Surveillance : le Canada a suspendu le partage d'informations avec ses alliés

Photo : Radio-Canada/Olivier Lalande
Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) a partagé par erreur des métadonnées mal protégées à ses alliés. En conséquence, le Canada a suspendu la transmission de ces informations jusqu'à nouvel ordre pour protéger la vie privée des Canadiens.
Dans son rapport annuel, le commissaire Jean-Pierre Plouffe souligne que le CST n'a pas « minimisé » de manière adéquate l'information sur l'identité de Canadiens contenue dans certaines métadonnées avant de la partager à ses alliés. « La minimisation est le processus en vertu duquel l'information sur l'identité canadienne que renferment les métadonnées est rendue non identifiable avant d'être communiquée. »
Le CST a donc suspendu jusqu'à nouvel ordre le partage de ce type d'information avec ses partenaires de la « Collectivité des cinq » (ou Five Eyes, en anglais), soit les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, a dit que « le CST ne recommencera pas à partager cette information tant que je ne suis pas certain que les mesures et systèmes appropriés soient en place ».
Problème identifié en 2013
Le problème a été identifié en 2013, mais ce n'est qu'aujourd'hui que le public en est informé. Lorsqu'on lui a demandé si le problème a été dissimulé par le précédent gouvernement conservateur, M. Sajjan n'a pas voulu s'avancer.
Le gouvernement n'est pas en mesure de dire combien de Canadiens sont potentiellement touchés par cette erreur et combien de temps elle a duré. Il ne peut pas garantir non plus que ces métadonnées n'ont pas été transmises à des tiers par les alliés du Canada.
Qu'est-ce qu'une métadonnée?
On entend par métadonnées l'information associée à une communication qui est utilisée pour identifier, décrire, gérer ou acheminer cette communication. Elles englobent, sans pour autant s'y limiter, un numéro de téléphone, une adresse de courriel ou une adresse de protocole Internet (IP) ainsi que de l'information concernant un réseau et la géolocalisation. Les métadonnées ne comprennent pas le contenu d'une communication.
Source: Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications.
Le ministre de la Défense rassurant
Le ministre de la Défense nationale assure que l'information partagée ne contenait ni noms ni suffisamment d'information pour identifier des individus.
À titre d'exemple, elles ne comprennent pas le contenu de courriels, d'appels téléphoniques ou de messages textes. Il ajoute qu'avec les mesures existantes, les conséquences sur la protection de la vie privée sont faibles.
Le gouvernement assure que de toute façon, les alliés du Canada ont l'obligation de lui demander la permission pour utiliser ces informations.
Réserves
Stéphane Leman-Langlois, professeur agrégé à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval, exprime des réserves.
Cette information de Canadiens est rendue où, là? Je ne sais pas, ça pourrait aller vraiment loin.
Selon M.Leman-Langlois, il est très connu que l'Agence de sécurité nationale (NSA), aux États-Unis « partage, en gros, [des informations] avec les services secrets israéliens et avec une douzaine d'autres partenaires dans le monde ».
Il ajoute que les métadonnées peuvent être très révélatrices. « On peut, avec ça, faire un réseautage social en profondeur et découvrir très facilement qui est ami avec qui [...], combien de fois dans la journée ces personnes-là se parlent. On peut faire énormément de choses avec les métadonnées », explique-t-il.
Une réforme à venir
Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a tenu à rappeler aujourd'hui que le gouvernement planche sur un nouvel encadrement des agences responsables de la sécurité nationale.
Il veut notamment mettre en place un nouveau mécanisme de surveillance parlementaire pour superviser leurs activités.