Le Québec doit sauver les réfugiés syriens de la barbarie, affirme Philippe Couillard

Le premier ministre Philippe Couillard, à l'Assemblée nationale du Québec
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Le premier ministre du Québec ne remet pas en question l'objectif d'Ottawa de recevoir au pays 25 000 réfugiés d'ici le 31 décembre.
« Dès que possible, ces gens doivent arriver chez nous, dans l'ordre et sans compromis », a déclaré Philippe Couillard à l'Assemblée nationale mardi, en ajoutant qu'il s'engage « au nom du Québec, à sauver ces réfugiés de la barbarie ».
Le premier ministre du Québec reconnaît que l'objectif du premier ministre Justin Trudeau est « exigeant », aussi attend-il du fédéral qu'il précise comment il entend y arriver.
« C'est un objectif qui est exigeant, c'est leur objectif, c'est à eux de le mettre en place. Je m'attends à ce qu'il dépose au cours des prochains jours leur plan et qu'ils coordonnent tout ça, d'abord et avant tout avec nous, les provinces et notamment les grandes municipalités. Mais nous, on va être prêts à agir avec eux [...]. »
Le Québec s'est déjà engagé à accueillir 3600 réfugiés pour lesquels « le processus est déjà en cours », a réitéré le premier ministre. Mais les intentions du gouvernement canadien d'aller jusqu'à 25 000, à l'échelle du pays, feront en sorte que la part du Québec ira au-delà de ce que la province avait initialement prévu.
« On est prêts à faire notre part, a dit Philippe Couillard et que ce soit fait, bien sûr, avec le soutien du gouvernement fédéral, notamment sur le plan des ressources. »
Pas question de couper court
Bien que le premier ministre Couillard fasse part de la bonne volonté de son gouvernement à aider le fédéral dans son entreprise, il n'est pas question pour le Québec de « couper court aux vérifications sécuritaires ».
« La question de la sécurité ne peut être omise. Les vérifications doivent être faites. Oui il y a une certaine urgence : ces gens-là sont dans des camps de réfugiés. L'hiver approche, ça va être des conditions très difficiles pour ces familles dans des camps de réfugiés, il y a une certaine urgence à accélérer leur arrivée au pays et par la suite leur intégration dans notre société. »
En après-midi, mardi, les députés de l'Assemblée nationale ont observé une minute de silence en mémoire des victimes des attaques perpétrées à Paris.
La quasi-totalité des députés a aussi adopté une motion voulant notamment que l'Assemblée nationale :
- exprime toute sa solidarité et sa générosité d'accueil à l'égard des réfugiés qui actuellement sont les victimes de la barbarie en Syrie;
- prenne acte des inquiétudes légitimes exprimées par la population, de même que par de nombreux élus municipaux et provinciaux, concernant les enjeux liés à la sécurité et à la capacité d'accueil des réfugiés syriens;
- demande au gouvernement fédéral de dévoiler son plan et ses échéanciers pour recevoir au pays les 25 000 réfugiés, tel que promis, et qu'il assure les provinces que les ressources adéquates seront disponibles;
- demande au gouvernement fédéral de prendre le temps requis afin de s'assurer de la mise en place des mesures de sécurité et d'accueil appropriés;
- demande au gouvernement du Canada de travailler en étroite collaboration avec les provinces dans le respect des compétences de chacun. »
Au secours « des enfants de la guerre »
L'adoption de la motion a été suivie d'un débat d'urgence à l'Assemblée nationale sur l'accueil des réfugiés syriens, comme le PQ l'avait demandé lundi.
Le ministre de l'Éducation François Blais a expliqué que des 3650 Syriens qui sont attendus au Québec dans les semaines à venir, il y a parmi eux 800 enfants. Ces derniers sont, depuis 3 ans et demi, « des enfants de la guerre ».
« Leurs écoles ont été détruites ou occupées et ils ont été témoins des pires atrocités qu'on puisse imaginer. »
Au départ, Québec avait consenti à accueillir 1200 réfugiés syriens. Le 7 septembre, le gouvernement de Philippe Couillard a décidé d'en accueillir 2450 de plus.
« Les coûts associés à l'accueil et à l'intégration des 2450 additionnels ont été évalués à 29 millions de dollars [...] et ces sommes sont disponibles dans les budgets des ministères concernés », a expliqué la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Kathleen Weil.
« Il faut comprendre et imaginer le visage de ces personnes qui sont destinées au Québec. Elles sont dans des camps de réfugiés pour ce qui est de la Jordanie et de la Turquie [...] c'est des personnes qui sont dans des situations de grande vulnérabilité. »
« Nous n'accepterons aucun compromis sur les vérifications de réfugiés syriens, a aussi déclaré la ministre Weil. Il faut prendre le temps de bien faire les choses. »
Le PQ et la CAQ critiquent l'action gouvernementale
Mais selon le député péquiste de Bourget, Maka Kotto, qui dit avoir lui-même pu mesurer la capacité du Québec comme terre d'accueil, la ministre Weil « ne gère rien malgré la gravité du moment ». Il déplore que l'état actuel des discussions fasse l'effet qu'il y ait une « partie de ping-pong entre le fédéral et le Québec », l'un attendant après l'autre pour décider de la suite des choses.
« Nous avons le droit de remettre en question les actions du gouvernement sans se faire traiter de xénophobes. »
Aux yeux de Nathalie Roy, députée de Montarville pour la CAQ, « le Québec a une responsabilité humanitaire qu'il doit assumer, mais pas dans la précipitation ».
Elle souligne qu'au sein du gouvernement de Philippe Couillard, les ministres de l'Immigration, des Affaires municipales et de la Sécurité publique ont dit que l'objectif du fédéral d'accueillir 25 000 Syriens d'ici le 31 décembre était « irréaliste ». « Saluons leur bon jugement », a-t-elle affirmé.
« On n'a pas encore de réponses précises. Quelles seront les ressources et quand les aurons-nous? Il y a un flou qui ne fait qu'accroître les inquiétudes de la population. »
Mme Roy ajoute qu'à son avis, personne ne tiendrait rigueur à Justin Trudeau s'il disait : « On va faire un petit peu plus de temps pour bien faire le travail ».
« Il faut agir rapidement », dit Françoise David
Françoise David de Québec solidaire estime qu'il ne faut pas mêler, dans ce débat, la tragédie que représentent les attentats de Paris avec l'accueil de quelques milliers de réfugiés, « accueil annoncé depuis septembre, réitéré par le nouveau gouvernement fédéral, accueil en train de s'organiser ».
Qu'il y ait de la confusion et qu'on ne connaisse pas l'ensemble des plans, Mme David dit le reconnaître.
« Je suggère qu'on ne fasse pas de liens directs entre les attentats de Paris et l'accueil des réfugiés puisqu'on n'avait pas plus de plan la semaine dernière au niveau fédéral que cette semaine. Et pourtant, la semaine dernière, il n'y avait personne ici ou à peu près qui posait des questions là-dessus. [...] L'hiver commence ici. L'hiver commence là-bas. Il n'y a aucune raison de prendre notre temps. Il faut agir rapidement. »
Selon Mme David, les préoccupations entourant la sécurité ne doivent pas être exagérées, car les réfugiés, dit-elle, font l'objet d'amples vérifications. « Quelqu'un qui voudrait entrer au Canada avec de mauvaises intentions ne choisirait pas la filière "réfugiés" », dit la députée de Gouin.