Un recul du pétrole, mais pas de boom en Ontario

Prenez note que cet article publié en 2015 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les entrepreneurs ontariens voient d'un bon oeil la chute des prix du pétrole, mais tout n'est pas rose à l'horizon. La baisse du dollar canadien favorise les exportations vers les États-Unis. Toutefois, ceux qui s'attendent à un retour de l'âge d'or du secteur manufacturier en Ontario risquent d'être déçus, car son déclin se poursuivra.
Quels sont les défis et les pièges auxquels font face les entrepreneurs dans un contexte de tumultes et de transformations? Portrait de trois entreprises de la région de Hamilton.

C'est comme faire des poupées russes sur les stéroïdes! Gary Evans se spécialise dans l'emballage rapide de boîtes de produits, comme des papiers mouchoirs ou des couches pour bébés. Les machines qu'il fabrique peuvent emballer plus de 120 boîtes en moins d'une minute.
« Plus le huard est bas, plus c'est avantageux pour notre entreprise. Nos coûts de fabrication sont en dollars canadiens, mais nos ventes sont en dollars américains. Notre marge de profit est donc beaucoup plus élevée », dit Gary Evans. Edson Packaging peut donc offrir des rabais à ses clients existants ou futurs.
C'est une excellente occasion. Nous avons embauché un nouveau représentant aux États-Unis afin d'aller frapper aux portes de nouveaux clients potentiels et pour essayer de ravir des parts de marchés à nos concurrents américains.

Edson Packaging, à Hamilton
Photo : Christian Noël
Gary Evans reste cependant sur ses gardes. « La valeur du huard canadien, c'est comme les montagnes russes, ajoute M. Evans. Notre devise est maintenant un pétrodollar, à la merci des fluctuations internationales hors de notre contrôle. Ça rend les prédictions de marché beaucoup plus difficiles. Notre boule de cristal est devenue plus opaque. »
Impossible de savoir combien de temps le taux de change jouera à l'avantage d'entreprises comme Edson Packaging. « Dans le passé, les compagnies qui sont devenues dépendantes d'un faible dollar canadien se sont fait jouer des tours, explique Gary Evans. Nous allons continuer d'innover pour éviter de tomber dans ce piège. »

Des brosses en métal, en plastique, en nylon. Pour nettoyer les planchers, les rails de chemins de fer, les tuyaux des oléoducs. « Quand les sables bitumineux vont bien, notre compagnie va bien », explique le président de Felton Brushes, Tony Ponickvar. Felton Brushes fait partie des entreprises ontariennes qui ont profité des milliards de dollars en retombées générées par le boom pétrolier en Alberta. Mais c'est une arme à double tranchant, reconnaît Tony Ponikvar.
« Quand le dollar baisse, c'est bon pour nous. Mais quand le prix du pétrole tombe, nous perdons des clients. Nous prévoyons une baisse de 40 % de notre chiffre d'affaires en Alberta au cours des six prochains mois. Nous devrons peut-être effectuer des mises à pied. »
Sa planche de salut : diversifier ses produits et profiter d'un taux de change avantageux pour percer le marché américain. « Le Canada, c'est moins de 1 % de l'économie mondiale. Les États-Unis, ça représente 20 %. Et ils sont en pleine reprise », raconte M. Ponickvar.

Felton Brushes, à Hamilton
Photo : Christian Noël
Dans le secteur pétrolier, Felton Brushes cherche à percer le marché du Texas. « La baisse des prix du pétrole a ralenti l'exploration là-bas aussi, dit-il. Mais si notre produit coûte moins cher grâce à notre devise plus faible, on pourra peut-être gagner des clients. C'est le bon moment pour être agressif. »
Felton Brushes se lance aussi à l'assaut de la côte est américaine avec un nouveau produit, Chef Felton : des brosses pour nettoyer les barbecues, les grilles de cuisson commerciales et les blocs de boucher pour les restaurants.
Il faut se réinventer continuellement, mais ça ne se fera pas du jour au lendemain. Il faut faire beaucoup de défrichage et de promotion pour percer le marché américain. Il faut rajuster les attitudes, les plans d'affaires, les investissements. C'est une période de transition risquée.

« La baisse des prix du pétrole a entraîné l'annulation soudaine de plusieurs projets, sans avertissement. Ça nous fait très très mal », explique le PDG, Vince DiCristofaro.
La compagnie AVL est très sensible à la baisse des prix du pétrole parce qu'elle fabrique un produit fait sur mesure pour le forage et l'exploration. Des immenses bassins en métal, qui reçoivent les boues usées et les déblais de forage.
C'est pire qu'un ralentissement graduel. Ça coupe les revenus du jour au lendemain. Il a fallu remercier plusieurs employés.

Employé chez AVL, à Hamilton
Photo : Christian Noël
AVL essaie de trouver d'autres débouchés dans l'industrie énergétique et dans la fabrication de pièces pour le secteur automobile. Ce qui aide un peu AVL, c'est la baisse du dollar canadien, qui lui donne un avantage contre ses concurrents américains qui tentent de percer le marché canadien. « Notre marge de manœuvre a presque doublé en un an, grâce à la faiblesse du dollar, ajoute Vince DiCristofaro. Sans cet avantage, nous aurions perdu quelques contrats qui nous restent. »
AVL n'est pas sorti du bois et a besoin d'une hausse des prix du pétrole pour retrouver plus de stabilité. « Le pétrole à 75 ou 80 dollars canadiens, c'est parfait pour nous. Mais plus bas, ça nuit à nos affaires. »
Fini la vigueur d'antan
L'Ontario est en bonne position pour profiter de la baisse des prix du pétrole. Les analystes prévoient une croissance économique de 3,3 % cette année. Un bon coup de pouce pour le secteur manufacturier qui périclite depuis la récession de 2008. « Mais ce sera loin d'être suffisant pour renverser la tendance à long terme », selon Robert Hogue, économiste en chef à la banque RBC.
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Le secteur manufacturier va continuer son déclin. L'Ontario a perdu 325 000 emplois en 10 ans dans le secteur de la fabrication.
Ce n'est qu'un petit morceau du casse-tête d'une tendance internationale beaucoup plus lourde : la disparition des emplois manufacturiers dans les pays les plus industrialisés. « Les entreprises deviennent de plus en plus efficaces dans leur production, l'emploi dans le secteur manufacturier à l'échelle mondiale est sur une baisse à long terme. »
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« Le secteur manufacturier en Ontario a vécu ses heures de gloire au milieu des années 90 », précise Robert Hogue, mais il ne faut pas s'attendre à retrouver cet âge d'or », malgré les circonstances économiques actuelles. « On va être encore loin d'un boom économique où les gens vont voir une très nette amélioration dans leur vie de tous les jours, d'après Robert Hogue. Les salaires et les perspectives d'emploi vont s'améliorer, mais de façon modeste et graduelle. »