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Baisse du prix du pétrole et pessimisme à Terre-Neuve-et-Labrador

Saint-Jean, à Terre-Neuve

Saint-Jean, à Terre-Neuve

Photo : Marilyn Marceau

Radio-Canada

La baisse du prix du pétrole force la province de Terre-Neuve-et-Labrador à revoir ses plans, du moins à court terme. Le gouvernement progressiste-conservateur anticipe désormais un déficit près de deux fois plus gros que prévu : 916 millions de dollars pour 2014-2015.

Un texte de Marilyn MarceauTwitterCourriel

Il faut remonter à plus de 10 ans, avant que Terre-Neuve-et-Labrador ne devienne une province riche, pour avoir un déficit aussi grand.

Le ministre des Finances de la province, Ross Wiseman, a annoncé qu'au lieu de viser un retour vers un surplus budgétaire dans la prochaine année, son parti présentera des budgets déficitaires pour les cinq prochaines années.

La baisse du prix du pétrole a un grand impact sur nous. Ce secteur représente 30 % de nos revenus.

Une citation de Ross Wiseman, ministre des Finances

L’emprise du pétrole

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Ralentissement à Saint-Jean

La capitale de Terre-Neuve-et-Labrador carbure à l'industrie pétrolière. De nombreux édifices, hôtels et concessionnaires automobiles ont fait leur apparition en même temps que les compagnies pétrolières. Les banlieues se sont grandement développées et des restaurants chics ont commencé à voir le jour.

La chute du prix du pétrole se fait donc particulièrement sentir à Saint-Jean. Des propriétaires de concessionnaires de camions et des agents immobiliers nous ont affirmé qu'ils constataient déjà un ralentissement. Le secteur hôtelier aussi observe une baisse de clientèle.

Le président de l'Association des hôtels et motels de Terre-Neuve-et-Labrador, Greg Fleming, lui-même gérant d'hôtel à Saint-Jean, confirme qu'il y a un déclin dans l'industrie depuis la baisse du prix du pétrole. « On sent une différence », dit-il. Les employés des compagnies pétrolières et de leur sous-contractants effectuent moins de réservations qu'à l'habitude. Selon M. Fleming, il est trop tôt pour évaluer l'ampleur de la diminution de l'activité économique liée à la baisse du pétrole.

Même s'il n'existe pas encore de données précises sur l'impact sur l'économie, plusieurs entrepreneurs font ce constat : un climat de pessimisme s'est installé sur la ville. Les commerçants craignent de subir les contre-coups de la chute du prix de l'or noir, à mesure que la population sera touchée par ses conséquences.

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Quels impacts à Terre-Neuve?

Le niveau de production est maintenu dans les installations pétrolières au large de Terre-Neuve, mais les grandes compagnies pétrolières ont annoncé qu'elles limiteront leurs dépenses. Suncor a confirmé le report d'un projet d'expansion au gisement White Rose. Certains de ses employés de Saint-Jean vont perdre leur emploi, mais on ne sait pas combien encore.

L'impact le plus direct et le plus immédiat de la baisse du prix du pétrole à Terre-Neuve-et-Labrador se voit sur les finances publiques. Les revenus tirés du pétrole sont devenus indispensables. C'est grâce à eux si, en 2008, Terre-Neuve-et-Labrador est devenue une province riche, c'est-à-dire qui ne dépend plus des paiements de péréquaton d'Ottawa. Ce fût une étape importante, dont les citoyens sont très fiers. Le pétrole a sorti les Terre-Neuviens et Labradoriens de la pauvreté, au moment où l'industrie de la pêche s'effondrait avec le moratoire sur la morue, en 1992.

Les redevances tirées de l'exploitation des hydrocarbures extra-côtiers représentent près du tiers des revenus totaux. Pour 2014-2015, la province prévoyait recevoir environ 2 millards de dollars, mais ce sera beaucoup moins, environ 1,5 milliard de moins, en raison de la baisse du prix du pétrole. À la lumière de ces différents indicateurs, certains économistes prédisent rien de moins qu'une récession à Terre-Neuve-et-Labrador.

