Voici pourquoi l'aide à mourir ne sera pas offerte ici
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les maisons de soins palliatifs du Québec ne sont pas prêtes à offrir l'aide médicale à mourir, alors que la loi 52 doit entrer en vigueur début décembre. Elles considèrent cet acte comme incompatible avec leur philosophie. La Maison Au Diapason à Bromont nous a ouvert ses portes.
La maison est typique des Cantons-de-l'Est, avec ses briques et sa grande galerie. Elle est construite dans un décor bucolique, à l'écart des grandes routes. Des fleurs tout autour, un boisé et des sentiers accessibles composent un décor apaisant. Toutes les chambres ont de larges fenêtres avec vue sur la montagne.
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À l'intérieur, cet après-midi-là, des notes de musique montent du salon, équipé d'un piano à queue blanc. Frères et sœurs, parents et cousins sont réunis autour d'une patiente dans la quarantaine pour lui offrir un concert.
L'animation fait sortir de sa chambre Adrien Choinière, 86 ans, assis dans un fauteuil roulant poussé par son épouse Marielle.

Chaque jour comme un cadeau
Atteint d'un cancer depuis huit ans, il est entré à la maison de soins palliatifs à la mi-août. Le vieil homme est souriant, parce qu'il n'a plus ces horribles douleurs qui l'empêchaient de dormir et le décourageaient de la vie. Maintenant que les médecins et infirmières ajustent précisément ses médicaments au jour le jour, il n'a plus mal. Il plaisante avec ses proches : « Dans deux semaines, je vais essayer de marcher. Je suis jeune encore! »
Écoutez le reportage de Myriam Fimbry diffusé le 4 octobre à l'émission Désautels le dimanche sur ICI Radio-Canada Première.
« Ça a été une belle vie. On ne peut pas demander mieux », se résigne son épouse de toujours, qui évoque leurs 62 ans de mariage et leurs sept enfants. L'aide médicale à mourir ne fait pas partie des plans. Chaque jour de plus qui passe est plutôt perçu comme un cadeau.
Je n'ai pas hâte de mourir, mais je suis prêt.

En soins palliatifs, les traitements ne visent pas la guérison, mais avant tout le confort, physique et psychologique. Les patients admis sur recommandation d'un médecin ont un pronostic de moins de deux mois. Le séjour peut être plus long. On a déjà vu un patient rester six mois au Diapason. D'autres, quelques heures seulement. Mais la moyenne est de 18 jours.
Les heures de visite sont illimitées pour les familles et l'atmosphère de la maison est propice aux confidences. Luc Choinière, l'un des fils du couple, a déjà dormi sur place. « Le cadre ici permet d'avoir la tranquillité, d'avoir des échanges. On a beaucoup parlé. » Il pense que ce serait plus difficile dans une ambiance d'hôpital. À l'évocation des conversations avec son père, sa voix s'étrangle. « Je m'aperçois qu'on a vécu tellement de choses ensemble. »
Avec empathie et discrétion, le personnel de soins et les bénévoles favorisent le plus possible ces moments précieux en famille. Ils s'adaptent au rythme du malade et de la famille avant tout.

Ne pas hâter ni retarder la mort
Leur objectif et leur philosophie, c'est d'accompagner la vie jusqu'au bout, sans hâter ni retarder la mort. C'est aussi la définition que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) donne des soins palliatifs.
Une des notions fondamentales des soins palliatifs, c'est qu'on soutient la vie. On ne fait rien pour hâter la mort ni la retarder. C'est un processus naturel. Nous voyons beaucoup la beauté de ce processus-là.
Pourtant, la souffrance et les larmes existent aussi, entre ces murs. Et si un patient désirait hâter le mouvement et en finir? La directrice des soins, Charlotte Evans, pense qu'avec l'éventail de services offerts pour assurer le confort du patient, il est possible de lui faire oublier cette idée.

Et s'il insistait? Le cas ne s'est pas encore présenté. « On va écouter sa souffrance et l'accompagner pour trouver une autre ressource », répond Charlotte Evans, c'est-à-dire trouver un autre établissement. « C'est assez difficile comme situation, nous voulons à tout prix essayer d'éviter ça. »
« L'aide à mourir, c'est un acte médical qui devrait être pratiqué dans un lieu approprié pour ça, par des gens habilités à faire ça, dont c'est la mission de le faire », selon Richard Gosselin, un médecin généraliste retraité de Granby, qui vient travailler une semaine sur six à la Maison Au Diapason.

Toutes les maisons de soins palliatifs du Québec se sont prononcées en bloc dans le même sens, début septembre. Plusieurs toutefois se disent ouvertes à poursuivre la réflexion.
Ici, pour le moment, ce n'est pas notre mission, ce n'est pas notre orientation. Et je ne suis pas surpris que les autres maisons pensent de la même façon.
Sédation terminale
La sédation palliative peut être proposée au patient, en toute fin de vie. C'est un sommeil profond, qui permet à la personne de ne plus être consciente de la douleur ni de la situation, en attendant que la mort arrive naturellement, souvent deux à trois jours plus tard. Bien qu'irréversible, la sédation ne précipite pas la mort. La frontière peut paraître mince, mais ce n'est pas de l'« aide médicale à mourir ».
Charlotte Evans craint qu'une confusion s'installe, si les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir coexistent dans une même bâtisse. « On va perdre la confiance des gens. À chaque intervention, est-ce qu'ils vont se demander si on est en train de les euthanasier? On combat déjà plein de préjugés. Les gens croient que c'est nous qui donnons la dernière piqûre. Même si les maisons de soins palliatifs existent depuis 25, 30 ans au Québec, le concept est encore peu connu. Les gens ont encore très peur de nous. »