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Père-Marquette : une journée à l'école avec le directeur adjoint

Jean-Chesnel Pierre, directeur adjoint de l'école Père-Marquette, à Montréal

Jean-Chesnel Pierre, directeur adjoint de l'école Père-Marquette, à Montréal

Photo : Radio-Canada.ca/Michel Labrecque

Radio-Canada

Que fait de ses journées le directeur adjoint de Père-Marquette? Quatrième reportage de la série de Désautels le dimanche sur le quotidien d'une école secondaire publique de Montréal.

Un reportage de Michel Labrecque TwitterCourriel à Désautels le dimanche

Directeur adjoint à l'école Père-Marquette, Jean-Chesnel Pierre est responsable des élèves de 1re, 2e et 3e secondaire. Né dans une ferme en Haïti, il œuvre dans le milieu scolaire québécois depuis 20 ans. Il en est à sa troisième année à l'école. Nous l'avons suivi durant une journée de travail, et il a eu plusieurs feux à éteindre.

7 h 30 : Jean-Chesnel Pierre arrive au bureau 15 minutes avant l'ouverture des portes. En raison des compressions budgétaires à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), le nombre de postes de surveillants a été réduit. L'équipe de direction assume désormais l'ouverture des portes et la surveillance des couloirs en début de journée.

Un mal pour un bien, selon M. Pierre, qui se décrit avant tout comme un homme de terrain.

Ça nous permet d'être vraiment en contact avec les jeunes. J'ai travaillé dans d'autres écoles où on ne faisait pratiquement pas de surveillance. Le faire nous permet de connaître davantage les élèves et de désamorcer rapidement des conflits.

Une citation de Jean-Chesnel Pierre

7 h 45 : Mais en ce lundi matin, c'est surtout une histoire survenue le vendredi précédent qui occupe encore l'esprit de Jean-Chesnel Pierre. En fin de journée, il a dû se transformer en sprinter pour poursuivre un élève qui s'enfuyait de l'école après une altercation avec un enseignant.

Dans le bureau, le prof concerné revient sur la séquence des événements avec le directeur adjoint. Empoignade entre deux élèves, puis l'un d'eux qui « pète les plombs ».

« J'ai dû procéder à un arrêt physique, quelque chose que je n'aime pas faire, explique l'enseignant, encore secoué. Mais le jeune était hors de contrôle et insultait tout le monde. » Finalement, l'élève a été retrouvé et ramené chez lui par la direction.

8 h : L'école est déjà en pleine ébullition 10 minutes avant le début des classes. Jean-Chesnel Pierre arpente systématiquement la section des casiers, pour y détecter quoi que ce soit d'anormal : bousculade, échange de produits illicites ou autre. Il demande à plusieurs élèves de retirer leur casquette, interdite à l'intérieur de l'école.

8 h 30 : Une rencontre de médiation est prévue pour discuter du cas de deux élèves de 2e secondaire qui se plaignent d'avoir été menacées physiquement par un enseignant. Les parents arrivent à l'école, extrêmement remontés. Les deux filles sont convoquées séparément avec leurs parents.

Jean-Chesnel Pierre s'emploie à reconstituer les événements qui ont mené au problème : les deux élèves reconnaissent qu'elles étaient très bavardes en classe et répondaient parfois cavalièrement à l'enseignant. « Je ne vais jamais accepter que tu manques de respect envers un prof et que tu refuses de respecter son autorité », dit-il à l'une d'elles.

L'enseignant est ensuite convoqué pour donner sa version des faits. Il nie avoir touché les élèves, mais reconnaît que le ton monte parfois dans sa classe. « Je suis un humain comme toi », dit-il à une des élèves. Des excuses sont faites. « Quand vous parlez aux élèves, vous parlez vraiment fort », dit une des filles avant de s'effondrer en larmes.

Les parents quittent la rencontre satisfaits de la façon dont la direction a géré cette affaire. Le prof sera rencontré ultérieurement par la direction pour rediscuter de sa gestion de classe.

Cet aspect de la collaboration des parents est crucial pour Jean-Chesnel Pierre.

Un élève qui va m'envoyer promener, ça ne m'atteint pas. Mais un parent qui me raccroche au nez alors qu'on essaie de développer un plan d'intervention pour un élève qui a un problème, ça, ça vient me chercher. 

