Un médecin de famille pour tous à l'horizon 2018

Les Drs Godin et Barrette lors de l'entente sur les soins de premières lignes
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Tous les Québécois qui désirent avoir un médecin de famille verront leurs voeux exaucés d'ici le 31 décembre 2017, affirment le ministre de la Santé et le président de la Fédération des omnipraticiens, grâce à une entente qualifiée d'« historique » qui écarte l'idée des quotas, honnie par les médecins.
En vertu de cette entente, qui vient renforcer les soins de première ligne, 85 % des Québécois auront un médecin de famille d'ici cette date, ce qui correspond à toutes fins utiles à 100 % des gens qui veulent un médecin de famille, disent Gaétan Barrette et Louis Godin.
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) s'engage en outre à consacrer 80 % de son temps à des services de première ligne.
La conséquence sera qu'en moyenne, un patient inscrit dans un guichet d'accès sera pris en charge en-dedans de 30 jours.
Des supercliniques, baptisées groupes de médecine de famille réseau (GMF-R), verront aussi le jour.
« Les GMF-R seront en quelque sorte les supercliniques qui constitueront un filet de sécurité pour les gens ayant besoin d'une consultation semi-urgente », a précisé la FMOQ dans un communiqué.
Selon le Dr Barrette, ces supercliniques seront « rapidement déployées cette année ». De nouveaux groupes de médecine familiale (GMF) seront aussi créés.
L'entente annoncée lundi signifie en outre que les omnipraticiens n'auront pas à respecter des quotas imposés par Québec, tel que le préconise le projet de loi 20, dont l'étude détaillée en commission parlementaire doit commencer mardi.
Il n'y a pas de quotas. Toute l'approche qu'il y avait à l'intérieur du projet de loi 20, elle n'est pas là. On utilise une approche complètement différente.
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« Compte tenu de cette entente, le projet de loi, s'il devenait une loi, ne s'appliquera pas aux médecins de famille », a confirmé Gaétan Barrette.
Selon lui, l'entente prévoit non seulement une « date butoir », mais aussi « une méthode de suivi périodique conjointe, de l'évolution, de la progression de l'accès » aux soins de première ligne. Si « la progression attendue n'est pas au rendez-vous », dit-il, le FMOQ s'est engagé à mener une « intervention interne » auprès de ses membres.
« Je tiens à souligner les efforts, l'importance et la portée de ce qui est proposé » par le FMOQ, a dit le ministre Barrette, visiblement heureux du dénouement de cette affaire.
« La portée et les objectifs vont à 100 % dans l'esprit, dans la direction que nous voulions avec le projet de loi 20 », ajoute-t-il. « C'est une bonne nouvelle, parce qu'elle vient du terrain et de leurs représentants. »
Nous sommes dans une première. Jamais n’y a-t-il eu un engagement formel quantifié entre les fédérations médicales et le gouvernement. […] La portée de cet engagement-là est inédite.
Les grandes lignes de l'entente
Le Dr Godin a admis en conférence de presse que les omnipraticiens du Québec étaient « conscients » des problèmes d'accessibilité aux services de première ligne. « C'est quelque chose que l'on discutait depuis déjà quelques années. [...] C'était important pour nous d'améliorer cette situation-là », a-t-il affirmé, en évoquant « un engagement clair » de la part des membres de la FMOQ.
Les solutions annoncées aujourd'hui « auront un effet significatif pour améliorer l'accessibilité, que ce soit d'avoir un médecin de famille, d'avoir accès à un médecin de famille, ou d'avoir accès à son médecin de famille », plaide-t-il.
Ce qui veut dire dans les faits que tous les Qébécois qui désirent avoir un médecin de famille pourront avoir un médecin de famille au terme de ce délai-là.
Le Dr Godin indique que la FMOQ va travailler avec ses membres « de façon à ce qu'ils modifient leur façon de pratiquer, particulièrement leur façon de gérer leurs rendez-vous, afin qu'ils soient accessibles plus rapidement à leurs patients ».
Il confirme que Québec et sa fédération vont « suivre l'évolution de la situation pour savoir est-ce qu'on réussit véritablement à atteindre les objectifs, en regardant les différents délais qu'il y aura dans les guichets d'accès pour que les patients puissent être pris en charge. »
L’accès adapté auquel a fait référence le Dr Godin […] c’est un mode de pratique, un changement majeur dans la pratique médicale, qui fait en sorte que les médecins se rendent disponibles. On peut s’attendre à des rendez-vous très facilement dans la semaine.

