Le président Obama dit non au pipeline Keystone XL

Barack Obama soutient que le projet Keystone n'apportera pas d'avantages aux États-Unis.
Photo : La Presse canadienne / Susan Walsh
Après plus de sept ans de discussions et de controverses, le projet de pipeline Keystone XL, qui devait acheminer du pétrole brut des sables bitumineux de l'Alberta vers des raffineries américaines, a été rejeté vendredi par le président des États-Unis Barack Obama.
Le président Obama a fait savoir que son administration rejette le projet d'oléoduc entre le Canada et le sud des États-Unis, principalement parce que Keystone XL aurait nui au rôle de son pays dans la lutte aux changements climatiques, mais aussi parce que le département d'État américain n'y voyait qu'un bénéfice économique « marginal ».
« Le département d'État a décidé que le pipeline Keystone XL ne sert pas l'intérêt national des États-Unis. Je suis d'accord avec cette décision. »
Les États-Unis jouent désormais un rôle de chef de file en matière de prévention des changements climatiques, a souligné le dirigeant. « Approuver ce projet aurait porté atteinte à ce rôle de chef de file mondial. »
Son secrétaire d'État John Kerry en a rajouté, affirmant que Keystone XL aurait « facilité le transport vers les États-Unis d'une des sources d'énergie les plus sales de la planète. »
Barack Obama a laissé savoir qu'il avait hâte de se rendre à Paris pour le sommet sur les changements climatiques.
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Le Canada, déçu, promet de faire mieux
Le président américain a indiqué avoir communiqué sa décision au nouveau premier ministre du Canada Justin Trudeau, qui a fait part de sa déception. « Nous sommes désolés de cette décision, mais respectons le droit des États-Unis à prendre celle-ci », a-t-il écrit dans un communiqué.
Le dirigeant canadien a par ailleurs indiqué que les relations canado-américaines « sont beaucoup plus vastes qu'un seul projet ». Justin Trudeau a aussi dit qu'il avait hâte de rencontrer Barack Obama « pour prendre un nouveau départ ».
Son ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion a soutenu que la décision « mettait de la pression » sur le gouvernement pour rebâtir la confiance de la communauté internationale envers le processus d'évaluation environnementale canadien. « Le gouvernement Trudeau enverra le message [...] que le Canada sera exemplaire dans la lutte aux changements climatiques », a-t-il promis.
Le Parti conservateur du Canada s'est également dit déçu. Son ancien chef Stephen Harper avait fortement appuyé le projet. Dans un communiqué, sa chef intérimaire Rona Ambrose a demandé à Justin Trudeau « d'entreprendre des pourparlers avec le gouvernement américain dès que possible ».
La première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, s'est dite déçue du terme « sale » utilisé par le gouvernement américain pour décrire « les exportations énergétiques » de l"Alberta. Elle a rappelé l'importance pour sa province d'acheminer le pétrole vers les marchés mondiaux, notamment en le transportant vers les côtes Atlantique et Pacifique.
Elle a également rappelé que son gouvernement préparait des normes environnementales plus sévères, de concert avec le gouvernement fédéral.
Le premier ministre de la Saskatchewan, dont la province se trouve sur le tracé prévu par Keystone XL, a quant à lui raillé le rejet du projet pour des raisons environnementales. Dans un message publié sur Twitter, Brad Wall a fait remarquer que le transport du pétrole par train aux États-Unis avait fortement augmenté au cours des dernières années. Il a soutenu que le département d'État américain avait lui-même admis que cette méthode de transport émet plus d'émissions de gaz à effet de serre que le transport par pipeline.
Peu avant l'annonce, la valeur des actions de TransCanada, l'entreprise à l'origine de KeystoneXL, avait chuté de 6 %.

Après plus de sept ans de discussions et de controverses, le projet de pipeline Keystone XL, qui devait acheminer du pétrole brut des sables bitumineux de l'Alberta vers des raffineries américaines, a été rejeté vendredi par le président des États-Unis Barack Obama. Voici son annonce.
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TransCanada pourrait revenir à la charge
TransCanada a indiqué qu'elle « étudierait toutes ses options » après ce refus des États-Unis. L'entreprise canadienne ajoute qu'elle pourrait de nouveau demander un permis présidentiel « pour un pipeline transfrontalier permettant de transporter du pétrole brut. »
Le département d'État américain a précisé que TransCanada pourrait déposer une nouvelle demande auprès de la prochaine administration présidentielle, si elle souhaite une nouvelle décision pour son projet d'oléoduc.
De son côté, l'Association canadienne des producteurs pétroliers a parlé d'un « refus politique » de Barack Obama. Elle a fait remarquer que le Canada et l'Alberta ont des normes environnementales en place. Le pipeline Keystone XL aurait dû être approuvé, selon l'Association.
L'organisme Greenpeace estime pour sa part que cette décision est un succès pour les environnementalistes.
« Il y a cinq ans, on estimait que l'approbation du projet était chose faite », a rappelé son porte-parole Mike Hudema. « C'est grâce à la pression extraordinaire des groupes citoyens, des communautés autochtones, des jeunes et de gens aux États-Unis et au Canada [...] que la décision d'aujourd'hui a été possible ».
Républicains mécontents
Certains candidats républicains à la présidence ont exprimé sur Twitter leur mécontentement face à cette décision. L'ancien gouverneur de la Floride, Jeb Bush, a évoqué « une autoattaque sur l'économie et les emplois aux États-Unis ». Le sénateur Marco Rubio a pour sa part affirmé qu'il approuverait l'oléoduc s'il est élu à la Maison-Blanche en 2016.
