Mère et fille autochtones en mission contre la violence faite aux femmes

Nathalie et Pénélope Guay ont fondé la Maison Communautaire Missinak.
Photo : R-C
Après avoir elles-mêmes souffert de violence, Pénélope Guay et sa fille Nathalie se sont donné comme mission d'aider d'autres victimes. Elles ont fondé une maison d'hébergement de femmes autochtones à Québec. Portrait d'une initiative qui fait une différence.
Avant elle, sa mère avait été victime de violence. Puis, Pénélope Guay a réalisé que sa fille Nathalie en avait elle aussi souffert.
Chez les Autochtones, les histoires de violence sont souvent trop familières. Les filles et les femmes des Premières Nations sont presque trois fois plus susceptibles que les autres femmes au pays d'en être victimes.
Mais loin de s'apitoyer sur leur sort, mère et fille sont devenues alliées pour permettre à d'autres femmes autochtones de s'en sortir.
« Je l'ai vécu, ma maman l'a vécu, ma mémère l'a vécu. On essaie de transformer au moins le monde autour de nous, nos propres enfants. Mais ça ne se fait pas en claquant des doigts. C'est tranquillement et de génération en génération. »
Dans l'Enquête sociale générale sur la victimisation (2009) de Statistique Canada, 13 % des femmes autochtones avaient déclaré avoir été victimes de violence au cours des 12 derniers mois.
L'aboutissement d'années d'acharnement
Après être retournées ensemble aux études à l'université, elles ont fondé une maison d'hébergement à Québec appelée Missinak, ce qui signifie tortue en innu. L'an dernier, 56 femmes et presque autant d'enfants y ont séjourné. Des Innues, des Atikamekw et des Inuites, qui ont parfois fait plus d'une dizaine d'heures d'autobus pour s'y réfugier.
Selon Pénélope Guay, ces femmes doivent être comprises autant dans leur langue que dans leur silence. « La confidentialité c'est très dur dans les communautés, parce qu'ils se connaissent tous. En général, les femmes rapportent qu'il y a la peur de dire, la peur de briser le silence. »
Pénélope Guay constate qu'après un séjour à Missinak, les femmes repartent souvent plus fortes et deviennent parfois des modèles dans leur communauté. Nathalie Petiquay-Couture est prête à en témoigner. Elle a passé six mois dans cette maison d'hébergement de Québec. « J'étais tombée dans la drogue, vraiment beaucoup. Je n'étais pas moi-même. J'étais en burn-out. En allant à Missinak, ça m'a complètement changée. J'ai trouvé la vraie Nathalie. »
Des défis énormes
Si la maison d'hébergement parvient à faire une différence, une personne à la fois, Pénélope Guay sait que ça ne suffira pas. Selon elle, les défis restent énormes dans les communautés autochtones. Elle y déplore notamment la pauvreté et le surpeuplement.
- 1017 homicides de femmes autochtones sont survenus de 1980 à 2012, soit 16 % de tous les homicides commis contre des femmes (les femmes autochtones représentent 4,3 % du total de la population féminine au Canada).
- En date du 4 novembre 2013, 164 femmes autochtones étaient toujours portées disparues
Elle joint d'ailleurs sa voix aux groupes autochtones et aux partis d'opposition à Ottawa qui réclament à nouveau une commission nationale d'enquête sur les meurtres et les disparitions de femmes autochtones.
« Pourquoi y a-t-il eu autant de sœurs disparues et tuées? Pourquoi ne va-t-on pas faire la recherche? Parce que peut-être on découvrirait justement des situations de pauvreté, peut-être on découvrirait qu'il y a des inégalités. »
Malgré les défis, même à 64 ans, Pénélope Guay n'a pas l'intention d'arrêter. De voir de jeunes femmes reprendre leur vie en main l'encourage à continuer.