Selon le président de la FMOQ, l'un des changements les plus importants convenus avec le ministre porte sur la modification des activités médicales particulières (AMP), une mesure qui demandait au médecin de consacrer 12 heures/semaine de sa pratique à l'hôpital pour régler les problèmes aux urgences.
« Nous allons revoir la façon de gérer les plans d'effectifs médicaux en établissement, afin de s'assurer que l'implication des médecins de famille soit à la hauteur de ce à quoi on doit s'attendre », a-t-il ajouté.
À ce sujet, Gaétan Barrette a précisé que les plans d'effectifs médicaux seront désormais gérés non pas en fonction des régions administratives, mais des GMF. « Il y a des besoins dans les GMF, on dirige les finissants dans ces endroits-là », a-t-il résumé.
« Nous avons convenu, avec le Dr Godin, ensemble, de quadriller le Québec en fonction des besoins de la population », ajouté le ministre de la Santé.
Professeur agrégé au département de Sciences infirmières à l'Université de Montréal, Damien Contandriopoulos fait remarquer que la modification des activités médicales particulières (AMP) implique un jeu de vases communicants qui pourrait s'avérer dangereux.
« C'est une bonne idée si on trouve une solution de remplacement pour les hôpitaux. La raison pour laquelle on a créé les AMP c'est parce qu'on n'arrivait pas à maintenir les urgences en fonctionnement. Les AMP n'existent pas ailleurs au Canada. On pourrait probablement s'en passer, la question est de voir comment on transitionne », a-t-il dit en entrevue avec Anne-Marie Dussault à l'émission 24 heures en 60 minutes lundi soir.
Damien Contandriopoulos voit par ailleurs difficilement comment les médecins vont pouvoir rencontrer plus de patients sans voir leur rémunération augmenter en conséquence.
Le Dr Godin a pour sa part ajouté que le ministre Barrette s'est engagé, « à la hauteur de ses moyens », à créer un environnement favorable à la pratique des omnipraticiens « que ce soit le support à la pratique, particulièrement dans les CLSC, [...] terminer l'informatisation de la première ligne, s'assurer que les médecins de famille aient un accès raisonnable en temps aux plateaux techniques et aux consultations spécialisées, et mettre en œuvre les différentes mesures pour favoriser le travail interprofessionnel. »
Le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) salue l'entente annoncée lundi. « Cette entente favorisera un plus grand accès aux services de médecine familiale et c'est le but recherché » se réjouit son directeur général, Pierre Blain. « Le RPCU a toujours souhaité une entente entre les parties pour une meilleure efficience du réseau. »
Une « entente entre médecins pour les médecins »
La critique du PQ en matière de Santé, Diane Lamarre, déplore que l'entente intervenue entre la FMOQ et le ministre Barrette n'améliore en rien le système de santé de façon concrète. « C'est une entente entre médecins, pour des médecins », déplore Mme Lamarre.
La députée de Taillon dénonce le fait que l'entente ne prévoit aucun mécanisme pour mesurer les progrès de la nouvelle mesure. Elle estime que le gouvernement n'a rien fait depuis son arrivée au pouvoir pour améliorer les soins de santé et qu'il demande un nouveau délai de deux ans avant d'atteindre ses premiers objectifs.
C'est une entente pour donner accès à un médecin de famille, mais pas nécessairement à notre système de santé et aux soins de santé.
Mme Lamarre reproche également au ministre Barrette de ne pas écouter les groupes de patients et d'autres professionnels de la Santé. « On n'a pas fait de place aux infirmières praticiennes spécialisées (IPS), aux psychologues, aux pharmaciens et aux autres professionnels qui pourraient contribuer », poursuit-elle.
Mme Lamarre estime que le ministre de la Santé aurait tout intérêt à se tourner vers l'interdisciplinarité afin de résorber les difficultés du système de santé. « Ce sont les modèles qui fonctionnent dans les autres provinces et les autres pays », ajoute-t-elle.
De plus, la députée de Taillon craint que la mesure accroisse les coûts du système de santé puisque le mode de rémunération des médecins n'a pas changé. Or, en augmentant le nombre d'actes médicaux des médecins – qui sont payés à l'acte - les coûts du système augmenteront d'autant.
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