu'il y ait de l'investissement au niveau du fédéral dans Bombardier et que nous voulions avoir un centre d'excellence avec Air Canada ici à Montréal pour la C Series. Donc l'important, pour nous, c'est ça », soutient-elle.
Un climat propice, selon Ottawa
Le gouvernement fédéral affirme que les nouveaux développements dans le litige impliquant Air Canada, le Québec et le Manitoba créent un contexte propice à la modernisation de la loi.
Les syndicats des travailleurs dans le secteur de l'aéronautique et les provinces concernées soutiennent qu'Air Canada a enfreint la loi quand elle a créé l'entreprise privée Aveos pour s'occuper de l'entretien de ses avions.
Air Canada a ensuite transféré ses activités d'entretien à l'extérieur du pays, ce qui a forcé la fermeture d'Aveos en 2012 et entraîné la perte de 2600 emplois, dont 1800 au Québec.
L'affaire qui a été portée devant les tribunaux avait donné raison à Québec en 2013 qui a intenté une poursuite contre Air Canada. Le jugement a été confirmé par la Cour d'appel en novembre dernier et devait être porté en Cour suprême.
Le gouvernement du Québec a cependant décidé de suspendre sa poursuite le 17 février dernier lorsqu'Air Canada a annoncé son intention d'acheter 45 avions de la C Series et d'en confier l'entretien à un centre basé à Montréal pendant 20 ans. Selon Québec, cette entente doit créer 1000 emplois dans le secteur de l'industrie aérospatiale.
Air Canada s'est aussi engagée à contribuer à l'établissement de centres d'excellence en entretien d'aéronefs au Québec et au Manitoba.
Le Manitoba a aussi consenti à abandonner sa poursuite en raison de la création d'un centre de maintenance qui doit créer au moins 150 emplois dans la province dès 2017.
Le ministre Garneau a insisté sur le fait que la situation « avait énormément évolué depuis 2012. » Il dit que les gestes récemment posés par Air Canada poussent le gouvernement à faire confiance à l'entreprise sur sa gestion des activités d'entretien.