Les villes canadiennes inégales quant à la protection de l’eau potable

Une affiche indiquant que l’eau est non potable est apposée sur une fontaine du parc Major’s Hill, à Ottawa.
Photo : Jean-Sébastien Marier/SRC
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une enquête pancanadienne de CBC (Nouvelle fenêtre) révèle que bon nombre de municipalités au pays ne procèdent pas au contrôle sanitaire complet de leur eau potable. Elles font l'impasse sur les tests de certains contaminants, tests pourtant recommandés par le gouvernement fédéral.
Cyanure, pesticides, autres produits chimiques... Sur 18 villes dans l'ensemble des provinces et territoires, seule Ottawa teste l'intégralité des contaminants en vertu des lignes directrices volontaires préconisées par Santé Canada. L'agence fédérale dénombre 75 substances qui pourraient se retrouver dans l'eau potable et qui sont susceptibles d'avoir des effets sur la santé humaine.
Parmi les bons élèves, on trouve également Edmonton et Calgary (74 contaminants testés), Halifax (74), Montréal (73), Vancouver (72) et Toronto (71). Principalement dans le nord du Canada, les cancres en la matière sont Whitehorse (33 contaminants testés), Fredericton (29), Yellowknife (23), Iqaluit (20) ou encore Saint-Jean, T.-N.-L. (20).
Tests sélectifs
La principale raison invoquée par les municipalités qui choisissent de ne pas vérifier la présence dans leur eau potable de tous les contaminants est que de nombreux polluants ne se retrouveraient pas dans la région concernée. L'absence d'agriculture dans le nord explique, par exemple, que les tests sur les différents pesticides ne soient pas effectués.
« Je pense que l'eau de Whitehorse compte parmi les meilleures au monde! » se défend le maire de la ville, Dan Curtis. Il explique que les puits souterrains sont étroitement surveillés par les autorités sanitaires et environnementales du Yukon. Des tests sont également conduits dès que du matériel neuf en contact avec l'eau est installé.
Du côté de la Saskatchewan, malgré l'importance du secteur agricole, les tests ne sont pas nombreux. Sur les 23 contaminants que la Ville de Regina n'analyse pas, il y a notamment des éléments radioactifs et des pesticides. À Saskatoon, c'est avant tout la présence des pesticides qui n'est pas vérifiée.
Santé Canada indique que « les différentes réglementations et industries ou encore les variations de climat affectent la pertinence de certains tests en fonction des provinces et territoires », qui sont ainsi libres de décider d'une politique adéquate.
Dangers pour la santé
Un argument non recevable selon plusieurs experts interrogés par CBC. « Chaque municipalité devrait être obligée de faire l'ensemble des tests. Elles n'ont peut-être pas besoin de faire chaque fois des vérifications pour tous les contaminants, mais vérifier périodiquement, c'est mieux que pas du tout », estime Eva Pip, spécialiste en toxicologie environnementale et en qualité de l'eau à l'Université de Winnipeg. Et d'ajouter : « Un environnement immaculé, ça n'existe plus sur cette planète. »
Selon Eva Pip, les recherches ont démontré par le passé que lorsqu'on fait des tests pour vérifier la présence d'une substance qui n'est pas censée se trouver dans l'eau, on a finalement bien souvent de mauvaises surprises. Bien que la plupart des polluants ne soient pas nocifs dans l'immédiat, ils peuvent s'avérer dangereux pour la santé à long terme. « Beaucoup de produits chimiques d'origine industrielle sont toxiques pour le foie, voire cancérigènes s'il y a exposition continue », explique Chris Metcalfe, professeur en sciences environnementales à l'université de Trent, en Ontario.
Cependant, le coût exorbitant des tests représente un véritable frein pour les municipalités, reconnaissent les chercheurs. Randy Christensen, avocat spécialisé en politique de l'eau pour l'ONG Ecojustice, recommande de reproduire le modèle américain, géré par le fédéral. « Tous les tests sont obligatoires. Si une municipalité veut être exemptée, elle doit en faire la demande formelle et prouver aux autorités qu'elle peut se passer du ou des tests en question. Et une consultation publique est, ensuite, organisée », précise-t-il.
Le Canada a, selon l'avocat, besoin d'une gestion fédérale sur la question des contrôles sanitaires de l'eau, ce qui, par ailleurs, est un critère également exigé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).