La candidate à l'investiture démocrate Hillary Clinton a quant à elle estimé qu'il s'agissait de la « bonne décision ». « Il est temps de faire de l'Amérique une superpuissance des énergies propres », a-t-elle écrit sur les réseaux sociaux.
La décision ultime de Keystone XL appartenait au président Barack Obama, qui avait déjà démontré son opposition envers le projet. En février 2015, le président a opposé son veto - le cinquième en sa carrière - à un projet de loi du Congrès, dominé par les républicains, qui espéraient le forcer à accepter le projet de pipeline.
La seule façon d'outrepasser le veto présidentiel aurait été, pour les républicains, de réunir la majorité des deux tiers dans chacune des chambres du Congrès (le Sénat et la Chambre des représentants), ce qui n'a pas été le cas. C'est pourquoi le sort du projet de la pétrolière canadienne était entre les mains de M. Obama.
Le pipeline de la controverse
Le pipeline proposé par TransCanada, basée à Calgary, encaisse des affrontements politiques et judiciaires depuis ses tout débuts. Au Nebraska, par exemple, Keystone XL s'est retrouvé au début de 2015 devant la Cour suprême de l'État, qui avait finalement tranché et approuvé le tracé de l'oléoduc.
Récemment, l'entreprise canadienne avait demandé aux États-Unis de suspendre temporairement la demande d'autorisation du projet justement en attendant la résolution d'une dispute sur le tracé de Keystone XL dans cet état américain. Cette demande a été rejetée par le département d'État américain deux jours après sa soumission. Certains y voyaient là une tactique de la pétrolière pour remettre la décision finale entre les mains du prochain président des États-Unis.
Le projet de pipeline reçoit également des critiques des groupes environnementaux aux États-Unis, qui ont souvent manifesté leur opposition. Ils craignent entre autres que ce pipeline ne mène à une fuite de pétrole en terre américaine, et s'inquiètent de la contribution des sables bitumineux de l'Alberta à la croissance des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale.
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Le refus était imminent
Ce projet international, évalué à huit milliards de dollars, devait recevoir le feu vert d'un côté comme de l'autre de la frontière canado-américaine pour voir le jour. Au Canada, le projet a été approuvé par l'Office national de l'énergie, l'organisme fédéral qui réglemente la construction et l'exploitation des oléoducs et gazoducs, le 11 mars 2010.
Les gouvernements du Canada, de l'Alberta et de la Saskatchewan ont longtemps fait pression sur l'administration américaine pour qu'elle accepte que 1 897 km de tuyaux soient installés sous ses terres afin d'y transporter du pétrole canadien.
Toutefois, les efforts de séduction de la part des Canadiens n'ont pas réussi à convaincre Barack Obama, dont le mandat se termine en janvier 2017, que ce projet méritait d'être concrétisé. Le président américain a maintes fois affiché ses réticences face à Keystone XL. Il a même déjà affirmé que le pétrole extrait au Canada était « exceptionnellement sale ».
Sa potentielle successeure, la démocrate Hillary Clinton, a elle aussi annoncé son opposition au projet en septembre 2015. Celle qui sollicite l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle de novembre 2016 aux États-Unis voit Keystone XL comme un projet qui va à l'encontre du travail effectué pour lutter contre les changements climatiques.
Ce n'est donc pas une très grande surprise si les Américains bloquent aujourd'hui Keystone XL, d'autant plus que plusieurs voix se sont élevées au cours des derniers mois, au Canada comme aux États-Unis, pour anticiper cette décision. Un sénateur américain, de même que des personnes impliquées dans le projet de TransCanada, craignait cette réponse depuis quelques semaines. Même les espoirs de l'ex-premier ministre Stephen Harper, fervent défenseur du pipeline, semblaient s'être estompés à l'été 2015 où il avait laissé croire que les délais dans la prise de décision à Washington étaient de mauvais augure.
Une gifle au visage pour l'Alberta
Depuis les tout débuts du projet, l'Alberta, jusqu'au printemps 2015 gouvernée par les progressistes-conservateurs, misait beaucoup sur Keystone XL pour permettre à ses produits pétroliers de s'exporter plus aisément.
C'est d'ailleurs un discours assez courant en Alberta. La province souhaite multiplier les pipelines afin de permettre à son pétrole d'être vendu partout dans le monde. Selon elle, les pipelines sont la manière la plus sécuritaire de le transporter. La première ministre néo-démocrate Rachel Notley l'a d'ailleurs rappelé en juillet, lorsque les provinces ont adopté une stratégie nationale de l'énergie.
Au cours des dernières années, le gouvernement de l'Alberta a voulu vanter les bienfaits de Keystone XL aux Américains, notamment en achetant des publicités dans les grands quotidiens et faisant des allers-retours à Washington pour rencontrer des dignitaires.
Le fait maintenant que Barack Obama a bloqué Keystone XL est une mauvaise nouvelle l'Alberta, qui souffre de la dégringolade des prix du pétrole. À la fin de l'été, le prix du baril de pétrole nord-américain est passé sous la barre des 40 $US, un prix qui porte un dur coup aux finances provinciales et à l'économie canadienne.
L'Alberta avait beaucoup d'espoir en Keystone XL. Ce mot final de Barack Obama n'est rien pour aider cette province déjà grandement affaiblie par le ralentissement économique.