Une citation de Jean-Chesnel Pierre

9 h 30 : Pendant la rencontre, Jean-Chesnel Pierre évoque son passé personnel en Haïti. « On voulait tellement apprendre qu'on se donnait des cours entre nous quand il n'y avait pas de prof. »

Issu d'un milieu modeste dans la campagne haïtienne, il trouve une motivation très grande dans sa propre histoire. « Je suis allé à l'école du village pieds nus; mes premiers enseignants avaient à peine terminé leur cours primaire. »

Il a eu la chance de pouvoir poursuivre ses études en ville et, plus tard, d'immigrer à Montréal avec sa famille.

En Haïti, l'éducation est un privilège, pas un droit. Parfois, je trouve que les jeunes Québécois ne sont pas conscients de la chance qu'ils ont.

Une citation de Jean-Chesnel Pierre

10 h - 12 h 30 : De nombreuses rencontres s'ajoutent à l'emploi du temps de Jean-Chesnel Pierre : un élève expulsé de sa classe pour problème de comportement, un autre qui ne s'est pas présenté à ses périodes de retenues. Un troisième est rencontré par la psychoéducatrice et un enseignant. Souvent en retard à l'école, dans ses travaux, etc. Il est retiré de l'école pendant une semaine et envoyé dans un programme communautaire en guise d'avertissement.

Paradoxe dans le travail de M Pierre : « Souvent, à cause de la nature du travail, ce sont les élèves qui ont le plus de difficultés qui accaparent notre temps et on manque de temps pour encourager les meilleurs élèves. »

12 h 30 : Courte pause à la cafétéria. M. Pierre a apporté son propre repas. Il surveille ensuite les activités dans le hall central de l'école.

L'éducatrice spécialisée Marie-Claude Hogue, de l'équipe d'intervention de l'école Père-Marquette, à Montréal

Marie-Claude Hogue, de l'équipe d'intervention de l'école Père-Marquette, à Montréal

Photo : Radio-Canada/Michel Labrecque

13 h 30 : Nouvelle rencontre, cette fois avec un groupe de filles. L'éducatrice spécialisée se joint au débat. Deux clans s'accusent mutuellement de « plaquage » et de bousculade dans les couloirs. Possible rivalité amoureuse en toile de fond.

Les chicanes de filles, c'est souvent plus difficile à cerner que les affrontements entre garçons. Plus difficile de comprendre hors de tout doute raisonnable qui est la victime et qui est l'intimidatrice.

Une citation de Jean-Chesnel Pierre

14 h : Autre histoire de filles sur fond de réseaux sociaux : « Tu vas te faire ramasser », aurait écrit une élève à une autre sur sa page Facebook suite à une altercation en classe. L'interrogatoire de M. Pierre révèle que l'histoire est plus complexe, et que les insultes auraient été mutuelles.

Père-Marquette a une politique de tolérance zéro sur les cas d'intimidation, mais le directeur adjoint reste prudent. « Il faut faire la part des choses entre les vrais cas d'intimidation, qui existent bel et bien, et les simples conflits, qui peuvent se régler assez facilement par une médiation. » Mais l'école reste à l'affût de toute apparence d'intimidation.

14 h 30 : Discussion de l'équipe d'intervention (la psychoéducatrice et l'éducatrice spécialisée) autour d'une classe, où le climat se détériore. Les profs ont lancé un signal d'alarme conjoint. Les intervenants suggèrent des pistes de solution pour inverser le cercle vicieux.

14 h 45 : Fin des classes. Une dernière inspection des casiers attend Jean-Chesnel Pierre. Ensuite, il passera les 90 minutes qui restent à faire du travail administratif; ce qu'il n'a pas encore fait de toute la journée.

Somme toute, une journée classique, mais calme, selon lui : pas de saisie de drogues comme ça arrive parfois (c'est davantage une réalité en 4e et 5e secondaire, comme je l'explique dans mon reportage radio). Pas de bagarre non plus (il y en aura une le lendemain), ni de course infernale à la poursuite d'un élève comme le jour de classe précédent.

Écoutez le reportage radio de Michel Labrecque, qui présente d'autres membres de l'équipe d'intervention de Père-Marquette, qui travaillent avec les élèves les plus vieux. À ne pas manquer le 16 novembre à Désautels le dimanche sur ICI Radio-Canada Première.

Selon vous, jusqu'où doit s'étendre l'intervention de l'école? Faites-nous part de vos commentaires ci-dessous :

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