Le déversement d'eaux usées à Montréal est en cours

Le déversement d'eaux usées aura lieu.
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La Ville de Montréal procède depuis minuit, mercredi, au déversement de huit milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent. Les travaux qui forcent ce rejet devraient durer un maximum de sept jours, mais l'administration Coderre espère que l'opération sera réalisée dans un délai plus court.
Pendant cette période, les eaux usées de 12 arrondissements et 7 villes défusionnées, en tout ou en partie, emprunteront le chemin de l'ancien système d'égout pour se retrouver directement dans le fleuve.
« Il n'y aura pas d'odeurs », a assuré en conférence de presse le maire de Montréal, Denis Coderre.
La purge de l'intercepteur sud-est à réparer, un tuyau de 30 kilomètres qui transporte les eaux usées vers la station d'épuration de la Ville, durera de 18 à 24 heures. Les travailleurs pourront ensuite entrer dans l'intercepteur pour procéder à diverses réparations.
Des inspections ont révélé un état avancé de détérioration. On doit notamment retirer des pièces qui risquent d'abîmer l'intercepteur, et possiblement causer des surverses non prévues, en plus de réaménager la chute à neige Riverside.
Précautions
Pendant les sept jours que dureront les travaux et 48 heures après la fin des déversements, les citoyens ne doivent pas toucher à l'eau du fleuve.
La Ville leur demande aussi de ne pas jeter d'objets dans les toilettes et les égouts, comme des cigarettes, des tampons, des serviettes humides, des condoms, etc. On demande également aux Montréalais de réduire leur consommation d'eau, en limitant par exemple le nombre de lessives, et d'utiliser des produits biodégradables.
Arrondissements et villes dont les eaux usées vont se déverser directement dans le fleuve :
Anjou (40 %), Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (50 %), Côte St-Luc, Hampstead (10 %), Lachine, LaSalle, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Montréal-Est (70 %), Montréal-Ouest, Mont-Royal, Outremont, Plateau-Mont-Royal (60 %), Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles (50 %), Rosemont-La Petite-Patrie (80 %), Saint-Léonard (50 %), Le Sud-Ouest, Verdun, Ville-Marie, Westmount.
Une grande campagne d'information est d'ailleurs mise en oeuvre dès aujourd'hui. Des avis seront distribués aux portes de 46 000 foyers de L'Île-des-Sœurs jusqu'à Pointe-aux-Trembles, à Montréal, et du côté sud de la rive. On cible ainsi les secteurs les plus proches des 24 points de déversements. Des panneaux seront aussi installés à ces endroits.
Pour voir la carte des déversements sur votre appareil mobile, cliquez ici.
Durant le déversement, l'ajout de matières en suspension au fleuve sera de 1 mg/l, soit l'équivalent d'une goutte d'eau dans un litre.
Une équipe de surveillance sera sur l'eau en tout temps pour réaliser des inspections visuelles, des prélèvements et des analyses. Une équipe de nettoyage sera aussi prête à intervenir.
Pour éviter la dispersion des matières, une estacade, sorte de barrière flottante, sera aussi installée à la sortie du collecteur Saint-Pierre, en amont du pont Champlain.
La Ville va également surveiller attentivement les rejets de 45 des 165 établissements industriels dont les eaux usées se retrouvent généralement dans l'intercepteur sud-est. Montréal ne précise pas lesquels.
Cette surverse-là, c'est la surverse qui va avoir le plus de monitoring de l'histoire des surverses. Les gens du gouvernement du Québec, les gens du gouvernement du Canada et nos gens vont être sur l'eau.
« On a tous à apprendre de tout ça » - Coderre

Le maire de Montréal Denis Coderre
Photo : Radio-Canada
Déterminé à mettre la controverse qui a entouré cette décision derrière lui, le maire de Montréal, Denis Coderre, a fait valoir en conférence de presse qu'elle aura au moins permis d'attirer l'attention des décideurs et de la population sur la santé du fleuve Saint-Laurent.
« On a tous à apprendre de tout ça. Là, on est tous sensibles. Est-ce que vous saviez qu'il y avait eu 45 000 déversements au Québec? Est-ce que vous saviez que dans des villes canadiennes, on transvidait [des eaux usées] dans le fleuve, à la mer ou dans des Grands Lacs sans que personne soit au courant? Alors je pense que cette saga-là est une opportunité de sensibilisation », a-t-il dit.
Le maire de Montréal admet par ailleurs du bout des lèvres que son administration aurait pu faire les choses autrement. « Je refuse qu'on parle de cachette et de manque de transparence », s'est-il défendu, en rappelant que les informations sur le déversement à venir étaient contenues dans des documents déposés au conseil municipal au mois d'août.