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Des résidents de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que des provinces des Maritimes, sont aussi touchés par le ralentissement des projets dans les sables bitumineux, car des milliers d'entre eux font la navette entre l'Ouest et l'Est du pays pour le travail.

Choix difficiles en vue

Le ministre des Finances de T.-N.-L, Ross Wiseman

Le ministre des Finances de T.-N.-L, Ross Wiseman

Photo : Philippe Grenier

Le grouvernement provicial entame aujourd'hui une tournée de consultation budgétaire pour identifier les priorités de la population. Le ministre des Finances affirme que de « grands ajustements » sont nécessaires. Ross Wiseman confirme qu'il y aura des mises à pied dans la fonction publique et des hausses de taxes ou d'impôts pour les citoyens. Les politiciens pourraient aussi subir une baisse de salaire, comme au Nouveau-Brunswick et en Alberta.

On ne sait pas encore exactement où le couperet va tomber, mais déjà, la province prévoit retarder certaines dépenses en infrastructure, une mauvaise nouvelle pour l'Asociation des travaux publics de Terre-Neuve-et-Labrador, qui représente les entreprises de réparation et construction de de routes, d'égouts et de ponts. Le directeur général, Jim Organ, affirme que ses membres, dont le principal employeur est le gouvernement, « se demandent ce que ça voudra dire pour les trois à quatre prochaines années ».

M. Organ précise toutefois que l'industrie est convaincue que des contrats continueront tout de même à être distribués, car certains travaux sont essentiels et inévitables.

« Ça va faire mal », affirme l'historien de l'Université Memorial de Saint-Jean, Robert Sweeny. « Aucun doute, ils vont couper là-dessus. Ils vont couper d'une façon drastique dans le domaine social. On a les frais de scolarité les moins élevés en Amérique du Nord et je pense qu'ils vont les augmenter. Depuis 14 ans, on a un gel des frais de scolarité. »

Le directeur de la faculté d'économie de l'Univeristé Memorial, Wade Locke, croit que le problème sera temporaire, car les prix du pétrole vont remonter. Il pense tout de même que les prochaines années seront pénibles pour la province. « C'est une situation difficile, que personne n'avait anticipée, que personne n'avait planifié, que personne ne souhaitait, mentionne l'économiste, mais c'est ce qui arrive quand on est une économie basée sur la ressource ».

Carte montrant les gisements dans l'océan.

Gisements pétroliers au large de Terre-Neuve

Photo : Radio-Canada

La version originale de ce document a été modifiée. Pour des raisons techniques, la version interactive de la carte n'est plus disponible.

L'espoir de l'or noir

Malgré la chute du prix du pétrole et les problèmes que ça entraîne dans la province, personne ne veut retourner en arrière, à l'« avant-pétrole ». « On est mieux avec le pétrole que sans », résume l'économiste Wade Locke.

Cette industrie a sorti la province de la pauvreté et ouvert de nouveaux horizons à toute une population. « Chez les jeunes, il y avait des taux de chômage réels de 40 %, on voyait ici les pires niveaux de pauvreté au pays, un enfant sur quatre en bas de 12 ans vivait dans la pauvreté », se rappelle l'historien Robert Sweeny.

« Nous avons appris notre leçon avec la morue », affirme le ministre des Finances, qui ajoute que son gouvernement tente de diversifier l'économie, mais l'industrie pétrolière reste tout de même la source majeure de revenus. Pour le moment, les Terre-Neuviens et Labradoriens ne sentent pas l'urgence de trouver un substitut à l'industrie pétrolière. Ils font confiance à cette manne qui leur a tant donné. Beaucoup de Terre-Neuviens sont d'ailleurs convaincus que ce n'est qu'un mauvais moment à passer et que les prix du pétrole vont remonter.

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