L’avenir des ours polaires à l’heure de la conférence Paris climat 2015
Alors que l'impact du réchauffement mondial sur les ours polaires n'est pas encore pleinement compris, un scientifique expert dans le domaine des ours de l'Arctique craint que les cibles environnementales des gouvernements mondiaux ne soient pas assez sévères pour sauver cet animal emblématique
Alors que l'impact du réchauffement mondial sur les ours polaires n'est pas encore pleinement compris, un scientifique expert dans le domaine des ours de l'Arctique craint que les cibles environnementales des gouvernements mondiaux ne soient pas assez sévères pour sauver cet animal emblématique
À deux pas de la ville manitobaine de Churchill, situé le long de la baie d'Hudson, se trouve une zone litière qui est le point de ralliement annuel de quelques douzaines d'ours blancs.
À l'heure actuelle, ces carnivores terrestres font les cent pas en attendant que la baie soit recouverte de glace, ce qui leur permettra de partir à la chasse au phoque annelé, leur principale source de nourriture. La plupart d'entre eux n'auront pas eu le ventre plein depuis la fonte en juillet.
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Normalement, la formation de glace sur la baie d'Hudson commence plus tôt que sur d'autres masses d'eau – soit vers la fin-octobre – en raison de sa faible salinité. Selon Environnement Canada, la faible teneur en sel augmente le point de congélation de l'eau de la baie et fait en sorte qu'elle soit recouverte de glace pendant la majeure partie de l'année.
Toutefois, Geoff York, scientifique et directeur principal du groupe de conservation Polar Bears International (PBI), rapporte que la température à la surface de la baie d'Hudson a augmenté de 3 degrés Celsius au cours des vingt dernières années.
Les scientifiques de PBI ont identifié une forte corrélation entre la hausse de température, le déclin des ours blancs et la diminution de la glace dans l'ouest de la baie d'Hudson, qui fond en moyenne sept à huit jours plus tôt tous les dix ans.
« Au cours des deux dernières décennies environ, nous avons témoigné d'une diminution de 20 % de la population des ours polaires qui est liée directement aux changements climatiques », constate le biologiste américain.
M. York explique que lorsque la glace tarde à se former, les ours polaires de l'ouest de la baie d'Hudson doivent rester sur la rive, où ils ne mangeront pas jusqu'à leur retour sur la glace. Une période plus longue passée sur la rive augmente la perte de poids, la détérioration physique, et entraîne une diminution du taux de reproduction chez ces animaux emblématiques, dit-il.
Un cancer de stade 2
Selon M. York, l'issu de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se déroule jusqu'au 11 décembre en banlieue de Paris, sera d'une énorme importance au Nord manitobain.
Le résultat attendu à Paris est un accord global qui limiterait le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius au-dessus de l'ère préindustrielle. Ce seuil permettrait d'éviter les conséquences les plus graves.
Pourtant, en examinant les solutions qu'apportent les pays membres à la table de négociations, le scientifique ne se fait pas d'illusions.
« Ça ne suffira pas. Même si nous tenons pour acquis le consensus et la réussite des mesures proposées, les températures augmenteront quand même de 3,2 à 3,5 degrés Celsius. »
Même son de cloche chez le ministre canadien des Affaires étrangères, Stéphane Dion, qui estime que peu importe la teneur de l'accord conclu à Paris, il ne permettra pas de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius, contrairement à ce pense la France.
« On aurait un réchauffement de la planète qui irait à 3 ou 4 degrés Celsius, ou plus, si on ne faisait rien. Parce qu'on fait des efforts, on est rendu selon les Nations unies à 2,7. Ce n'est pas assez, parce que les scientifiques nous demandent de limiter le réchauffement à 2 degrés. Déjà, 2 degrés, c'est un monde difficile, mais au-delà, c'est un monde qui bascule ce vers quoi on ne veut pas connaître », a affirmé le ministre Dion en point de presse à Manille, aux Philippines, le 18 novembre, dans le cadre du Forum de la coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC).
Le ministre Dion partage la vision du président américain Barack Obama, qui a comparé le réchauffement climatique à un cancer de stade 2. Pour lui, une entente à Paris serait un premier pas dans la bonne direction.
Un pessimisme rassurant
L'expert des ours polaires Geoff York trouve encourageant le pessimisme des propos de Stéphane Dion.
« Nous entendons enfin des leaders des plus grands pays du monde qui reconnaissent la gravité du problème qui nous menace tous », souligne-t-il.
La conférence de Paris sur les changements climatiques se déroule du 30 novembre au 11 décembre 2015.
D'après le reportage du journaliste Cameron MacIntosh.