Un projet de loi sur l'équilibre budgétaire à Ottawa

Le ministre des Finances Joe Oliver répondant à une question, mardi, à la Chambre des Communes.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Après avoir présenté sept budgets déficitaires consécutifs, le gouvernement conservateur proscrira la pratique.
« Aujourd'hui, je suis fier d'annoncer que nous avons l'intention de déposer un projet de loi sur l'équilibre budgétaire », a lancé mercredi le ministre des Finances, Joe Oliver.
Dans un discours livré à Toronto à quelques jours de la présentation de son budget, il a insisté sur les bienfaits de la quête constante du déficit zéro, tant pour son gouvernement que pour les suivants.
Le budget équilibré que le grand argentier déposera le 21 avril prochain sera donc présenté comme un jalon important du début d'une nouvelle ère de discipline budgétaire à Ottawa.
Car en vertu de la loi proposée, les budgets à l'encre rouge seraient autorisés seulement en période de récession ou lors de circonstances exceptionnelles - en situation de guerre ou à la suite d'une catastrophe naturelle qui coûterait plus de 3 milliards de dollars au Trésor public.
« Notre gouvernement comprend que dans certaines circonstances, des mesures de relance économique sont nécessaires. Le projet de loi reconnaît le besoin potentiel d'enregistrer des déficits pour contrer un recul économique », a exposé M. Oliver.
Mais le ministre des Finances qui signerait un budget déficitaire aurait ensuite des comptes à rendre, a prévenu son actuel titulaire devant les gens d'affaires de l'Economic Club of Canada, qui ont applaudi cette annonce.
Il devrait témoigner devant un comité parlementaire dans un délai de 30 jours pour présenter un plan prévoyant « un échéancier concret » vers un retour à l'encre noire, qui comprendrait un gel des dépenses de l'État ainsi qu'un gel salarial pour les ministres et les sous-ministres.
Si un budget déficitaire était présenté en l'absence de récession, de guerre ou de catastrophe naturelle, le gel des dépenses de fonctionnement serait « automatique », et les ministres et les sous-ministres devraient encaisser une réduction de salaire de 5 %.
Le projet de loi visant à enrayer les déficits se retrouvera dans le projet de loi omnibus sur le budget du 21 avril prochain, a-t-on confirmé au bureau du ministre Oliver.
Mesure législative facilement contournable
Grâce à la majorité conservatrice en Chambre, Ottawa se dotera donc prochainement d'une mesure législative déjà en vigueur dans plusieurs provinces canadiennes, dont le Québec, et qui est facilement contournable.
Car l'adoption de la Loi sur l'équilibre budgétaire par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, en 1996, n'a pas empêché les gouvernements successifs d'enregistrer des déficits au fil des ans - il suffisait de modifier la loi pour rendre le tout légal.
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Le gouvernement libéral de Jean Charest l'a fait en 2009, recourant au bâillon pour faire adopter à l'Assemblée nationale la Loi modifiant la Loi sur l'équilibre budgétaire, qui lui permettait d'afficher des déficits jusqu'en 2013-2014.
C'est ce qui fait dire au député néo-démocrate Guy Caron que ce type de projet de loi relève davantage du « voeu pieux » que de l'action concrète.
C'est bien évident que la population canadienne veut avoir un gouvernement qui soit fiscalement responsable. Avoir une loi comme celle-là, honnêtement, ne change pas grand-chose.
Et le fait qu'elle soit mise de l'avant par un gouvernement qui n'a su renouer avec l'équilibre budgétaire au cours des dernières années comporte une dose d'ironie que le porte-parole adjoint en matière de finances n'a pu s'empêcher de souligner.
« Le gouvernement conservateur se targue d'être économiquement compétent, mais ce serait la première fois depuis 1912 qu'un gouvernement conservateur fédéral atteindrait l'équilibre budgétaire », a illustré M. Caron.
Le chef libéral Justin Trudeau a soulevé la même contradiction, jugeant « un peu ridicule » que les conservateurs s'attaquent à ce dossier à quelques mois des élections, alors qu'ils ont échoué à redresser les finances malgré le fait que la récession mondiale est terminée depuis environ cinq ans.
« Je trouve que ce n'est pas quelque chose qu'on peut prendre au sérieux », a-t-il lancé en mêlée de presse lors d'un passage à Chicoutimi.
Son porte-parole en matière de finances, Scott Brison, s'est dit outré du « niveau quasi toxique d'hypocrisie » du discours livré par Joe Oliver, qui a sévèrement critiqué les aptitudes de gestion des précédentes administrations libérales.
[Jean] Chrétien et [Paul] Martin ont fait ce qu'ils avaient dit : neuf surplus consécutifs et 80 milliards de dollars retranchés à la dette nationale. Harper ne fait que parler : sept déficits et ajout de 150 milliards de dollars à la dette nationale.
Des utilisateurs du réseau social lui ont cependant répondu que les libéraux avaient sabré les transferts aux provinces afin d'y parvenir.
Avec les informations de La Presse canadienne