Ottawa déterminé à interdire le niqab lors des cérémonies d'assermentation

Niqab
Photo : Luc Lavigne
Ottawa portera en appel la décision de la Cour fédérale qui a conclu que le gouvernement ne peut interdire le port du niqab lors des cérémonies d'assermentation pour recevoir la citoyenneté canadienne.
Le juge Keith M. Boswell a estimé qu'Ottawa avait en fait violé ses propres règles sur l'immigration en instaurant, en 2011, un moratoire sur le port du niqab au cours de ces cérémonies.
Le premier ministre canadien a fait part de cette intention d'en appeler lors d'une conférence de presse tenue à Victoriaville, au Québec, jeudi.
« Nous comptons déposer un avis d'appel concernant cette décision, a déclaré M. Harper en réponse à la question d'une journaliste. Franchement, je pense [personnellement] et je pense que la plupart des Canadiens et des Canadiennes trouveraient offensant qu'une personne cache son identité au moment même où elle souhaite se joindre à la famille canadienne. »
Sa déclaration lui a valu les applaudissements des gens présents dans la salle. « Ce n'est pas notre façon de faire et je pense que c'est pas acceptable », a poursuivi le premier ministre canadien.
Stephen Harper a aussi spécifié que la société canadienne était transparente, ouverte et que, dans cette société, les gens étaient égaux.
La Cour fédérale a rendu un jugement vendredi dernier dans la cause opposant une femme d'origine pakistanaise, Zunera Ishaq, au gouvernement fédéral.
Mme Ishaq, qui vit à Mississauga, porte le niqab, ce voile couvrant tout le visage à l'exception des yeux, et elle tient à le conserver durant son assermentation.
Le juge Keith M. Boswell estime que le devoir d'un juge à l'assermentation est de procurer aux aspirants à la citoyenneté canadienne la plus grande liberté possible dans la célébration entourant le serment.
Une décision de Jason Kenney
En décembre 2011, le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme de l'époque, Jason Kenney, avait annoncé que le port du niqab et de la burqa serait dorénavant interdit lors des cérémonies d'assermentation pour l'obtention de la citoyenneté canadienne.
Pour Jason Kenney, tous les nouveaux Canadiens devaient participer à l'événement de la même manière et prêter serment « de façon libre et ouverte ».
« Nous ne pouvons pas tolérer deux classes de citoyens. [...] Ceci n'est pas une simple mesure pratique et technique. C'est une question de pur principe qui se situe au coeur de notre identité et de nos valeurs en matière d'ouverture et d'égalité. »
Le ministre avait alors précisé qu'il avait reçu plusieurs plaintes de juges à l'immigration qui ne voyaient pas le visage des candidats et ne pouvaient donc pas savoir qui prononçait vraiment le serment.
En octobre dernier, après que Zunera Ishaq eut contesté devant la justice la mesure mise sur pied par Jason Kenney, ce dernier (désormais ministre de la Défense nationale et du Multiculturalisme) avait publiquement fait la promotion de ses directives sur son compte Twitter.
« Je crois que les gens qui sont assermentés pour l'obtention de la citoyenneté doivent le faire publiquement, le visage à découvert. »
L'avocat de Zunera Ishaq, Me Lorne Waldman, affirme pour sa part que la Loi sur la citoyenneté ne requiert pas que les gens soient entendus ou vus pendant qu'ils prêtent serment.
En entrevue avec CBC, en octobre dernier, il avait déclaré que Jason Kenney pouvait croire ce qu'il veut en tant que citoyen « mais, en tant que ministre de la Couronne, il doit faire respecter les lois ».
« Et non seulement la politique qu'il a instaurée n'était pas autorisée, soutenait-il, mais elle est incompatible avec les lois en vigueur et la Charte canadienne des droits et libertés ».
Devant la Cour fédérale, l'avocat représentant le gouvernement avait soutenu que devenir un citoyen canadien était un privilège, non un droit. Il avait de plus souligné que Zunera Ishaq avait consenti à retirer son niqab lorsqu'elle avait passé son permis de conduire.
Avec l'appel fait par le gouvernement du Canada, il est vraisemblable que Zunera Ishaq reportera de nouveau son assermentation pour devenir citoyenne canadienne.
Prévue pour janvier 2014, l'assermentation avait été reportée une première fois par Mme Ishaq lorsque celle-ci avait appris qu'elle devait retirer son niqab pour l'occasion.
Zunera Ishaq est arrivée au Canada en 2008, en ayant son mari pour répondant.