Un ancien hassidique réclame 1,2 million à Québec

Yonanan Lowen, le défendeur
Un ancien membre de la communauté hassidique de Boisbriand, sur la Rive-Nord, réclame 1,2 million de dollars en dommages et intérêts à la Direction de la protection de la jeunesse, à la Commission scolaire La Seigneurie des Mille-Îles de même qu'à une école et à un collège hassidiques. Yonanan Lowen reproche aux instances gouvernementales de l'avoir privé de l'éducation séculière de base à laquelle il avait droit, selon les lois québécoises.
Aujourd'hui âgé de 37 ans, M. Lowen soutient qu'il est dans l'incapacité de se trouver un emploi hors de la communauté, qu'il a décidé de quitter en 2010, en raison des manquements de la DPJ, de la commission scolaire et des écoles qu'il a fréquentées. Il estime ainsi avoir subi d'importants dommages financiers.
M. Lowen a grandi au sein de la communauté hassidique de Boisbriand, où aucune des écoles ne possède de permis du ministère de l'Éducation. Il souligne que, selon la Loi sur l'instruction publique (LIP) québécoise, priver un enfant de scolarisation équivaut à de la maltraitance.
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« L'école et le collège opèrent pourtant au grand jour sans que les autorités compétentes n'interviennent pour les faire fermer ou s'assurer qu'elles dispensent le régime pédagogique obligatoire prévu par le ministère de l'Éducation du Québec », déplore la mise en demeure.
« En agissant ainsi, l'État porte atteinte de manière illicite et intentionnelle au droit à l'éducation prévu à la Charte des droits et libertés de la personne et encadré par la Loi sur l'instruction publique. »
À qui appartient la responsabilité?
Ni la DPJ, ni le ministre de l'Éducation du Québec, Yves Bolduc, n'ont commenté la mise en demeure de M. Lowen.
En ce qui a trait à la Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Iles (CSSMI), Me Jonathan Desjardins Mallette qui en est le secrétaire général affirme que « la responsabilité de scolarisation d'un enfant appartient à ses parents. Il leur revient de procéder à l'inscription de leur enfant dans une école d'une commission scolaire ou dans une école privée. Une commission scolaire fournit des services éducatifs aux élèves dûment inscrits par leurs parents. En ce sens, la CSSMI n'a aucune responsabilité dans la situation de M. Lowen. »
« Une farce »
M. Lowen explique que le règlement d'un litige entre Québec et une école hassidique l'a incité à intenter le recours qu'il lance aujourd'hui. Il dénonce l'entente intervenue entre l'école Satmar d'Outremont et le gouvernement du Québec qui prévoit que les enfants de cette communauté pourront continuer de fréquenter l'école traditionnelle pendant que les parents, qui n'ont eux-mêmes pas reçu de scolarisation séculière, se chargeront de l'enseignement du programme du ministère de l'Éducation.
« Tout le monde sait que c'est une farce », dénonce M. Lowen.
Sachant que les enfants n'étaient pas scolarisés à Boisbriand, la DPJ aurait dû intervenir, selon la mise en demeure. « On va considérer que ce sont des enfants abandonnés, qui sont donc maltraités, et on va devoir intervenir », explique le directeur de la clinique juridique Juripop, Marc-Antoine Cloutier. « Dans ce cas-ci, visiblement la DPJ était au fait de la situation, savait que ces jeunes-là ne recevaient pas d'éducation et elle a préféré ne rien faire. »
« La DPJ doit répondre de ses omissions volontaires. »

Marc-Antoine Cloutier, de Juri-Pop, explique la raison pour laquelle il a accepté de défendre la cause d'un ancien membre de la communauté hassidique de Boisbriand.
Quant à la commission scolaire, M. Lowen lui reproche d'avoir omis de s'assurer de sa scolarisation puisque les enfants québécois doivent, légalement, être scolarisés de 6 à 16 ans. L'intervention du procureur général du Québec dans un dossier similaire, celui de l'Académie Yeshiva Toras Moshe, témoigne de la conscience qu'a le gouvernement de son obligation légale envers les enfants hassidiques, ajoute le demandeur.
En ce qui concerne les écoles fréquentées par M. Lowen, elles sont tenues responsables des préjudices pour avoir incité les parents du plaignant à l'inscrire à leur programme. De plus, les écoles ont laissé croire aux parents, toujours selon la mise en demeure, que leur programme d'enseignement répondait aux critères de la Loi sur l'instruction publique.
« Le gouvernement, le directeur de la protection de la jeunesse, la commission scolaire, l'école et le collège, par leur tolérance face à cette situation, leur omission ou leur négligence à s'assurer que notre client fréquente une institution qui dispense le programme d'éducation reconnu par le ministère de l'Éducation [...] fait en sorte que notre client ne peut aujourd'hui évoluer normalement dans la société. »
Des cas similaires
Les anciens membres de ces communautés réclament un minimum d'éducation séculière afin de pouvoir choisir de rester ou de quitter la communauté hassidique une fois parvenus à l'âge adulte.
Un groupe d'anciens hassidiques a intenté une poursuite en 2012 contre le gouvernement d'Israël parce que l'État n'avait pas respecté sa loi sur l'enseignement public garantissant un minimum d'enseignement non religieux.
Un recours similaire est en préparation dans l'État de New York, aux États-Unis, où une importante communauté hassidique a élu domicile. Les anciens hassidiques reprochent à l'État de ne pas leur avoir garanti une éducation minimalement séculière.
Avec des informations d'Émilie Dubreuil