Le cancer du bâtiment se propage au Québec

La mérule pleureuse est un champignon qui attaque les maisons
Photo : Getty Images / Ullstein Bild
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un champignon dévastateur, de plus en plus répandu au Québec, attaque la maison d'un jeune couple de Rimouski. La mérule pleureuse est si sournoise et féroce que la maison doit être démolie. Au bord de la ruine, le couple doit assumer seul les coûts énormes de cette mésaventure.

En juin 2014, Maxime Boivin et sa conjointe, Marie-Hélène Cauchon, planifient des travaux pour accueillir leur premier enfant.
M. Boivin aperçoit des taches blanches dans le vide sanitaire (espace entre le terrain et le bâtiment, dans le sous-sol). Il fait appel à un laboratoire spécialisé afin d'effectuer des tests. Les résultats sont troublants. La mérule pleureuse, un champignon redoutable dont il n'a jamais entendu parler, attaque sa maison. Le couple doit l'évacuer rapidement.
[Je me suis dit] : "Il faut que j'évacue la résidence. C'est dangereux pour le bébé". Il y a d'autres moisissures généralement qui viennent avec la mérule. Tout ça, c'est un cocktail qui peut être nocif.
Ils ne savent plus à quel saint se vouer. L'assureur refuse de les indemniser, et Québec dit non à toute forme d'aide. Ils sont pris avec leur maison, qu'ils doivent continuer de payer.
Les gens se contredisent, se disent non responsables. Mais moi, j'ai quand même acheté une maison qui était clé en main, factures à l'appui, avec des fondations neuves.
Pour voir l'inspection du sous-sol sur votre appareil mobile, cliquez ici (Nouvelle fenêtre).
De plus en plus de cas
Patrick Champagne, biochimiste et expert en qualité de l'air, précise que la mérule pleureuse, surnommée le cancer du bâtiment, est répandue en Europe, mais qu'elle se propage de plus en plus au Québec. L'expert traitait un ou deux cas par année. Aujourd'hui, il en voit un ou deux par mois.
M. Champagne, à qui La facture a demandé d'inspecter le vide sanitaire de la maison, constate que la mérule y a trouvé les conditions idéales : obscurité, humidité et manque de ventilation. Par contre, il ne peut pas déterminer quand ni comment elle est arrivée à cet endroit.
Lorsque le champignon se développe, il s'attaque au bois. Il dégrade le bois, et le bois perd de son intégrité.
Selon Jocelyn Morency, l'un des rares avocats au Québec qui a représenté des propriétaires aux prises avec ce champignon, la mérule peut dormir pendant longtemps et se réveiller lorsqu'il y a des conditions particulières.
La jurisprudence a déjà reconnu que la présence d'un germe qui se manifeste beaucoup plus tard est un vice caché, explique-t-il. Selon l'avocat, le propriétaire doit arriver à démontrer qu'il n'est pas responsable de l'apparition du champignon, puisqu'il n'a fait aucuns travaux depuis qu'il a acheté la maison.
Le reportage d'Esther Normand est diffusé le 22 septembre à La facture sur ICI Radio-Canada Télé.

Les cages de bois à l'origine du problème?
Dans le vide sanitaire, l'expert Patrick Champagne fait un constat important. Des cages de bois qui supportent la maison sont posées directement sur le sol. Le bois capte l'eau, ce qui favorise le développement de microbes. De plus, un isolant empêche le bois de sécher. « C'est évidemment très important. On voit que le bois est complètement recouvert. Ici, on a du bois qui est pourri », constate l'expert.
Si on avait fait les travaux différemment dans le but d'avoir un environnement beaucoup plus sec, moins humide, il n'y aurait pas eu de développement fongique. [...] On n'aurait probablement pas eu les conditions qui favorisent le développement de la mérule.
C'est l'ancien propriétaire qui a demandé à un entrepreneur d'installer les cages de bois. Pour déterminer si cela a favorisé le développement de la mérule, Maxime Boivin et Marie-Hélène Cauchon devront aller en cour.
L'ancien propriétaire nie toute responsabilité. Donc la seule voie possible, c'est d'aller en poursuite pour vice caché. Mais tout ça entraîne des coûts énormes.
Par ailleurs, le gouvernement refuse qu'ils brûlent la maison pour éviter que la mérule se propage. Ils devront donc prendre des mesures exceptionnelles pour la démolir. Le coût de l'opération : 50 000 $.

On considère vraiment notre maison comme étant une plaie. On est passé du rêve d'habiter au bord d'un lac à un désastre et une horreur dans notre vie, autant financiers que psychologiques.