8 conseils pour écrire un bon récit

Photo : iStock
Ce n'est pas tant la technique, ni le caractère extraordinaire des faits racontés qui font les bonnes histoires, mais plutôt le regard porté sur un événement. Vous avez une histoire vécue à raconter? Mettez toutes les chances de votre côté en suivant les conseils d'anciens lecteurs qui ont lu par le passé les textes soumis au Prix du récit Radio-Canada à la recherche de la perle rare.
À FAIRE
Conseil no 1 : Éviter l'autoanalyse, la confession et le déversement des sentiments. Tout événement peut devenir un récit. Ce n'est pas la charge émotive de l'expérience qui fera un bon récit, mais plutôt la singularité du regard que l'on porte sur cet événement, et la musique qui en découle. (Laure Morali)
Conseil no 2 : Laisser décanter son texte, lui donner du temps, pour avoir du recul. Une histoire qui veut vivre s'impose. À ce moment, elle peut être racontée. Toutefois, il est bon de se demander pourquoi on veut écrire ce texte. L'écriture appartient à tout le monde. Tous les textes ont-ils cependant besoin d'être racontés? Connaître l'intention derrière son texte est peut-être aussi important que l'écriture du texte elle-même. (Philippe Garon)
À ÉVITER
Piège no 1 : Mettre de soi dans l'écriture d'un récit ne signifie pas forcément se livrer. Cela peut vouloir dire que l'on donne au texte la couleur d'une voix, avec son humour, sa dérision, sa légèreté, sa profondeur, sa naïveté, sa fantaisie, son étrangeté ou encore sa gravité. (Laure Morali)
Piège no 2 : Tomber dans le piège de vouloir trop bien écrire. Il faut éviter d'utiliser des verbes recherchés et d'abuser des métaphores et des artifices de la forme et de la ponctuation. Il est aussi très facile dans un récit de rester centré sur soi, de transformer le texte en une confession, en une séance thérapeutique ou en un monologue égocentrique. Écrire pour un lecteur, pour un public, exige que l'on sorte de soi-même, que l'on prenne une certaine distance par rapport à l'événement ou l'expérience qu'on tente de mettre en mots. (Yara El-Ghadban)
COMMENT SE DÉMARQUER?
- Un texte se démarque lorsque l'on voit apparaître, en quelques pages, un monde, un espace-temps, une couleur, un regard, une sensibilité, une histoire, une relation à l'autre, le grain d'une voix, et lorsque tout cela tient ensemble d'une façon à la fois harmonieuse et vertigineuse — comme un monde en équilibre au bord du monde. Le récit a créé une ouverture en soi par où passe une nouvelle lumière. Un chant nous poursuit, la trace d'une écriture et le charme d'une rencontre. Quelque chose a changé : notre propre regard. (Laure Morali)
- Par la présence. Quand je sens qu'il y a vraiment quelqu'un dans le texte que je suis en train de lire et que je suis content de rencontrer cette personne. (Philippe Garon)
- Je me dis souvent que la question qu'il faut se poser n'est pas de savoir si l'on a quelque chose à dire, mais plutôt si d'autres gagneraient à l'entendre. J'aime les textes où la réponse est manifestement « oui », qui ont un point de vue qui apporte quelque chose à la grande conversation. S'ils m'incitent à réfléchir, tant mieux. (Anne Molgat)
- Comme n'importe quel lecteur, je cherche à être émue, je cherche la main tendue vers l'autre et qui l'invite dans son univers. Je suis particulièrement touchée par ces liens irréductibles qui nous attachent les uns aux autres par-delà nos différences d'âge, d'origine, de classe, d'orientation sexuelle... Je cherche le dépassement de soi, des petites angoisses et du nombrilisme que ces expériences nous permettent de constater et de surmonter. (Yara El-Ghadban)
« »
Laure Morali est née en France en 1972. Auteure des récits La mer à la porte (La Part commune, 2001), Traversée de l'Amérique dans les yeux d'un papillon (Mémoire d'encrier, 2010), Comment va le monde avec toi (Publie.net, 2013) et La route des vents (La Part commune, 2002, augmenté en 2015), elle a également fait paraître les recueils de poèmes La terre cet animal (Mémoire d'encrier, 2003/La Part commune, 2004) et Orange sanguine (Mémoire d'encrier, 2014/La passe du vent, 2015). D'un livre à l'autre se tisse une longue histoire de nomadisme portée par la même voix. Sensible à la parole des autres, elle a réalisé les films documentaires Les filles de Shimun et L'ours et moi (un portrait de l'écrivain N. Scott Momaday). À Montréal depuis 2002, Laure Morali trace des chemins entre ses différentes familles de cœur et réunit, dans des anthologies parues aux éditions Mémoire d'encrier (Aimititau! Parlons-nous!, 2008; Les bruits du monde, 2012), des auteurs amérindiens, québécois, français, haïtiens... Elle anime des ateliers d'écriture (Mingan mon village, poèmes d'écoliers innus, illustrés par Rogé, éditions de la Bagnole, 2012). Elle a été finaliste pour le Prix de la nouvelle Radio-Canada en 2014 et figurait sur la liste préliminaire de poésie en 2006. Son site : lauremorali.net
Philippe Garon est né en 1974 à Sainte-Anne-des-Monts et vit à Bonaventure. Il aime les arbres, la philosophie et la soupe aux légumes. Son premier récit, Salut, mon frère!, est paru aux éditions Vents d'Ouest en 2004. Il a participé au Festival en chanson de Petite-Vallée dans la catégorie parolier en 2010. Les éditions Perce-Neige ont publié son deuxième ouvrage, Ton dictionnaire du bout de la terre, en 2011. La troupe Trace Théâtre a présenté sa première pièce, intitulée Jeanne en crépuscule, en 2013. Son oeuvre multidisciplinaire CR!ONS comprend un album de chansons créées avec un collectif de musiciens, un spectacle mis en scène par Michel Faubert ainsi qu'un recueil de poésie à paraître aux éditions Perce-Neige. Conteur à ses heures, il travaille également à l'écriture d'un premier roman jeunesse.
Yara El-Ghadban est romancière, anthropologue et musicienne. D'origine palestinienne, elle s'établit à Montréal en 1989 après un long parcours de migration : Dubaï, Buenos Aires, Beyrouth, Sanaa et Londres. C'est dans le croisement de ses recherches menées à la fois au Québec, dans le monde arabe et plus récemment en Afrique du Sud, de son imaginaire d'écrivain et de son rapport intime au Québec comme Montréalaise issue d'une famille palestinienne qu'elle réfléchit et écrit. Passionnée de littérature, elle a publié son premier roman L'ombre de l'olivier aux éditions Mémoire d'encrier en 2011. Elle a également codirigé l'essai Le Québec, la charte, l'autre. Et après? paru aux éditions Mémoire d'encrier en 2014. Le parfum de Nour, son deuxième roman, est paru en septembre 2015.
Anne Molgat a retrouvé son Manitoba natal en 2004, après de nombreuses années de rédaction et de révision à la pige à Ottawa et à Toronto, surtout pour des organismes communautaires et sans but lucratif. Elle a été pendant 10 ans à la direction des Éditions du Blé, à Saint-Boniface.