« Ce n'était pas écrit huit milliards de litres d'eaux usées, mais bout de viarge, quand on parle d'un tunnel de cinq mètres de diamètre et qu'on dit que pendant sept jours, il va y avoir un déversement, il doit y avoir un certain montant de litres qui sont comme pas mal, tsé. Alors ça, c'est la réalité de la vie. L'erreur, c'est que les gens ont eu la perception à un moment donné – parce que j'ai fait un break et que j'ai demandé un moratoire – qu'il y a des gens qui n'étaient pas au courant. »
Le maire de Montréal, Denis Coderre, a réitéré que la décision de déverser huit milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve n'avait pas été prise « par gaieté de coeur », mais que, faute d'options, la Ville n'avait pas le choix d'y souscrire.
« Les experts [mandatés par le ministère fédéral] ont confirmé que ne rien faire et risquer un déversement non planifié aurait des conséquences catastrophiques pour la santé du fleuve », a-t-il rappelé. « Aussi impopulaire soit-elle, c'est une décision responsable dont le but premier est d'assurer une protection pour notre fleuve et notre eau. »
L'aval du fédéral
Hier, la ministre fédérale de l'Environnement et des Changements climatiques, Catherine McKenna, a donné son feu vert au déversement sous quatre conditions.
Elle a notamment exigé que la Ville revoie son plan d'urgence pour faire face aux imprévus susceptibles de survenir pendant le déversement. Montréal doit aussi mettre en œuvre un processus de « surveillance visuelle » pendant l'intervention afin d'identifier les lieux d'accumulation de matières qui remonteraient à la surface, de façon à nettoyer les zones touchées par le déversement. Elle doit surveiller la qualité de l'eau, des sédiments et de la flore « avant, pendant et après » l'intervention, puis transmettre les données scientifiques à Environnement et Changement climatique Canada, jusqu'en juin 2016.
Enfin, la Ville devra se livrer à un examen approfondi des évènements qui ont mené à « l'incident ». Les parties touchées par le déversement, notamment les Premières Nations de la région et le gouvernement du Québec, pourront prendre part à cet examen, qui sera dirigé par le ministère.
Selon la Ville, ces mesures de mitigations coûteront entre 1,7 million et 2 millions de dollars.
Tirer des leçons
À l'Assemblée nationale, le premier ministre Philippe Couillard a convenu que le déversement « n'est pas idéal », mais que la Ville doit « malheureusement » aller de l'avant, en respectant les mesures de mitigation décidées par le gouvernement fédéral.
Il a cependant refusé de se prononcer lorsqu'on lui a demandé si les évènements des dernières semaines devaient pousser Québec à investir davantage dans les infrastructures.
« Il faut rapidement se réunir et tirer les leçons de ces évènements-là », s'est-il contenté de répondre à ce sujet. « Parmi les leçons à tirer, il y a notamment la question des infrastructures de traitement d'eau, les plans B et C, pour qu'on n'ait pas, j'espère, à revivre ce genre de problème-là. »
C'est prématuré pour l'instant de dire qu'elle serait la solution à long terme. Il faut qu'on réunisse tout le monde après, et qu'on fasse l'examen très approfondi de cette circonstance.
Le ministre québécois de l'Environnement David Heurtel a aussi dit être d'avis que le rejet d'eaux usées dans le fleuve n'est « pas souhaitable », mais préfère « un déversement contrôlé » au « un déversement non contrôlé » qu'aurait pu engendrer un bris d'aqueduc.
Le ministre Heurtel, qui avait déjà donné son accord au déversement, a également salué la décision de son homologue fédérale, Catherine McKenna, qui, en donnant son aval sous conditions à la Ville de Montréal, a pris une « décision basée sur la science ».
M. Heurtel a évoqué des impacts « minimes » et « restreints » sur l'environnement et rappelé que son ministère et celui de Mme Mckenna avaient prévu « des mesures de contrôle et de suivi » du déversement.
Il retient toutefois de cette controverse qu'à l'avenir, « tant au niveau municipal que provincial que fédéral, il faut qu'on travaille de façon beaucoup plus concertée ».
Heurtel critiqué
Au Parti québécois, cependant, on estime que « David Heurtel n'a plus aucune crédibilité comme ministre québécois de l'Environnement ».
« Les nouvelles conditions établies par le gouvernement fédéral prouvent que David Heurtel a autorisé de façon précipitée la Ville de Montréal à effectuer ce déversement, sans avoir toute l'information scientifique disponible. Par conséquent, il a échoué dans son rôle de protecteur de notre eau et de notre environnement », a déclaré Mathieu Traversy, porte-parole du PQ en matière d'environnement.
Le chef de la CAQ, François Legault, est aussi d'avis que le dossier « a été très mal géré par M. Heurtel ».
« Comment ça se fait que M. Heurtel n'avait pas proposé ces mesures d'atténuation? », s'est-il demandé, référant aux conditions posées par la ministre fédérale de l'Environnement Catherine McKenna.