La Flore laurentienne de Marie-Victorin a 80 ans

Conrad Kirouac (1885-1944), devenu en entrant en religion le frère Marie-Victorin, reconnut le chardon de Mingan en tant qu'espèce distincte.
Photo : Frère Rolland-Germain
La célèbre Flore laurentienne du frère Marie-Victorin aura 80 ans le 1er avril. Il s'agit d'un livre phare dans l'histoire des sciences au Québec, une œuvre monumentale qu'on peut encore lire et utiliser aujourd'hui.
L'ouvrage impressionne. Avec ses 917 pages grand format, ses 22 cartes et ses 2800 dessins, il est le fruit d'une trentaine d'années de travail. Marie-Victorin et ses collaborateurs ont en effet recueilli, classé et caractérisé des dizaines de milliers de spécimens pour dresser ce panorama détaillé de la flore du sud du Québec. Une flore qui couvre un territoire allant de l'Outaouais au Bas-du-Fleuve, de la frontière américaine à l'Abitibi et au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Bref, un territoire qu'on peut appeler la Laurentie, même si ce découpage est plus politique que géologique ou botanique.
Ce qui est aussi remarquable de cette Flore, c'est que, pour l'époque, elle était très bien illustrée. Savante (noms latins des plantes, descriptions précises, termes techniques précis en français, classifications, etc.), elle était aussi vulgarisée.
Pas étonnant qu'elle ait connu une « carrière » exceptionnelle pour un livre de cette nature : après la première édition de 1935, elle a eu une deuxième édition enrichie de mises à jour en 1964, puis une troisième, en 1995. Elle est toujours offerte aux Presses de l'Université de Montréal. Et elle est partiellement en ligne, sur le site www.florelaurentienne.com.
La Flore laurentienne a un caractère tout à fait inusité en raison de ses commentaires ethnobotaniques et écologiques, selon le botaniste et conservateur de l'Herbier Marie-Victorin de l'Université de Montréal, Luc Brouillet.
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Grand botaniste, le frère Marie-Victorin a été plus qu'un scientifique. Il a été un bâtisseur, notamment du Jardin botanique de Montréal, son autre grande réalisation.
Plus encore, il a été un bâtisseur de la communauté scientifique canadienne-française. Professeur à l'Université de Montréal dès 1920 (quand l'université s'est affranchie de la tutelle de l'Université Laval, dont elle était une succursale), il a fondé l'Institut botanique en 1922, puis cofondé l'ACFAS en 1923. Rappelons que l'ACFAS, l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences, a été à l'avant-garde de la formation d'une culture et d'une élite scientifiques de langue française. Toujours dans le but d'éveiller les jeunes à la science, l'inlassable frère des écoles chrétiennes a aussi été le promoteur des cercles des jeunes naturalistes au début des années 1930; ce mouvement a rapidement compté des dizaines de milliers de membres.
Marie-Victorin a été un environnementaliste avant la lettre, préoccupé au premier chef par la conservation de la nature et de ses ressources, selon René Audet, qui dirige l'Institut des sciences de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal.
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Figure intellectuelle majeure de l'entre-deux-guerres, Marie-Victorin a été un précurseur de la modernité et de la Révolution tranquille. En formant une génération de chercheurs influents, dont l'écologiste Pierre Dansereau. En affirmant que l'avenir du Québec passait par l'éducation, la science et la recherche. Et en se faisant le champion de l'ouverture au monde du Québec; pas du repli sur soi, comme l'explique Yves Gingras, historien des sciences à l'Université du Québec à Montréal.
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Né en 1885, Conrad Kirouac, dit frère Marie-Victorin, est mort en 1944 dans un accident d'auto. Il avait 59 ans.
On peut écouter deux de ses conférences présentées en 1943 dans son émission La cité des plantes (Nouvelle fenêtre), à Radio-Collège, sur les ondes de Radio-Canada.
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L'émission Les années lumière présente dimanche sur ICI Radio-Canada Première un reportage de 50 minutes sur Marie-Victorin et sa Flore laurentienne.